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Je n'avais jamais vu de présence masculine dans le salon de la maison familiale, hormis mon père. Même Caleb n'y avait jamais mis les pieds. Alors voir Landers et Atton installés sur des chaises dans la salle à manger, en train d'observer l'intérieur de la maisonnée avec intérêt, était inédit. L'un à côté de l'autre, leur ressemblance est effectivement frappante.

Je m'approche et m'assois face à Landers, un peu intimidée par son regard clair et profond à la fois, et commence à passer les doigts sur le bois rugueux de la table.

- Je suis désolée je n'ai rien à vous proposer, hormis de l'eau bouillie et du raisin, marmonné-je, un peu mal à l'aise.

- Ce n'est pas grave, dit Landers sans lever les yeux dans ma direction.

Il sort de son sac une carte déjà griffonnée, puis un stylo à encre rouge, et commence à entourer des destinations et graver des annotations dans chaque coin. Atton semble concentré également, et je n'ose pas bouger de peur de les déranger.

- Le train part demain matin à l'aube. Il faudrait donc récupérer les jumeaux ce soir, pendant la nuit : ce sera sans aucun doute plus sécuritaire.

- Tu ne penses pas que l'orphelinat va donner l'alerte au Gouvernement et faire le lien avec la disparition de Céles ?

Ils parlent comme si je n'étais pas là, et je tente de me racler la gorge pour attirer leur attention, sans succès. Alors je plisse les yeux et tente de déchiffrer l'écriture en pattes de mouches de Landers. Peu de gens savent lire à Downtown, sauf les enfants comme Karie qui naissent avec une cuillère en argent dans la bouche, mais mon père avait quand même réussi à m'enseigner les rudiments de la littérature avant de disparaître.

- Ils sont débordés depuis le début de l'épidémie, personne ne remarquera rien si l'exfiltration se fait en douceur. Et je doute que le fait qu'une soupçonnée disparaisse dérange beaucoup les soldats de la caste.

- Si l'affaire remonte jusqu'au Gouvernement..., dit Atton, dubitatif.

- Fais-moi confiance, coupe Landers.

Il lève enfin la tête vers moi, et je me sens frissonner face à son sérieux et sa détermination. Je remarque qu'un anneau doré pend à son oreille, exactement identique à la boucle qui scintille sur le lobe d'Atton.

- Demain matin, tu seras en sécurité avec Atton et les jumeaux dans le compartiment C du train gouvernemental, direction la capitale, me dit-il avec une fierté palpable.

Malgré son jeune âge, je devine qu'il est le cerveau des Serres Noires, peut-être même le chef, s'ils en ont un. Son côté inventif et perspicace ainsi que sa capacité d'adaptation ne laissent aucun doute.

- Merci..., murmuré-je, touchée.

- Atton t'expliquera tous les détails de votre infiltration au Gouvernement plus tard, fait-il.

J'acquiesce, concentrée, puis mon regard retombe sur la carte. L'excitation me serre les entrailles autant que l'angoisse de quitter la maison.

- Il faut que je voie Caleb, dis-je. Avant demain matin.

Landers consulte sa montre, perplexe. Le reflet bleuté se répercute sur les murs blancs du salon.

- Je ne suis pas certain que ce soit une excellente idée... il est déjà tard, m'annonce-t-il.

Je baisse les yeux sur mon propre poignet couvert de coupures dues aux lanières de plastiques. Ma montre indique qu'il est l'heure d'aller dormir afin d'être en forme pour la séance de Consignes prévue de lendemain. Mon cœur se serre d'autant plus en songeant à cette routine que je vais devoir laisser derrière moi.

CAPSULEWhere stories live. Discover now