II. Et j'ai compris.

38 9 0
                                    

Quand nous avons fêté nos quinze ans, ma soeur et moi, nous avons voulu deux gâteaux différents. Un à la fraise et l'autre à l'abricot.

Nous nous étions écartées, parce que les gens ne faisaient pas la différence entre nous. Mais, paradoxalement, ça nous avait rapprochées. On se surveillait de loin, longues-vues en main.

Ensemble pour être différentes. Différentes pour ne pas être confondues. Confondues car ensemble. Logiquement.

Différente de moi, de ce qu'on disait d'elle, de ce qu'on voulait pour elle. Et d'une certaine façon, de ce qu'il fallait, pour elle.

Mais elle, elle ne voulait pas, alors elle mettait en colère.

Malgré toutes les tempêtes qu'elle créait et les coups qu'elle donnait, malgré la distance d'elle à moi, on se connaissait par coeur et on s'aimait de tout celui-ci, à tel point qu'on ne pouvait pas nous séparer, seulement nous déchirer.

Elle était une partie de moi comme j'étais une partie d'elle, aucun jugement comme si elle avait suivi le cours de ma pensé comme de la sienne, aucune dispute comme si elle me connaissait trop pour qu'elle ne finisse pas par me trouver prévisible, rien entre nous. Tout contre.

Avec nos longues-vues, on se protégeait l'une et l'autre du reste du monde. De tout ce que le reste du monde pouvait trouver.

Elle et moi ne connaissant rien à part nous-même, mais surtout l'autre. Souvent mieux que nous-même.

Quand ce reste du monde lui à demandé de faire un voeu, de souffler les bougies sur son gâteau pas comme le mien, nous nous sommes regardées. Et j'ai compris.

J'ai compris aux larmes qu'elle avait derrière les yeux, ce que les autres ne comprendraient pas. J'ai compris que tout ce qu'elle voulait, son unique voeu, c'était qu'elle puisse y croire. Qu'elle puisse croire que ce voeu pouvait, allait, se réaliser. Que c'était possible.

Que Terminus était là, que nos longues-vues pouvaient le voir.

Que la magie n'avait pas totalement disparue, malgré ce qu'on lui avait répété, que le monde n'était pas vraiment comme on lui disait. Son unique voeu, en fait, c'était plutôt une prière: il lui fallait de l'espoir. On lui donnait un souhait. Elle voulait le souhait. Elle ne voulait pas souhaiter.

Heureusement pour elle, nous avons grandi.

Papillon des TempêtesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant