L'audience est ouverte

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Le bruit de la sonnette déchira l'air silencieux de la salle d'audience.

« Veuillez vous lever ! » La voix de la harpie audiencière raisonna, elle avait à peine crié assez fort pour couvrir le brouhaha du public, mais parvint à le faire diminuer à un niveau raisonnable.

Le Président était déjà derrière son fauteuil. Comme il le faisait toujours, il resta silencieux un instant, face à ceux qu'il avait à juger aujourd'hui... enfin aujourd'hui, cette nuit aurait été une expression plus adaptée.

« Vous pouvez vous assoir. L'audience correctionnelle est ouverte, nous n'avons qu'un seul dossier à juge ce soir. Les choses vont se dérouler de la manière suivante, je vais vérifier l'identité du ou de la prévenu-e et lui rappeler la qualification qui a été retenue, c'est-à-dire ce qu'on lui reproche. Je le questionnerais ensuite sur sa personnalité, sur qui il ou elle est. Puis il sera procédé à l'instruction de l'affaire, c'est-à-dire que je reprendrais les faits tels qu'ils sont relatés dans le dossier, et que j'interrogerais les personnes présentes. Viendra ensuite le temps des demandes de la ou des éventuelles parties civiles, les réquisitions du proc-mitaine de la République qui se tient à ma gauche, de la plaidoirie de l'avocat du ou de la prévenu-e qui aura ensuite la parole en dernier. Je suis accompagné de monsieur le griffier, qui est chargé de noter le contenu des débats et d'assurer leur sécurité et leur intelligibilité. »

Le jeune mage-istrat avait profité de son discours pour sonder la salle des yeux, quarantaine de personnes y étaient assises. Les deux premiers rangs étaient occupés par une douzaine de guerriers orques, peintures de guerre rouge sur le visage, qui dévisageaient avec haine le blanc-bec qui pensait avoir le pouvoir de rendre justice. À une distance respectable, se tenaient assis une trentaine de nain, moins impressionnants maintenant qu'ils avaient été délestés de leurs haches, dague, pics, pointes et autres poings de fer. Il était toujours assez pénible de leur faire passer la sécurité, mais les audiences étaient plus paisibles - et les agents de sécurité plus sereins - lorsque ces formalités étaient accomplies.

-- Monsieur Naz'Gotor, approchez-vous de la barre s'il vous plaît.

L'orc se leva péniblement, et approcha ses deux mètres de muscles de la barre de mythril placée devant l'estrade.

- Vous êtes bien Monsieur Dumur Naz'Gotor, fils de Gimdush et de Selshnag ?

- Oui.

- Pouvez-vous me donner vos dates et lieux de naissance ?

- Je suis né dans le douzième cycle d'Anthiclas, dans les tribus des forêts du Gachogna.

- Soit si je ne fais pas erreur en 20 avant la convergence à Mont-de-Marsan ?

- C'est exact.

- Bien, Monsieur, il vous est reproché d'avoir à Toulouse, dans la nuit du 20 au 21 mars 2018, volontairement commis des violences sur la personne de Gargrim des Prinioak, avec cette circonstance que les faits ont été commis avec l'usage d'une arme, en l'espèce un pieds de table, et en raison de l'appartenance de la victime à une race, en l'espèce la race naine. Ce sont des faits prévus et réprimés par les articles du Code pénal. Est-ce que vous comprenez ce qui vous est reproché.

- Je comprends ce qui m'est reproché, mais je ne comprends pas pourquoi on me le reproche, c'est cette espèce de sale nain qui a ...

La phrase de l'orc fut interrompue par une bronca venant des bancs nains, à laquelle répondirent les hurlements guerriers des orques. La situation était sur le point de dégénérer lorsque le mage-istrat se tourna vers son griffier. Celui-ci compris le message muet du président et se leva, ses mains s'agitèrent un instant et d'un claquement sec, des baillons apparurent dans la bouche de chacun des futurs bagarreurs, alors que d'autres leur liaient poignets et chevilles.

- Je tiens à vous rappeler que vous êtes ici dans une salle d'audience. Par respect pour chacune des personnes présentes ici, et surtout pour celle qui est jugée, je vous invite à garder calme et silence. Dans le cas contraire, je me verrais contraint de faire évacuer la salle. Par la force si besoin.

Le regard appuyé qu'il lança à l'harpie audiencière qui aiguisait ses griffes à l'aide d'une lime d'ébonite acheva de convaincre les plus virulents de la nécessité d'adopter un comportement plus prudent.

- Monsieur Naz'Gotor, j'ai bien compris qu'un contentieux existe entre vous et le plaignant, je vous prierais cependant de bien vouloir épargner à ce tribunal les qualificatifs peu amène que vous pourriez penser à son égard. Je vous informe que, tout au long de cette audience, vous avez la possibilité de faire des déclarations spontanées - ça vous l'avez déjà compris -, de répondre à mes questions, ou de vous taire. En application de l'article 1er du Code de procédure pénale et de l'article M17-4 du même Code, si l'audience est tenue dans une langue que vous ne comprenez pas, vous avez le droit à ce que l'interprétariat soit assuré. Vous être actuellement sous le coup d'un sort traducteur lancé par le griffier dans cette salle. Un tel sort ne peut cependant vous être imposé. Acceptez-vous que l'audience se tienne dans ces conditions ou souhaitez-vous que le tribunal fasse recours à un interprète de chair et d'os ?

- J'accepte le sort, Monsieur le Président.

- Je vous remercie.

Le juge se tourna vers la salle.

- Je crois deviner que Monsieur Prinioak est présent ?

Un nain descendit d'un des bancs du fond de la salle et avança vers la barre.

- Oui M'sieur le juge.

Il parlait avec un fort accent que le sort de traduction n'arrivait pas à gommer. Il arrivait à peine à la taille de l'orc, et malgré les trois semaines qui s'étaient écoulées depuis les faits, son oeil avait encore une couleur aubergine peut engageante.

- Bien, tout le monde est présent. Nous allons pouvoir commencer. La procédure a été dressée par la brigade de sûreté onirique de Toulouse à la suite d'un appel du gérant de l'auberge rose qui signalait une violente algarade entre un orc et un nain au sein de son établissement...

- Fils de troll ! Ton père est mort encorné par une vache !

- Madame la harpie, évacuez-moi ce nain ! Le prochain qui l'ouvre sera présenté au Proc-mitaine de permanence et placé en garde à vouivre ! Je veux le silence dans cette salle !

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⏰ Last updated: Feb 23, 2019 ⏰

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