XVIII- Initiation

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Il pose sa main sur mon épaule et le calme revient. Le froid est toujours mordant, mais le vent a cessé de souffler. De petits nuages de condensation flottent devant mon visage au rythme de ma respiration saccadée. J'ai peur. Et visiblement, cette situation l'amuse. Où est Gaby ?

- Ce que ton précieux ami oublie de te dire, c'est que pour écarter le froid, tu n'as pas besoin de chaleur corporelle. La chaleur existe aussi à travers les sentiments que tu éprouves.

Je tique. Mes sentiments ? Dans ce cas, pourquoi peut-il arrêter le vent sans pour autant, comme Gabriel, adoucir la température ?

- Comment se fait-il qu'il fasse aussi froid si tu sais comment utiliser cette magie ?

Son sourire toujours greffé sur les lèvres, il me répond le plus naturellement du monde

- Mais parce que, si j'avais des sentiments, ça se saurait, chère amie ! Rappelle-toi, je suis un démon, donc par définition, les sentiments me sont inconnus.

- Pourtant il n'en a pas toujours été ainsi, l'interrompt la voix de mon archange d'ami.

Je lui jette un regard soulagé tandis que Fenris le fusille du regard, le défiant en silence de dire un mot de plus. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé entre eux deux, mais à mon avis, ce n'est pas une histoire avec des pétales de rose et des bougies aux fenêtres...

Sans avoir décroché un seul mot, Fenris tourne les talons, me laissant une fois de plus au milieu du blizzard.

- Il a raison sur un point, la chaleur peut être celle que tu éprouves à l'évocation d'un souvenir heureux ou d'une personne qui t'es chère. Pense à ce qui te rend heureuse et sereine et laisse tes souvenirs t'envahir. Le bienêtre psychologique que tu ressentiras se diffusera dans tout ton corps pour finir par te réchauffer. Après ça, il ne te restera plus qu'à "pousser" ces souvenirs hors de toi et d'en créer une sorte de bouclier qui te protègera du froid ou du chaud.

Je hoche la tête, incapable de prononcer un seul mot, mes lèvres étant déjà bleuies par le froid. Je ne suis définitivement pas faite pour cette région.

Finalement, je ferme les yeux et cherche un souvenir particulièrement joyeux. Tout naturellement, mes pensées vont vers ma famille et mon meilleur ami, les seules personnes que je connaisse vraiment... ou presque.

Je me remémore alors avec plaisir et nostalgie la fête d'anniversaire de Tim que nous avions organisée pour ses cinq ans. Mes parents et moi lui avions préparé une fête surprise en invitant ses amis sans qu'il n'en sache rien. Il s'était amusé comme un fou toute la journée, et le soir venu, nous nous étions tous les deux claquemurés dans ma chambre pour nous raconter des histoires tout en finissant les différents gâteaux et bonbons restants de la fête.

Presque naturellement, je sens une douce chaleur se diffuser dans tout mon corps, réchauffant mes doigts et mon nez dans une pluie de picotements agréables, avant de faire cesser le vent. Ça me parait presque trop facile. Depuis quand suis-je capable de faire un truc pareil ?

Je rouvre les yeux et croise le regard de Gaby, brillant de fierté.

- Tu es encore bien plus rapide que ce que j'imaginais. Je suis impressionné, finit-il par dire en affichant un sourire lumineux.

Il lance un regard derrière moi et fais un signe au démon reclus dans sa tente.

- C'est bon, Fenris, tu peux arrêter la tempête, pas la peine de nous ensevelir.

Aussitôt, le vent tombe et la neige se pose au sol sans un bruit, douce et délicate petite goutte gelée. J'écarquille les yeux en me retournant vers Gaby.

- Tu l'a laissé accéder à ses pouvoirs ? murmure-je à toute vitesse, mi-furieuse mi-paniquée. Mais tu as perdu l'esprit ? Il est dangereux !

- Je sais, Angi, je le sais même mieux que personne, mais mes pouvoirs ne me permettent pas de te mettre suffisamment à l'épreuve. Cette tempête était assez simple à provoquer, il n'aura pas eu besoin de beaucoup de puissance. D'ailleurs, il est désormais incapable d'user de sa magie, je te le jure. Mais tu dois comprendre que, pour ton entraînement, tu dois pratiquer contre des forces obscures. Fenris est l'héritier du trône des enfers, il est donc le mieux placé pour savoir de quels atouts jouissent nos adversaires. Mon rôle est de parer à toute éventualité, et pour ça, même si ça me fait mal de l'avouer, nous avons besoin de lui.

- Mais je croyais que tu le détestais !

Il hoche doucement la tête.

- C'est le cas, mais ta sécurité m'importe bien plus que ma vengeance.

Sa vengeance ? À ce point ?

- Et depuis quand les anges ont-ils le droit de se venger ? Je croyais que vous n'étiez que pureté, douceur et gentillesse ?

Il soupire et jette un regard noir au démon derrière nous.

- Disons que certaines choses sont plus faciles à pardonner que d'autres.

C'est à mon tour de soupirer.

- Auras-tu un jour le courage de me dire ce qu'il s'est passé entre vous pour que vous entreteniez une telle haine 

Il détourne le regard, l'expression de son visage oscillant entre colère contenue et douleur ancienne.

- Un jour, peut-être...

Ex Nihilo -1- Homo homini lupus est [Wattys 2020 - Paranormal]Where stories live. Discover now