chapitre 1

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Il est dix-sept heures, et c'est la fin de mon service pour aujourd'hui. Je suis en week-end. Quelqu'un de lambda serait content à ma place. Mais pas moi. Les rares moments où je ne broie pas du noir, c'est quand je suis en train de travailler. Dieu merci pour mon moral, je vis en colocation avec mon ami d'enfance et meilleur ami, Raphaël. Et on ne peut pas dire que l'on s'ennuie avec lui. Moi qui suis plutôt calme, lui adore sortir et faire la fête. D'ailleurs, il s'est mis en tête ces derniers temps de m'amener en boite de nuit. Il est courageux et patient ce petit, c'est moi qui vous le dis.

Je range mon tablier sur le porte-manteaux prévu à cet effet, et salue Sofia.

- J'y vais So', à lundi.

- Passe un bon week-end Alec.

- Merci toi aussi. Bonne fin de journée.

Une fois en dehors du café, je ferme les yeux et prends une grande bouffée d'air frais. Ça fait du bien. Je mets les mains dans les poches de mon jean et commence à marcher en direction de notre appartement. J'aime beaucoup marcher, en me coupant du monde. Pas besoin de musique pour ça, même si c'est une chose que j'apprécie tout particulièrement.

Comme d'habitude, je ne vois pas le temps passer et j'arrive en bas de l'immeuble quinze minutes plus tard. Je monte au premier étage et rentre chez moi. Pour le moment je suis seul, mais Raphaël ne devrait pas tarder à revenir des cours.

Raph', après son bac, est rentré dans un BTS MUC (management des unités commerciales), ne se voyant pas aller à la fac. D'un côté le connaissant, il n'aurait pas survécu deux mois, et aurait été plus en soirées qu'en cours. Il est vraiment irrécupérable cet enfant. Je connais Raphaël depuis que l'on a trois ans. Et je vous assure qu'il s'en ait passé des choses en dix-sept ans d'amitié. Des bonnes, des plus dures à vivre ; mais quoi qu'il se soit passé, on a toujours pu compter l'un sur l'autre. Ce que nous partageons est beaucoup plus fort qu'une simple amitié. Et je ne changerai notre relation pour rien au monde.

Je ferme les yeux, assis sur le canapé, et profite du calme de l'appartement. Il ne devrait plus tarder.

Au bout de même pas cinq minutes, j'entends la porte s'ouvrir dynamiquement - pour ne pas dire violemment - et un sac se faire expulser au sol. Puis un poids se jette sur mes genoux. J'ouvre alors les yeux, un sourire aux lèvres. Raphaël est étalé de tout son long sur le canapé, moi en-dessous.

- Raph', tu m'écrases.

- Je sais bien Al'.

- J'imagine que tu ne vas pas bouger de moi.

- Tu es devin ?! Depuis quand ?

- Arrête de faire l'andouille.

- Rabat-joie.

Il me tire la langue et s'assoit - enfin - correctement à côté de moi. Il passe sa main dans sa touffe de cheveux noir ébène et pose ses yeux miel sur moi.

- Tu as passé une bonne journée ?

- C'était tranquille aujourd'hui au café, et toi ?

- Tu veux vraiment que je te réponde ?

Je ris doucement. Il faut dire quil y a des cas dans la classe de Raphaël.

- Quest-ce qu'ils ont encore fait ?

- Tous des zouaves je te dis ! Mais qui m'a donné une classe pareille ?

Il se lamente et pose une nouvelle fois sa tête sur mes genoux. Ses réactions me font sourire.

- Bon tu me racontes ou tu continues de faire le bébé ?

- Hey ! Je ne te permets pas ! Je suis plus grand que toi je te signale.

- Oui, en âge, pas en taille ni en maturité.

Raphaël se redresse d'un coup et me fixe, les yeux grands comme des soucoupes.

- Traitre.

Mais comme d'habitude, on n'arrive pas à être sérieux plus que quelques secondes, et on finit par exploser de rire tous les deux. Je me calme petit-à-petit et relance la conversation.

- Alors ?

Il souffle, désespéré par ce qu'il s'apprête à me dire.

- Ils ont fait un putain de trou dans le mur.

- Mais, comment ils ont réussi à faire ça encore ?!

- Bah ils s'amusaient à se jeter sur le mur et...

- Pardon ?!

- Ne me coupe pas, tu sais très bien qu'ils leur manquent une case.

- Oui mais à ce point-là, c'est grave quand même.

- Je disais donc. Ils s'amusaient à se jeter contre les murs, qui soit dit en passant, ne sont vraiment pas solides du tout, quand il y en a un du groupe qui a pris un peu trop d'élan. Je te laisse deviner la suite.

- Ah ouais, chaud.

- Je ne te le fais pas dire. Mais je commence à avoir l'habitude de leurs actions à la con, ça fait plus d'un an qu'on est ensemble.

Alors que j'allai répondre, le regard de Raphaël s'illumine de malice. Je n'aime pas ça. Mais alors pas du tout.

- Al', tu veux que je te refasse ta couleur ? On commence à voir tes racines.

Je le connais par cur, je sais très bien que ça cache quelque chose. Mais j'aviserai en temps voulu. Pour le moment, il n'a pas tort, c'est vrai que ma couleur blanche ne recouvre plus la totalité de mes cheveux.

- Si tu veux Raph'.

- Cool ! Allez, dans la salle de bain !

Je le suis tranquillement, et me place face au miroir. Mon regard s'attarde sur mon visage, me scannant.

Mes cheveux blancs - colorés - dénotent avec le châtain de ma couleur naturelle, et contraste avec ma peau chocolat. Je finis par m'arrêter sur ce qu'il y a de plus atypique chez moi : mes yeux. Le droit est d'un marron profond , tandis que le gauche est aussi noir que la chevelure de Raphaël.

Ce regard, que j'ai détesté enfant, et que j'ai appris à aimer avec le temps.

Je soupire et ouvre le placard pour récupérer ma couleur. Aussitôt, un Raphaël sauvage apparait et m'arrache la boite des mains.

- Pas touche, c'est moi qui m'occupe de ta couleur.

- Tu sais, il faudrai que j'apprenne à le faire seul un jour.

- Tu veux vraiment que je te rappelle comment ça s'est terminé la dernière fois ?

- Non merci. Vas-y, tu peux commencer.

- Je préfère ça.

Je ne veux pas vraiment revenir sur ce moment chaotique, j'avais vraiment fait n'importe quoi ce jour-là.

Raphaël commence donc à appliquer ma couleur tout en sifflotant. Encore quelque chose de louche. Mais je ne dis rien, et le laisse faire.

Dès que mes cheveux ont retrouvé leur blanc éclatant, nous retournons dans le salon. Mon ami me fixe, fier de lui. Il se rapproche de moi, et passe sa main dans ma crinière. Mais qu'est-ce qu'il veut à la fin ?

- Alec...

- Bon, tu vas cracher le morceau minus ?

- Je ne suis pas si petit que ça !

- Tu fais 1,66 m, et moi 1,75 m. je te laisse faire le calcul.

- Bon, là n'est pas la question. Et puis tu n'es pas bien grand non plus pour un mec je te ferai remarquer.

Son sourire qui s'était un peu effacé reprend sa place.

- Maintenant que tu es tout beau Al', il faut quon aille...

- Ne finis pas ta phrase s'il te plait.

- En boite de nuit !

J'en étais sûr. Seigneur, aidez-moi.

Latte Macchiato [BxB]Where stories live. Discover now