Non stop - Extrait

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"[...]

Jour n°135 :

Aïe.

J'ai trop parlé.

La douleur se propage dans mes intestins, je suis comme propulsé en arrière, ma vision se floute, je n'ai aucune force. Je vois un poing, fermé, s'éloigner doucement de mon abdomen, touché. Je lève les yeux. Martin.

Pendant notre petite conversation, des élèves nous ont dépassé et nous cachent des adultes, des cuisiniers, du personnel.

Les personnes proches et susceptibles de m'aider... n'on rien pu voir. Je m'adosse douloureusement au mur, les élèves s'attroupent discrètement autour de nous pour observer le spectacle, téléphones sortis. Oh non... pas encore...

Tout semble se faire très silencieusement. Martin s'approche de moi, je ne peux pas reculer. Je veux crier, il m'attrape les cheveux dans un mouvement que je ne prévois pas et me cogne la tête contre le mur. Je laisse sortir un gémissement et m'écroule au sol. Il me bombarde de coups de pieds. Quand un brin de ma voix ose faire son apparition, Fabien vient l'aider en me recouvrant la bouche de sa grande main moite. Il m'empêche de respirer. Mon nez est bloqué. L'air ne rentre pas. Les mecs... l'air de rentre pas ! Pas encore, non !

Je déteste ne pas pouvoir respirer, ce n'est pas très agréable.

Je tape sur sa main, le suppliant du regard. Putain Fabien je t'en supplie ! Je ne crierai pas ! Je te jure de ne pas crier ! Je te jure de ne jamais vous dénoncer ! De ne jamais parler de vous à quiconque ! Mais je t'en prie... Laisse moi vivre. Je veux vivre tu m'entends ! LAISSE MOI VIVRE ! ENCORE UN PEU ! Juste un peu... le temps de m'excuser auprès de tout ceux qui ont eu le malheur de me rencontrer. Le temps d'embrasser mes sœurs une dernière fois, le temps d'avoir une dernière conversation avec mes parents, une conversation où je parlerais sans m'inquiéter de les blesser ou non, pour une fois. Pour une fois, je penserais à moi. Pitié... le temps d'envoyer un dernier mail à Milky. Lui que je ne connais pas, pas tant que ça, et qui pourtant sais trouver les mots pour me faire sourire, pour me remettre en question, pour éviter que je me rabaisse. Lui qui est si vite devenu mon rayon de soleil, mon réconfort, ma bulle de joie et de tendresse. Ma cachette, mon secret, mon ami, mon Milky à moi.

Pitié, laisse moi vivre. Laisse moi respirer. Laisse moi goûter, encore un peu, à ce cadeau qui nous permet de vivre. Vivre. Vivre. Vivre putain quelle chance.

Depuis quand n'en est-ce plus une pour moi ?

J'ai encore tant de choses à voir, à découvrir, à apprendre, à partager, à... Tout. Il me reste tout à voir. Je suis jeune. Je n'ai rien pu faire de ma vie. Rien à part tenir tête, de temps en temps, à mes parents. Et encore... je suis déjà prisonnier de l'avenir qu'ils m'on tracé. Alors libère moi de cette souffrance, laisse moi les dernières émotions, les derniers sentiments que vous ne m'avez pas encore ôté. Laissez moi encore une étincelle, ne me tue pas complètement, ne me tue pas, n'éteins pas mon cœur.

Tout se trouble.

Tout s'arrête.

Je manque d'air...


A l'aide...


Je reprends ma respiration, je tousse, j'avale l'air que l'on m'offre enfin... Il a enlevé sa main. Les élèves continuent d'avancer pour aller manger.

Je n'ai plus faim.

Ils me jettent un dernier regard haineux et partent. Je me lève, difficilement, et m'enfuie le plus loin possible en ignorant ma douleur.

Demain on est mercredi, demain... Je vais encore souffrir, je vais encore avoir mal...


Je ne veux pas...

[...]"

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