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Certains gestes qui m'étaient si futiles et inutiles m'apparaissent à présent comme des supplices.

Entrée dans la salle de bain, je me mets face au miroir et me toise de la tête au pied. Lentement, fébrilement et en fermant les yeux très forts je peine pour retirer mes vêtements. Pantalon, veste, chemise.
Puis ce moment que je redoute chaques fois, me mettre entièrement à nu. Parfois je n'y arrive pas, parfois je suis indifférent, mais le plus souvent , j'essaie.

Je fais face à cette silhouette. Ce corps auquel je ne me reconnais pas, ce corps qui ne m'appartient pas.
Dissociation. Âme, corps.
J'ai du mal à accepter que cette chose m'appartienne.
Jambes trop petites, cuisses trop grosses, fesses inutiles, hanches trop prononcées. Et torse.
Je dis torse et non pas poitrine. Ces deux boules de chair difformes, inégales et pendantes ne m'appartiennent pas. Ce ne sont que des boulets permanents, je ne les supporte plus. Je craque.
Et je me retrouve là, devant la glace, impuissant.
Alors,

Les muscles tremblent,
Les larmes coulent,
La vue s'assombrit,
Le corps crie,
Et l'âme explose,

Je suis une abomination, je ne suis même pas moi même. Mais au fond, qui suis-je ? Je suis perdu, seul, bizarre.
Je tente de me retirer mes fardeaux. Tout est de ma faute.
Je coupe. Je griffe. Je mords.
Que ça s'arrête. Que ça disparaisse.
Je n'ai jamais demandé d'avoir tout ça.
Pourquoi ? Pourquoi moi?
Peinant, j'entre dans la douche et je frotte. Encore et encore. Je me nettoie violement. Je n'est pas l'impression d'être le possesseur de mon corps.

Dissociation. Corps, âme.

Un jour je ne ferais qu'un avec moi même.

Dysphorie. (recueil de textes)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant