Chapitre 1 : Le départ

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     La jeune fille regardait le soleil se coucher, son éclat se reflétant à l'infini sur le cristal des montagnes. Elle admirait le paysage, profitant de son mieux des derniers instants qui lui restaient ici, loin de tout, loin de la ville et de ses habitants. Elle poussa un soupir triste, le regard perdu dans le lointain. Pourquoi monter à Carson, elle était si bien ici ! Certes, au début elle avait râlé : elle ne comprenait pas la nécessité de s'isoler autant pour étudier, d'autant plus quelle était ensuite destinée à servir l'empereur dans la plus grande ville de Minel. Mais le temps l'avait assagit, et elle avait fini par aimer la quiétude de cet endroit.

     Le soleil finit par disparaitre entièrement, laissant derrière lui un ciel étoilé, glorifié par un croissant de lune parfait. Méli laissa ses yeux s'attarder encore un peu sur ce tableau céleste, puis elle se détourna, tirant ses rideaux et retournant à la préparation de sa valise, laissant régulièrement échapper des soupirs contrits.

     Elle entassa ses tenues, jetant les premiers vêtements lui passant sous la main. Puis elle claqua sa malle, avant de la faire lourdement tomber du lit sur lequel elle l'avait placé. Elle se redressa, s'épongeant le front d'un revers de manche, faisant attention à ne pas toucher ses cristaux. Elle regarda autour d'elle. Sa chambre allait lui manquer... Elle avait beau être étroite, Méli s'y sentait à son aise. Elle l'avait aménagé à sa manière, en huit ans elle avait eu le temps. Ainsi des plantes de toutes sortes avaient envahit la pièce, s'enroulant là où elles pouvaient, ne respectant pas le moins du monde les limites des pots dans lesquels elles étaient plantées. Sur les murs de bois étaient affichés de nombreux croquis d'inventions diverses. Le bureau croulait quand à lui sous les instruments de mesure et les livres d'histoire. A la fenêtre pendait un attrape-rêves orné de cristaux, glanés lors de ses excursions sur la montagne.

      Méli regarda la carte de la ville qui trônait sur son lit. Celle-ci était divisée en trois cercles concentriques : le premier, le plus grand, était l'enceinte de la ville. Pour y accéder il fallait passer par la grande porte, étroitement surveillée par des gardes. Une fouille minutieuse était alors nécessaire. Que ce soit marchandises, bagages ou papiers, tout était vérifié. Une fois ce premier passage franchit et la ville traversée, on arrivait au cœur. C'était là que ce trouvait le personnel du palais impérial. Que ce soit simple servante ou ministre, tout le monde était logé à la même enseigne : seul les invités de marque ou les proches de la famille impériale pouvait loger dans le palais. Pour rentrer dans le cœur, il fallait passer un concours. C'était celui ayant trait à l'ingénierie qu'avait passé Méli. Elle avait échouer une fois, mais s'était faite repérer par l'un des jury. Il avait alors décidé de la prendre sous son aile, et elle avait disposé de son enseignement pendant huit ans, le temps nécessaire selon son maître. Alors elle avait repassé le concours, et l'avait cette fois-ci réussi.

     La jeune fille sourit, se remémorant sa surprise lorsque le vieux fou s'était précipité sur elle, lui criant de faire sa valise, agitant les bras dans tous les sens. Encore aujourd'hui il lui arrivait d'être surprise par la folie du maître ingénieur. Elle secoua la tête, et son regard retomba sur la carte. Le dernier cercle, le plus petit de tous, était le palais impérial. Seuls quelques élus y avaient accès. Le sourire de Méli disparut complétement. Elle y arriverait. Elle finirait par rentrer dans ce palais. Elle trouverait un moyen. Il le fallait.

     Un appel tonitruant retentit alors dans la maison, faisant trembler les murs. Méli sursauta, puis se précipita vers la porte. Elle l'ouvrit à la volée, et s'élança dans l'escalier. Le dévalant à toute allure, elle pestait contre la source de ce bruit qui l'avait arraché à ses pensées.

-"MERIIIIIIIIIIII, DESCEND TOUT DE SUITE !!!"

     La jeune fille, serrant les dents, sauta les dernières marches et se précipita dans la cuisine. Un homme à la silhouette décharnée se tenait là, les poings sur les hanches, ses épais sourcils froncés. Il ouvrit la bouche, mais avant qu'il ne puisse prononcer un mot, Méli l'invectiva :

-" Méri ?! Cela fait huit ans que nous travaillons ensembles et vous n'êtes toujours pas fichu de retenir mon prénom ? Et de plus pourquoi crier si fort alors que nous avons mis un système bien plus civilisé en place ?" demanda t-elle, désignant une étrange clochette ailée dans une petite cage.

     L'homme ne cilla pas. Méli cru tout d'abord l'avoir mouché, avant de croiser son regard. Un regard absent, vide, ailleurs. Elle soupira.

-"Je déteste quand il fait ça..."

     La jeune fille secoua la tête, puis passa devant le vieillard qui semblait figé. Elle attrapa de quoi faire à manger et s'installa à table. Elle entama son repas, surveillant du coin de l'œil son maître. Celui-ci s'ébroua soudain, comme sortant d'une transe. Il se précipita vers un parchemin, s'empressa de prendre une plume et se mit à griffonner nerveusement, sans prêter la moindre attention à sa jeune apprentie. Celle-ci, le repas fini, se leva et remonta faire ses affaires. Son maître était sujet à des éclairs de génie fulgurants, pendant lesquels il était inutile de lui parler.

     Méli remonta donc choisir les livres qui lui seraient nécessaires en ville. Elle essaya de se projeter au lendemain, en vain : elle ne pouvait même pas imaginer la ville. Tout ce qu'elle en avait vu était au travers de récits ou d'illustrations, ce qui ne permettait en rien de se rendre compte de la grandeur des constructions. Elle avait toujours vécu, aussi loin qu'elle s'en souvienne, dans la campagne. Elle avait été abandonnée bébé sur les marches d'un orphelinat, où elle avait vécu les 20 premières années de sa vie, avant de passer le concours. Elle avait été aimée, choyée, mais n'avait jamais quitté le hameau. Enfin, jusqu'à ce que vieil hibou ne se plante devant la porte de l'orphelinat et ne l'emmène.

     Ainsi l'idée même de se retrouver seule dans cette ville la terrifiait. Mais elle devait y aller, elle devait le retrouver. Lui. Il l'aurait fait pour elle. Elle ne savait même pas si il était encore en vie, mais elle devait essayer de le retrouver. Quoi qu'il lui en coûte.

     C'est avec cette idée que la jeune fille s'endormit d'un sommeil agité.

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⏰ Last updated: Apr 26, 2019 ⏰

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