La Meurtrière: Dernière Partie

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-Une fois je lui ai volé ses ciseaux et je l'ai... Bref, je lui ai fait du mal. Puis elle s'est mise à pleurer et a dit...

Il s'arrête subitement. 

Quoi? Quoi?! Pourquoi il s'arrête?!

-Elle a dit quoi bon sang?!!! Je lui hurle.

Il regarde ses mains.

-Elle a dit que la prochaine fois elle se suiciderait.

Silence.

Mes poings serrés se mettent à trembler. J'ai du mal à retenir la rage qui me parcourt le corps. 

-Tu le savais.

J'ai dit ça d'un ton sec. C'est une affirmation. La pire affirmation du monde.

-Tu le savais et tu n'as rien fait.

Il essaie de se justifier mais ne fait que bredouiller quelques mots.

-Tu le savais et tu n'as rien fait! T'as quoi dans la tête Tomas?! Elle s'est tuée à cause de toi! Et tu le savais! Tu aurais pu l'éviter! Crève!!!

Je ne me contrôle plus. Je me jette sur lui et commence à le frapper à la mâchoire. Puis à la jambe. Et au ventre.

-JE TE DÉTESTE!!!

Tomas me repousse violemment. Il a le visage en sang. Puis il m'attrape les poignets et me pousse contre une table.

-T'es complètement folle! Hurle-t-il.

Je me redresse lentement. Mon dos me fait mal...

Il avance vers moi l'air désolé. Il me dit de me calmer, qu'il va appeler la police, que tout va bien aller.
N'importe quoi. Anissa est morte. Tout ira mal.

Quand il est assez proche de moi je lui donne un coup de poing dans la figure. Il tombe sur le sol mais, quand il se relève, son visage contient tellement de rage que je m'oblige à reculer.

-Tomas...

-Ça t'amuse?! On va s'amuser!

Je me met à crier et cours, sans faire attention, vers la cuisine. 
Tomas, tel un taureau enragé, viens vers moi.

Il faut que je me défende, que je me défende! Je voulais juste le faire culpabiliser! Je ne voulais pas en arriver là! Son visage est en sang, il finira à l'hôpital...

-Tomas je ... je...suis désolée! 

Je tente une dernière phrase, tout en fouillant le plus discrètement possible dans le tiroir derrière moi.

-Tu es désolée! S'exclame-t-il en rigolant. Désolée! C'est ça ouais!

Un couteau. J'ai un couteau dans mes mains. Je referme discrètement le tiroir en gardant mon arme.

-Salle peste tu m'as pété le nez!

Au moment où il fonce sur moi je brandis le couteau. Il s'arrête net. 
Des larmes coulent sur mes joues et mon bras qui tends le couteau se met à trembler.

-Arrête Tomas. Sinon je te tue. Lui dis-je en un souffle à peine perceptible.

Est ce que j'y crois? Est ce que je vais le faire? Ça me semble si tentant... Œil pour œil, dent pour dent, mort pour mort!
Oui mais... 
Je le hais de tout mon cœur et cette haine doit se libérer!
Mais je suis incapable de...

Il me regarde moi puis le couteau.

Je profite de ce moment de trouble pour contourner Tomas et prendre mes jambes à mon cou. Une fois dans l'entrée, dégoûtée par mes gestes, je lâche le couteau et sors.

À ce moment même je m'arrête.
Il y a quelqu'un, une fille de ma classe qui vient d'assister à toute la scène en regardant par la fenêtre de la cuisine.

Elle m'observe un instant, puis entre et ramasse le couteau dans l'entrée avec un air déterminé.

J'entends un cri puis plus rien. Ce cri est trop grave pour être celui d'une fille.

Je sais qui a gagné.

Cette fille s'appelle Éléonore. Elle se fait harceler par Tomas depuis le CP. Elle me l'a dit un jour, quand je l'ai trouvée en pleurs dans la cour de récréation.
C'était il y a quelques mois.

Maintenant ça ne se produira plus jamais.



Une semaine après.

La police m'a interrogée. J'ai tout dit, absolument tout. Je m'en fous d'être une lâche, je veux juste qu'on me fiche la paix. Ils m'accusent d'un tas de trucs mais j'ai fini par être acquittée, on dit que j'étais "perturbée et en colère" à cause du décès d'Anissa. Et je n'ai tué personne. En somme, ce n'est pas ma faute. 
Ils pensent ce qu'ils veulent.

Je ne déteste plus Tomas. Je pense que sa mort n'était pas méritée. Sa mort, j'en fait des cauchemars toutes les nuits! Je le vois, le visage en sang, fonçant sur moi. Puis le couteau, puis Éléonore... Et je vois Anissa, morte. Anissa me disant qu'elle va se suicider. Anissa en train de passer à l'acte. Anissa en train de pleurer.
Je suis tellement perturbée que je vais voir un psy. Je sais pas si ça m'aide, on verra bien.

Des fois je me réveille vers trois heures du matin. C'est un sentiment inexplicable, j'ai juste... Peur. Peur de tout. Peur de ce que j'ai pu faire. Peur du suicide d'Anissa.

On a retrouvé son corps. J'ai dit adieu à ma meilleure pendant son enterrement, qui à eu lieu beaucoup trop tôt.
Je n'ai pas osé assister à celui de Tomas.
Sa meurtrière est recherchée jour et nuit par les forces de police, j'espère qu'ils vont la trouver.
Peut être qu'il m'arrive de penser que cette fille est folle, mais elle ne l'est sûrement pas plus que moi! J'ai l'impression qu'on est dans le même bain, je commence le travail et elle le termine. Des fois, en pensant à elle, je ressens une profonde compassion, comme ci sa peine me touchait plus que l'acte qu'elle a commit.
Personne ne sait comment elle a pu tuer Tomas en si peu de temps, peut être qu'Éléonore ne le sait pas elle même.
On peut faire tellement de choses sous l'effet de la colère...

Ma colère à moi est passée, maintenant je suis juste triste et mon sommeil est perturbé par des cauchemars angoissants.
Je ne sais pas si c'est mieux.
Mon psy me dit que je suis en deuil et que je vais finir par accepter la mort d'Anissa, je lui réponds que ce n'est pas le cas et que c'est gravé à jamais dans mon cœur.

Les personnes de ma classe m'évitaient le premier jour puis ils se sont mis à me parler. Apparemment je suis intéressante maintenant qu'il m'est arrivé quelque chose.
Ils disent qu'ils auraient bien voulu me voir frapper Tomas et qu'ils m'auraient même encouragés! Je ne savais pas qu'il avait autant d'ennemis!
Moi, je suis dégoûtée par mes gestes.
Je m'en veux plus qu'ils ne pourront jamais le comprendre.
Alors je fais comme si ça ne me touchait pas.
Et je leur raconte les atrocités que j'ai vues et commises.

Les parents de Tomas restent cloisonnés chez eux toute la journée. J'ai l'impression qu'ils me détestent et ils ont raison. 

La famille d'Anissa est aussi désemparée que celle de Tomas. Pour me remonter le moral je rigole en me disant qu'ils se réunissent la nuit et forment une secte afin parler de leurs malheurs. C'est pas très sympa mais il faut dire que j'ai besoin de quoi passer mes nuits blanches et surtout  d'un peu de bonne humeur.

Cette bonne humeur on me l'offre à la maison. Mes parents sont désolés et font ce qu'ils peuvent pour faire passer ma tristesse. Ils ne le pourront jamais mais ça, ils ne le savent pas. Ma mère m'a passé un savon quand elle a appris mais au fond elle ne m'en veut pas. Mon père a beaucoup négocié avec la justice pour m'acquitter et me donne plus d'amour qu'il ne m'en faut.

En fait, on pourrait penser que tout s'est bien terminé. Pour moi. Mais les poids de mes actes et de l'histoire d'Anissa me hanteront à jamais.




Deux morts.

Une fille triste.

Et une meurtrière.


Histoires comme ça...Where stories live. Discover now