Chapitre 40

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La tâche qui se présentait à elle était ardue. De l'eau à la nourriture, des habitations aux vêtements, tout était à changer. Le problème lorsqu'on habitait en ville était qu'on dépendait de l'argent pour vivre et pour avoir de l'argent il fallait travailler. On ne pouvait pas cultiver la terre car il n'y avait pas de terrain de disponible.

À Ganesh le marché du travail était complètement bouché, en raison de l'esclavagisme. Les patrons préféraient acheter des esclaves plutôt que de payer des employés, cela leur revenait beaucoup moins cher. De ce fait, il existait un grand écart entre les riches et les pauvres car dans ce système la haute société s'enrichissait pendant que les autres s'appauvrissaient. Et malheureusement, les seuls emplois qui restaient disponibles étaient terriblement éprouvant et très mal payés. Elle devait donc trouver une solution pour obtenir de l'argent sans passer par là.

Mais avant, elle devait remettre en état les habitations. Zélie avait beau n'être âgée que de vingt-trois ans, elle n'en restait pas moins très influente. Elle était de ces femmes dotées d'un charisme naturel qui donnait envie de les suivre peu importe où elles allaient. D'autant que sa beauté lui assurait des clients réguliers ce qui faisait d'elle une des plus riches du quartier. Elle avait des allures d'ange avec ses longs cheveux blonds ses yeux bleus très clairs et sa peau pâle. Et ici, ce sont les femmes qui faisaient la loi, pendant que les hommes travaillaient auprès des plus riches pour tenter de subvenir aux besoins de leur famille.

Leïla fournit donc un plan de maisonnette solide et facile à réaliser avec peu de matériaux. Pendant leur construction, elle décida de s'occuper, avec l'aide de quelques femmes, de nettoyer tout le linge qu'elles avaient pu trouver. Elle leur expliqua d'abord comment faire du savon à base de plantes.

Au moment où elle voulut puiser de l'eau et qu'elle se rendit compte de son état, elle leur montra aussi comment fabriquer un filtre avec du sable pour pouvoir la nettoyer. Il leur fallut plusieurs journées pour en venir à bout mais quand tout fut enfin terminé, les habitants avaient peut-être encore le ventre vide mais ils dormaient désormais dans des linges propres et de solides cabanes.

Les jours suivants, elle fit le recensement de ce que les uns et les autres savaient faire. Certains savaient coudre, d'autres tisser, d'autres encore sculptaient le bois, et d'autres fabriquaient des sandales. Elle ordonna qu'on fabrique des vêtements, des sandales et des jeux en bois pour les enfants. Tout le surplus serait vendu pour obtenir de l'argent et à manger.

Ce modèle économique généra un élan de solidarité entre les gens et au bout de quelques mois, tout le monde était convenablement vêtu et l'on possédait suffisamment d'argent pour acheter à manger pour nourrir tout le monde. Elle avait également reproduit le modèle de jardinière qu'elle avait développé à Siloé. Ainsi, une part de leur nourriture était cultivée par eux selon leur propre besoin.

Durant tout son séjour parmi eux, elle continua de dissimuler son identité. Elle se faisait appeler "Doc". Elle ne voulait prendre aucun risques car elle savait que si Mufasa venait à avoir vent de sa présence ici, elle serait immédiatement exécutée.

Deux semaines après son arrivée, Zélie mis au monde une magnifique petite fille et l'accouchement, bien que difficile, se déroula sans problème. Grâce à cela, la nouvelle de ses compétences médicales fit rapidement le tour du quartier et elle se retrouva bien vite débordée par le nombre de patients.

Face à ce constat, elle forma Soraya, une jeune fille brune aux yeux verts, d'environ son âge, qui avait un don naturel dans ce domaine. Le temps qu'elle soit opérationnelle, ses journées étaient vraiment très chargées entre son désir d'améliorer les choses et son travail auprès de ses patients toujours plus nombreux. Elle avait décidé de se focaliser sur la construction d'un hôpital et d'une fabrique à pénicilline, son médicament issue des moisissures bleues.

Un matin, plusieurs mois après son arrivée, elle fut appelée d'urgence pour s'occuper d'un patient en état critique car Soraya était chargée d'un accouchement et ne pouvait y aller. Une dame âgée lui demandait de soigner un homme blessé. Elle s'y rendit avec précipitation, prenant le petit Yassin comme assistant dans son travail.

« Vous voilà enfin ! Cela fait cinq jours qu'il est dans cet état, je lui ai donné tous les soins que j'ai pu mais son état ne semble pas s'améliorer. »

Elle se dirigea vers le chevet du blessé.

« Que lui est-il arrivé ?

- Une blessure à l'épaule qui semble s'être infectée, plus une autre à la jambe. »

Elle s'approcha de lui et se concentra sur les blessures sans même prendre le temps d'observer son visage. À ce moment-là elle n'avait plus un homme devant elle, mais seulement deux blessures qui nécessitaient des soins immédiats. Elle défit les bandages fait par l'autre et remarqua que les blessures avaient été soignées.

« Vous avez des compétences médicales ! »

Elle était admirative devant le travail de la vieille femme.

« J'étais herboriste dans le passé, aujourd'hui je ne suis qu'une pauvre femme qui vient en aide à ceux qu'elle peut aider. »

La plus jeune lui sourit, heureuse de l'apprendre.

« Vous n'avez jamais voulu former d'apprentis ?

- Je n'ai jamais eu d'enfants à qui transmettre mes connaissances. »

Elle semblait triste et mélancolique. Leïla posa sa main sur son genou.

« Et si je vous trouve un apprenti, accepteriez-vous de le former ? »

Elle lui sourit chaleureusement.

« Ce serait un plaisir. »

Satisfaite, Leïla reporta son attention sur son patient et entreprit de nettoyer, suturer et panser les blessures. À la fin, elle se tourna vers l'autre qui avait observé ses gestes avec un grand intérêt.

« Avez-vous de l'écorce de saule afin de faire une infusion pour faire baisser la fièvre ?

- Je devrais trouver cela. »

Elle se leva avec difficulté pour aller chercher ce qu'elle lui avait demandé. Leïla envoya Yassin chercher de l'eau fraîche pour éponger le front de l'homme afin de faire baisser sa fièvre. Lorsqu'elle éclaira son visage avec la bougie afin de voir à quoi il ressemblait, elle fut surprise de connaître son identité.

« Et bien mon enfant, ça va ? On dirait que tu viens de voir un fantôme ! »

Elle ne lui répondit pas, encore sous le choc de ce qu'elle venait de découvrir.

« Mais comment est-ce possible ? »

Elle ne se souvenait pas de l'avoir vu parmi les prisonniers. Même si cela faisait déjà plusieurs moi qu'elle se trouvait ici, elle ne comprenait pas comment il avait pu se retrouver ici. Était-il venu pour elle ? Allait-il l'aider à rentrer ? Tant de questions mais aucune réponses ne lui seraient apportés tant que son ami resterait inconscient. Elle se reprit bien vite et sécha ses larmes qu'elle n'avait pas pris conscience de laisser couler. Elle se pencha au-dessus de son oreille pour lui chuchoter une mise-en-garde.

« Écoute-moi bien Rayhan bin Malik Muharib, si tu meurs alors que je viens de te retrouver, je te ressuscite pour te tuer moi-même ensuite. Et je danserai nue sur ta tombe avant de faire pipi dessus. Alors accroche-toi parce que t'as intérêt à t'en sortir ! »

Elle resta trois jours et trois nuits à son chevet, sans le quitter ne serait-ce qu'une minute. Elle mit toute son énergie et ses compétences pour le sauver. Elle lui donna à manger les plats que sa sauveuse lui avait confectionné et s'assura que sa blessure guérisse bien. 

T01-L'intrépideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant