Chapitre 4 (2/2): La colère de la Reine

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— Non, stop, arrêtez, je vais parler.

— Tais-toi, imbécile, ma vie vaut beaucoup moins que celle d'Oscar, ne leur dis rien, répondit Oxford.

Tout le monde s'arrêta net, comprenant qu'Oxford avait malencontreusement livré le prénom de l'enfant. Calloway le bâillonna pour qu'il se taise alors que la Reine interrogeait Dubois.

— Bien. Dites-nous en plus sur ce fameux Oscar, dont ce cher Oxford a bien voulu nous dévoiler le nom. Est-il encore vivant ? Où est-il ? Et qui est sa mère ?

— Je vais parler, je le promets, si vous laissez vivre Oxford.

— Parle et nous verrons si tes informations méritent une telle récompense.

— Oscar est en vie, du moins, il l'était lorsque votre homme m'a fait prisonnier. Je lui ai dit de se cacher dans le port et de retourner à notre maison une fois votre départ. Si j'étais fait prisonnier, il avait pour devoir de prendre l'argent caché sous la planche de bois de la bibliothèque, correspondant à mes économies, et de chercher du travail en ville. Je lui avais dit que le gouverneur était un homme bon et qu'il saurait l'accueillir et mettre à profit ses talents de botaniste, de traducteur ou même de musicien. Quant à sa mère, je ne la connais pas, je ne l'ai jamais connue et j'ignore même si elle est en vie.

Le demi-mensonge servi par Dubois avait convaincu la Reine, et avait permis de la lancer sur une fausse piste, du moins si, comme l'espérait le précepteur, Oscar avait réussi à embarquer pour la France.

— Merci pour ton aide. Tes renseignements t'auront sauvé la vie, mais Oxford doit mourir. Calloway !

— Non, par pitié, tuez-moi moi, mais laissez-lui la vie sauve, supplia Dubois.

— Très bien, dans ce cas, tuez-les tous les deux, conclut la reine, agaçée. Calloway, vous embarquerez dès demain pour Port-au-Prince. Mettez la ville à sac s'il le faut, mais retrouvez-moi cet enfant.

A ces mots, elle tourna les talons et s'éclipsa par une porte dérobée conduisant au grand escalier de pierre qui remontait jusqu'au château.

Quelques minutes plus tard, Calloway sortit des cachots, avec à sa suite les deux prisonniers escortés par ses soldats. La nuit était tombée sur Londres, et, avec elle, l'activité grouillante de la journée. Il conduisit sa troupe jusqu'à la Tamise, puis demanda à ses hommes de mettre les deux prisonniers bâillonnés à genoux sur les quais, face aux eaux noires de la rivière. L'un après l'autre, il les égorgea d'un coup de sabre et poussa leurs corps sans vie dans la Tamise. D'un geste de la main, il invita ses hommes à le suivre, et prit la direction du Victory.

La reine se réveilla vers trois heures du matin, glacée par le vent frais qui filtrait à travers la fenêtre ouverte. Elle rajusta sa chemise de nuit qui découvrait un sein laiteux, et ramassa ses longs cheveux auburn en arrière. Elle alla jusqu'à la fenêtre et laissa la brise se glisser dans sa chevelure, qui ondula légèrement sous l'air. En regardant en bas, elle aperçut son carrosse qui attendait encore dans la cour du château d'Essex. Alors qu'elle refermait les battants, elle entendit derrière elle un grognement incompréhensible. Elle se retourna et vit que ce n'était que le comte d'Essex qui parlait dans son sommeil. Il était nu, allongé sur le ventre, le fin drap de soie recouvrant à moitié ses fesses musclées, alors que sa jambe droite à l'équerre donnait l'étrange impression d'un mort ayant chuté de plusieurs étages. Elle revint jusqu'au lit et caressa d'un doigt le dos de son amant. Celui-ci se retourna en marmonnant, puis ouvrit les yeux sur Elizabeth. La Reine était vraiment belle et, s'il n'avait pas vraiment eu le choix de refuser lorsqu'elle avait posé son dévolu sur lui, Essex ne s'en était jamais plaint par la suite, ravi d'assouvir les désirs secrets de la Reine au nez et à la barbe du Roi de France.

Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission RoyaleWhere stories live. Discover now