Chapitre 2 - Mia - Partie 1

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La vieille Beauvais martèle mon bureau de ses poings fripés en répétant à l'infini que « l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ». Elle tambourine le bois encore et encore et je suis incapable bouger ! J'ai pourtant une envie de faire pipi phénoménale et si je n'arrête pas de rire face à ses yeux exorbités et ses petits poings qui s'écrasent devant moi, je risque bien de me faire dessus.

— L'avenir, Barthel, appartient à ceux qui se lèvent tôt ! siffle le serpent...

Bon sang, je ne peux plus tenir et serre mes genoux aussi fort que possible.

— L'avenir, Barthel, appartient à ceux...
— L'avenir, Barthel...
Je me réveille en sursaut, le cœur tambourinant, mais le sourire toujours aux lèvres et constate qu'effectivement, j'ai une énorme envie d'aller soulager ma vessie. Pourquoi ce satané réveil n'a-t-il pas sonné ?! Je regarde l'accusé et... mon Dieu, il est plus de sept heures et demie !
Je me lève d'un bond, manque m'étaler lorsque mes pieds rencontrent le bord du tapis, enjambe Hanni allongé devant ma porte comme à son habitude qui lève à peine la tête sur mon passage et me rue vers la salle de bains. Je saute dans la douche puis dans un jean, réfléchis une demi-seconde avant d'opter pour une tunique légère (mais avec gilet cette fois-ci !) et passe à la phase maquillage. Honnêtement, avec des cernes qui dégoulinent jusqu'à mi-joue et mes cheveux en folie, on pourrait croire que je sors tout juste de l'asile. Un chignon défait plus tard, ma crinière blonde est disciplinée. Un bon coup de fond de teint, un peu de fard à paupières pour rehausser le bleu de mes iris, une couche de mascara et le miroir me renvoie enfin une tête digne d'un humain. Entre nous, c'est déjà pas mal.

Ma mère est déjà partie, non sans avoir pris soin de préparer mon petit-déjeuner. J'avoue, elle a laissé un post-it aussi. Le contraire aurait été étonnant, mais pour une fois je ne peste pas et saisi le pain au lait que je ne prends même pas la peine de tartiner, vue l'heure avancée. D'une main je mange, de l'autre je lis ses mots.
« Ils annoncent plus frais aujourd'hui, prends au moins ta veste en jean. Passe une bonne journée, bisous ma puce ».
Je retire ce que je viens de dire, je peste intérieurement. Jusqu'à quel âge compte-t-elle me dire comment m'habiller ? J'avale mon jus de fruits dans la plus grande des précautions pour ne pas tacher ma tunique, et saute dans mes chaussures. Il faut vraiment, mais VRAIMENT que je me magne.

À peine ai-je fermé la porte d'entrée, que je l'ouvre à nouveau. Ma mère a raison, il caille. Je cours vers la penderie et enfile ma veste en jean. La fameuse. Je n'ai plus froid, mais je suis définitivement en retard.

J'ai eu beau courir une partie du trajet, mes jambes n'ont pas été plus vite avec ces nouvelles baskets. Croyez-le ou non, mais ce sont des conneries qu'on raconte aux enfants.

La cour du lycée est déserte lorsque j'arrive enfin, les poumons en feu. Je respire aussi bien qu'une tortue asthmatique et me rue vers l'escalier qui finira de m'achever avant d'arriver à la salle 206. Mue d'une endurance que je ne me connaissais pas encore, je grimpe les marches deux à deux et manque une nouvelle fois depuis ce matin de m'écraser contre la porte de lettres. Je ne peux pas entrer dans ces conditions, de quoi vais-je avoir l'air ?
Je passe ma main dans mes cheveux et refais mon chignon.

Je gonfle mes poumons de courage. Moreau va me tuer, mais ça va bien se passer.
J'inspire.
J'expire.
Je recommence deux fois, on n'est plus à ça près.
Enfin, je frappe à la porte. Un « oui » brut et incisif se fait entendre de l'autre côté. La main tremblante, je pousse la poignée. Trente paires d'yeux se braquent sur moi, certains rieurs (ceux de ma super meilleure amie, notamment) tandis que je peux lire de la désolation dans d'autres.
Je finis d'ouvrir la porte et me retrouve encore une fois percutée par deux yeux verts. Percutée ou plutôt fusillée, devrais-je dire.
— Je...- bordel, je bégaye !-... je suis désolée pour mon retard.
— Vous n'avez visiblement pas écouté les conseils de la veille, Mia...
Comme « l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt » ? J'en doute et je me retiens de rire en repensant à mon rêve. Évidemment Moreau fait référence à son speech d'hier. Qui aurait pu l'oublier ?

Envers et contre toi -  *Sous contrat chez Black ink éditions*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant