26 ~ Des vies brisées

33 1 0
                                    

Leur dernier rêve

Édition Finale Souvenirs de Plume(s)

Fanfiction Escaflowne écrite par Andromeda Hibiscus Mavros

Instagram @ahmavros

Rating / Classement [+18]

Livre 2

Numb
(« Paralysé », Chanson de Linkin Park, 2003)

Chapitre 26

Des vies brisées

Publié pour la première fois le 27 mars 2012

Crédits : L'univers de The Vision Of Escaflowne est la propriété de Shoji Kawamori et du studio Sunrise, je ne fais que l'emprunter pour cette histoire.
Exception faite pour quelques personnages et lieux que j'ai créés pour l'occasion.

O~O~O~O~O~O

Trois jours de trajet pour rejoindre le front au sud de Basram, trois jours qui comptèrent pour Hylden parmi les pires de son existence. En effet, comme il l'avait prévu, le voyage n'avait été qu'une suite de querelles entre Yiris et Mayek, et, par ricochet, entre leurs soldats.
Ainsi, l'Armée de Griffe devait jouer la carte de l'apaisement entre les belligérants.

Leur comportement puéril avait valu aux deux généraux une énième réprimande bien sentie de Van. Le Roi était profondément excédé par les conflits stupides entre ses hommes.
Depuis dix ans qu'ils avaient été nommés, ces deux-là n'avaient jamais raté une occasion de se disputer.

Paradoxalement, les rares fois où ils avaient combattu ensemble, ils avaient été d'une efficacité redoutable. Van espérait que, lorsqu'ils arriveraient sur le front, ils se concentreraient sur leur tâche, laissant de côté leur rivalité.
Ils auraient grandement besoin d'être sur le qui-vive lors de la prochaine bataille, la zone des combats étant un marais au sein d'une forêt dense à l'aspect morbide.

Noyée dans un brouillard permanent, la Forêt des Ténèbres Oubliées méritait son nom. Tirant partie de l'importante hygrométrie de la région, les arbres
poussaient de façon dense et anarchique. Le peu de rayons du soleil qui franchissait le brouillard s'en trouvait obscurci.
Aussi, en plus d'être très sombre, les bois étaient dotés d'un terrain marécageux, dont les contours variaient suivant les saisons, la faute à un fleuve au débit capricieux, obéissant aux fluctuations des pluies. Aucune carte n'était à jour plus d'une année, le lit des eaux se modifiait sans cesse, tandis que des dolines se formaient çà et là.
À cet aspect peu engageant, s'ajoutait une odeur pestilentielle. Le sol meuble était parsemé de tourbières, piège fatal pour de nombreux animaux. Ainsi, la décomposition de leurs carcasses produisait des effluves nauséabonds, qui mettaient à mal les odorats les plus résistants.
Enfin, il était à noter que la moiteur ambiante pesait sur la respiration et les périodes de froid étaient propices à contracter les maux hivernaux les plus résistants.
Bref, il s'agissait probablement d'un des endroits les plus hostiles de Gaea. Loin des côtes maritimes à l'ouest, isolé du reste du monde par de très hautes montagnes à l'est et au sud, seul le nord s'ouvrait sur Basram, dont la cité plus proche était cependant lointaine.
Ainsi, entre le climat, la topographie, sans compter les légendes populaires qui s'était créées autour de lieu inhospitalier, aucune population n'y avait élu durablement domicile...

Somme toute, la Forêt des Ténèbres Oubliées constituait la meilleure des cachettes pour une armée secrète, personne ne venait jamais dans les environs.
En fait, c'était une série de détails avaient trahi la position ennemie : la forte diminution des attaques des brigands qui, d'habitude, vivaient dans ces marais, ainsi qu'un étrange ballets de chariots entrant mais ne sortant jamais de cet endroit avaient fini par attirer l'intérêt des autochtones.
Les quantités d'energist volées devenant de plus en plus importantes, il était devenu très difficile pour l'armée des brumes de cacher les va-et-vient de plus en plus fréquents.
Désireux d'obtenir quelque récompenses pour améliorer l'ordinaire dans leur habitat hostile, les chefs locaux avaient rapporté les faits aux autorités de Basram, Freid et Egzardia.

Selon les informations ainsi rassemblées, les adversaires occupaient une grotte d'effondrement située dans la partie rocheuse de la zone, au-delà du cœur des bois. Ce terrain encombré n'était pas propice aux manœuvres militaires. Cependant, le lit d'un fleuve aux crues fréquentes constituait une importance zone dégagée permettant de traverser la zone.
Les grandes pluies de l'automne étant passées, donc le risque d'inondation écarté, il s'agissait donc d'une période plutôt favorable pour s'aventurer dans un tel endroit.

D'aucun se demandait comment l'idée était venu à l'ennemi de se terrer là. Les hommes devaient être très résistants pour survivre depuis plusieurs mois où nul ne s'aventure d'ordinaire...
O~O

En premier lieu, à l'arrivée, les délégations de chaque pays se réunirent sous une grande tente. Le président de Basram avait pris les choses en mains. Dès les premières minutes, les querelles habituelles entre les frileux et les interventionnistes recommencèrent. L'exposé de la situation était interprété différemment par chacun.
Néanmoins, après des heures de palabres, un plan d'action fut mis au point. Le front ferait la largeur de la forêt, chaque pays en protégerait une portion.

De façon prévisible, la disposition des forces devint le nouveau sujet de discorde. Finalement, il fut décidé, entre autres, que Fanelia assurerait l'extrémité ouest, un poste soi-disant peu risqué.
Cela avait clairement été interprété comme une insulte par les généraux du pays, Van avait aussi mal pris l'arrangement, surtout que contrairement à l'accoutumée, Allen ne l'avait pas soutenu, en dépit du bon sens...
Effectivement, la décision était d'autant plus inique sachant que les soldats de Fanelia étaient parmi les plus aguerris pour le combat en zone boisée. Des forêts ordinaires aux arbres immenses des terres reculées protégées par les Dragons, c'était leur terrain de prédilection.

Et, quand vint le moment de débattre de la composition des forces de chacun, Basram insista clairement sur la nécessité d'avoir de bons pilotes de melefs et demanda directement à recaler vers l'arrière les pilotes « de second rang ».
Pour le coup, Yiris se sentit clairement désignée. Après avoir gardé son calme trop longtemps, elle explosa :

— Pour votre information, je sais piloter ! Et j'ai d'excellents pilotes avec moi ! Donc mettre mon armée sur le côté est exagéré !
— Certes, mais il faut des hommes pour protéger la base, c'est tout... objecta un général de Basram, sur un ton méprisant, en ne regardant même pas la jeune femme.
— D'après ce que j'ai compris, vous voulez déjà foutre Hylden à l'arrière pour assurer la coordination des infirmiers, donc ma foi, nous pouvons largement être mobilisé à l'avant ! Un tiers de nos effectifs employé uniquement, c'est pathétique !
— Vous avez des forces peu nombreuses, nous en avons tenu compte ! répondit le Président de la République, aussi méprisant que son général.

Cette fois, les sous-entendus allaient trop loin, Van, agacé, intervint :

— J'ai amené ici une grande partie de trois de mes quatre armées, plus deux milles hommes, ce n'est pas rien pour une nation comme la mienne ! Mes hommes sont des combattants chevronnés. Ils ont notamment une grande maîtrise du combat en terrain difficile, en particulier forestier !
— Par rapport à votre pays, vos troupes sont conséquentes, c'est un fait ! constata le président. Je ne nie pas non plus l'expérience de vos armées. Ceci dit, il faut être vraiment en manque de soldats pour prendre une femme comme générale et la garder à votre service après tous ses excès ! Cela vaut aussi pour son frère, un individu à la vie dissolue qui prend les dagues pour des jouets !

Si Haymlar et Hylden ne l'avait pas retenue, Yiris aurait sauté à la gorge de l'arrogant. Konstantinos avait, étonnamment, encaissé. Concernant leur Roi, il refoulait sa colère du mieux qu'il le pouvait.
À ce petit peu de la condescendance, les autorités de Basram étaient passées maîtres. Un puissant pays mobilisant d'énormes effectifs avait forcément plus de poids sur le champ de bataille et quelques formulations cyniques rappelaient cet état de fait.

Après une brève réflexion, le jeune Souverain décida de ne pas relever la remarque, conscient que les choses auraient vite fait de s'envenimer, sans pour autant avoir la moindre chance d'obtenir gain de cause :

— Soit, j'accepte la répartition ! Cependant, les autres resteront sur le pied de guerre !
— Sage décision, Roi de Fanelia ! conclut le Président de Basram, avec un sourire hypocrite.

Pour sa part, la générale bouillait intérieurement, les ongles de sa main s'enfonçaient dans le bois de son bâton. Van s'approcha d'elle et lui murmura à l'oreille :

— Tu restes tranquillement à l'arrière, compris ?

Ceci dit, il se tourna vers Konstantinos :

— Cela vaut aussi pour toi !

Pour le frère et la sœur, le désaveu était clair. Se voir ainsi mise à l'écart constituait une vraie humiliation, une première pour Yiris depuis qu'elle avait commencé sa carrière dans l'armée.
Ravalant sa fierté, elle repartit superviser la mise en place du campement. Même si elle était consciente de la faiblesse des effectifs de Fanelia, voir son Roi, un ancien héros de guerre, traité comme un militaire de seconde zone la rendait malade.
Comment pouvait-il accepter cela ?

De son côté, après avoir assisté à la fin de la réunion d'états-majors, Van resta un moment pensif à observer ce qui allait être le champ de bataille du lendemain.

— Je suis surpris de la façon dont tu as pris la chose ! constata Allen, venu le rejoindre. Te connaissant, je pensais que tu t'énerverais à la place de ta générale !
— Tu dis cela alors que tu ne m'as pas vraiment aidé !
— Je suis réaliste...
— Tu es surtout toujours profondément malin, Allen ! constata le Roi sur ton ironique.
— C'est un fait ! sourit le chevalier. Mais, dis-moi, que gagnes-tu à avoir publiquement humilié ta générale ?
— Avec un melef, Yiris ne vaut pas grand-chose... Je suis comme toi, réaliste !
— Je crois surtout que tu as décidé de lui faire payer d'une façon ou d'une autre ses erreurs !
— Peut-être que oui, peut-être que non... De toute façon, l'important n'est pas là ! Tout ce que je souhaite, c'est résoudre cette affaire le plus vite possible !
— Hitomi te manque à ce point...

À entendre ces mots, le jeune Roi se mit à sourire :

— Tu n'as pas idée ! J'escompte bientôt me marier !

Volontairement, il avait omis de parler de l'enfant à venir, cela devait rester un secret bien gardé. En tout cas, le chevalier était déjà surpris par l'annonce imminente des noces :

— Et bien, je ne pensais pas que ça irait si vite après dix ans de séparation, cela dit, je crois que je dois avant tout te féliciter ! Je présume que tu vas aussi avoir un mariage à préparer ?
— Oui, mais ça restera quelque chose de simple. Hitomi est déjà assez mal à l'aise avec le statut de Reine qui l'attend, je ne veux pas l'accabler avec tout un protocole !
— Rassure-moi, tu vas quand même faire plus joyeux que le mariage de ton frère !

Van ne put s'empêcher de pouffer de rire. Le cas de Yiris et Folken, avec le recul, avait un amusant côté surréaliste. Avec le recul, il était vrai que c'était probable l'une des plus lugubres et incongrue.

— Ne t'en fais pas pour cela...

Les deux hommes restèrent un moment à discuter des événements heureux à venir, voulant au plus vite laisser l'affaire des brumes derrière eux, croyant les choses résolues d'avance...

O~O

Alors qu'ils vérifiaient les campements de leurs troupes respectives, Hylden et Yiris finirent par se retrouver face à face. Durant les semaines précédentes, ils ne s'étaient jamais retrouvés seul à seul comme ils en avaient l'habitude auparavant.
Entre eux, le malaise était perceptible.

D'un petit signe de tête, le jeune homme invita sa collègue à s'éloigner du groupe. Celle-ci eut une brève hésitation, mais lui emboita le pas.

Une fois à l'écart, à l'orée d'un bois, Hylden entama la discussion :

— Tu vas bien ?
— Oui, ne t'en fais pour moi... répondit Yiris, avec une certaine gêne.

Le général observa sa collègue avec une tendresse évidente. Il devait lui demander quelque chose de délicat :

— Il n'a pas été... brusque avec toi ?

À l'entendre, Yiris baissa la tête pour dissimuler ses joues devenues rouge de confusion. A priori, la question était osée.
Cependant, elle savait que si Hylden la lui posait, c'était parce qu'il s'inquiétait pour elle. Néanmoins, elle se sentait d'autant plus gênée que, et elle devait le cacher, elle avait une vraie vie de couple sur le plan physique.
Aussi, regardant son ami, droit dans les yeux, elle afficha un sourire rassurant et répondit :

— Non... Tout va bien !

Le ton était sincère, juste marqué par un logique embarras, le jeune homme éprouva un certain soulagement. Depuis les événements du procès, il faisait sans arrêt des cauchemars. Le scénario était toujours le même, Yiris, apparemment à bout, finissait par se suicider et il la découvrait dans une flaque de sang après s'être planté un couteau dans la gorge.
Ainsi, il observait quand même de loin sa collègue, elle continuait ses activités comme si de rien n'était, c'était bon signe. Cependant, connaissant Yiris, elle aurait été capable de jouer la comédie juste par fierté.

D'un ton un peu hésitant, Hylden demanda :

— Que comptes-tu faire maintenant ?
— Je crois que je n'ai pas le choix. Je dois continuer ainsi. Tu sais bien que je suis redevable à Folken Fanel, il m'a sauvé la vie. Et... comme je t'ai dit... il me traite bien...
— Tu sais ce qui s'est passé au Conseil, je présume... Quand même, il a...
— ... voulu empêcher mes adversaires de riposter... coupa-t-elle. Je comprends pourquoi il a fait cela !

Le général resta perplexe. L'indulgence dont son amie faisait preuve le surprenait. Une telle offense à son orgueil en tant qu'égale d'un homme aura dû au moins lui laisser une certaine rancœur, une rage sourde.
Voyant son scepticisme face à sa réponse, Yiris poursuivit :

— Je te l'ai dit, ne t'en fais pas ! Je suis forte, je sais encaisser et le Prince est une personne correcte... Certes, cette situation n'est pas... ce dont je rêvais... Cependant, je suis en vie...

Alors, la jeune femme lui adressa un regard tendre qui lui transperça le cœur. À cet instant, il dut prendre sur lui pour ne pas la serrer dans ses bras.
Néanmoins, Yiris avait fait une promesse, celle de rester fidèle à son mari sans ambigüité. Refusant de la rompre, elle s'éloigna dans un sourire mélancolique.
Plus le temps passait, plus elle avait du mal à comprendre les sentiments qu'elle éprouvait, que ce soit pour Folken ou pour Hylden.

O~O

Le lendemain de leur arrivée, les soldats de l'armée de Défense tremblaient de peur, mais pas à cause de l'ennemi. Haymlar et Yrkas se demandaient combien de temps allait s'écouler avant le drame.
Assise, les yeux exorbités, enragée, Yiris triturait maladivement son bâton. Le coup de la laisser à l'arrière, c'était une honte, un scandale ! Elle avait énormément de mal à digérer l'affront, alors qu'elle observait l'avancée des troupes, dont celles de Mayek, au loin.

Sans un mot, étonnement philosophe, Konstantinos, consigné avec elle, selon l'ordre du Roi, lui amenait des tasses de thé à la chaîne depuis le matin.
La conséquence s'était vite fait sentir, Yiris se levait toutes les heures pour aller se soulager. Si la situation prêtait à rire, personne n'osait faire de blague à ce sujet, alors que, d'ordinaire, la taquinerie était courante au sein des effectifs.

La générale revenait toujours s'asseoir sur le point de vue qu'elle avait choisi : un tronc abattu lui servait de banc, sur une petite colline dominant le champ de bataille.
La brume n'étant pas trop épaisse, Yiris suivait l'avancée. Les troupes de Basram étaient en tête et pénétraient plutôt vite dans la forêt, l'affrontement n'allait sans doute pas tarder.

Jusqu'à présent, la jeune femme se contentait d'être une spectatrice juste énervée, néanmoins depuis quelques minutes, un détail la tourmentait. L'armée de Fanelia progressait en biais par rapport à la troupe principale, son rôle était de retenir une probable fuite de l'ennemi. En théorie, la position présentait peu de risques dans l'immédiat.
Seulement voilà, le temps passant, le brouillard avait étrangement épaissi dans cette zone. La longue vue qu'elle avait demandée ne servait à rien, La générale distinguait de moins en moins les melefs.

Cette brume, Yiris la craignait, ce n'était pas normal qu'elle se forme à cet endroit précis. L'attaque de la forêt avait commencé comme ça. Il était évident que l'affrontement était imminent, malheureusement, les volutes qui se formaient depuis le sol humide autour des troupes les mettaient dans une situation difficile d'office.
Cependant, se rendaient-ils compte de cela ? Entre la première ligne et la suivante, un écart important se creusait, or, des troupes isolées sont toujours affaiblies. Aussi, elle notait que le groupe de Van et Mayek se détachait peu à peu des autres guymelefs du front. Le terrain devait rendre la coordination des armées bien trop complexes, surtout avec des engins lourds comme les melefs.

Cette fois, son Souverain en danger, impossible pour la jeune femme de rester assise à ne rien faire. Se levant, elle réfléchit quelques instants, avant de se tourner vers son second :

— Haymlar, fais préparer mon guymelef ! Je prends avec moi Yrkas et trouve-moi des pilotes chevronnés ! Je veux aller voir ce qui se passe !
— Mais, Chef, les ordres...
— J'y vais, point ! Les gars du front ne se rendent pas compte qu'ils se dispersent, le Roi prend trop de risques, il nous faut l'assister ! Alors, tu fais ce que je te dis !
— Bien... Cependant...
— Cependant, quoi ?
— La plupart des gars, pensant qu'ils n'allaient pas combattre, sont allés donner un coup de mains aux hommes d'Hylden. Ils sont donc au campement infirmier de la coalition, et ce n'est pas à côté, va falloir du temps pour les prévenir et les faire venir...

Haussant les épaules avec un soupir de colère, Yiris questionna :

— Tu as combien de pilotes disponibles maintenant ?
— Même pas une dizaine à tout casser...
— Je m'en contenterais ! Tu restes là pour surveiller le camp, si un type de Basram, Asturia, ou autre, débarque pour me râler dessus, tu lui diras que je lui mettrai personnellement mon poing dans la gueule à mon retour !

Haymlar s'inclina et partit à la hâte rassembler les hommes. Ayant écouté la conversation, Yrkas, lui, était déjà en train de monter dans son guymelef, content de pouvoir utiliser son engin avec lequel il était particulièrement habile.
Yiris s'apprêtait à faire de même.

Sur le chemin, son regard croisa celui de Konstantinos, et ce qu'elle vit lui glaça le sang. Alors qu'il avait été presque gentil ces derniers jours, son frère lui offrait un sourire étrange, mesquin, sournois, limite pervers.
Déçue d'une certaine façon, avait envie de lui demander pourquoi ce revirement dans son attitude, cependant, elle ne le fit pas. Entre les traumatismes et les excès, son cadet était instable mentalement, et il n'y avait aucun moyen de soigner cela.
Quelques jours durant, il avait été aimable avec elle, il fallait croire que ce moment de grâce était terminé et qu'il était reparti dans son délire, sans doute contrarié de voir ses talents méprisés par le Roi. Fatalement, se disait-elle, il devait lui en imputer la responsabilité.
S'installant dans son engin, elle se souvint du bon vieux temps où elle cajolait son petit frère qui l'adorait. Plus de vingt-cinq ans avaient passé depuis ces heureux moments. Maintenant, hormis celui du sang, elle en arrivait à se demander s'il subsistait un lien réel entre eux.

Cependant, les tracas familiaux n'étaient pas, à ce moment, son principal souci. Elle comprise, il n'y aurait que douze melefs pour porter assistance à Van, ce n'était pas beaucoup.
D'ordinaire, elle aurait pris quelques éclaireurs pédestres, mais, avec le manque de visibilité et la difficulté à se déplacer, ils n'auraient été d'aucune utilité. Pire, ils auraient pu être blessé par un géant d'acier qui ne les aurait pas vus.

Comme prévu, la progression des géants de métal n'était pas des plus simples. Le terrain instable n'était décidément pas propice et il avait fallu être particulièrement prudent pour traverser le fleuve, heureusement peu profond. Les pas des machines, qui s'enfonçaient dans la boue, demandaient un effort physique inhabituellement important aux pilotes.

Au fur et à mesure que le groupe avançait, le brouillard s'épaississait. L'inquiétude devenait de plus en plus forte. Par radio, Yrkas souligna un point important : ils n'avaient croisé personne depuis le début. Or, il devait y avoir une troupe à pied, avec notamment les infirmiers un peu en arrière.

Un silence pesant était légion jusqu'à présent. Puis, des fracas de métal lointains se firent entendre.
Au départ, la troupe avait cru que le son venait du front principal, mais, en progressant, plus aucun doute, ils étaient dans le sens de leur avancée. Le mauvais pressentiment de Yiris se confirmait : Van et Mayek avaient fini par être séparés de la ligne de base.

Le bruit devenait de plus en plus proche, les melefs étaient sur le qui-vive. La générale n'était pas du tout à son aise. Sa troupe était petite, et surtout manquait de pilotes expérimentés, elle-même n'étant pas très douée avec les machines.
Soudain, un des soldats signala une macabre découverte : un tas de cadavres, les blasons sur leurs vêtements étaient ceux de l'Armée de Griffe, donc des infirmiers à l'arrière, très mauvais signe.

Aussi rapidement que possible, Yiris avançait, et, tout à coup, elle se trouva face à un melef inconnu. L'engin était gris, un peu plus grand qu'un guymelef standard, avec un design assez moderne. S'il n'y avait pas eu des étincelles, qui faisaient suite à de probables dommages, la générale n'aurait sans doute pas remarqué sa présence.
Si la chance lui avait évité de tomber dans le piège, son Roi n'avait peut-être pas eu la même chance, et l'adversaire l'avait attaqué par derrière.

Alors qu'elle s'apprêtait à donner l'alerte au reste de la troupe, Yrkas se plaça devant elle, avec son engin, épée à la main :

— Hé hé, pour une fois, je vais vous faire honneur ! annonça-t-il, fièrement, par radio.

Sans hésitation le pilote expérimenté de la troupe se jeta sur la machine grise. Le combattant utilisait une lance basique. Son engin avait beau sembler récent, il utilisait une arme conventionnelle. Qui avait conçu cela ? Où cela pouvait-il être fabriqué, connaissant l'importance des structures nécessaires aux usines de melefs ? Et surtout, comment étaient-ils arrivés là, dans ce lieu reculé et difficile d'accès !

Alors qu'elle réfléchissait, la générale fut étonnée de se retrouver prise, en quelques secondes, dans un brouillard complètement opaque. Via la fréquence, elle appela ses autres hommes, un à un. Aucun ne répondit.
Soudain, un message inespéré se fit entendre sur le canal de l'armée de Fanelia :

— Yiris, c'est toi ?

C'était une voix essoufflée familière, Yiris ressentit un immense soulagement à l'entendre :

— Maître Van, vous êtes vivant !
— Oui, et je suis content que tu ais désobéi aux ordres ! répondit-il. Je suis en grosse difficulté. Nous avons été séparés du reste des troupes, je n'arrive plus à localiser Mayek !
— Alors, il faudra vous contenter de moi !

Entre quelques nappes de brume, elle réussit à distinguer le guymelef, blanc couverts d'inscriptions rouges, du Roi et, voulant s'en approcher, elle interpella son aide de camp par radio :

— Yrkas, tu as entendu ? Sa Majesté est toute proche, rejoins-moi dès que tu peux !

Aucune réponse.

— Yrkas, triple imbécile, je te parle. Yrkas, Yrkas...

Rien. Désespérément, elle essaya de le distinguer, mais le monde autour d'elle n'était que nuages gris, plus aucun signe d'Yrkas, ni des autres compagnons.

Cette fois, elle était vraiment en très mauvaise posture. Néanmoins, à l'aveugle, elle continua d'avancer dans la direction où elle avait aperçu Van, et, finalement, le rejoint.
Désormais, ils étaient seuls. Aucun moyen d'appeler à l'aide. Les radios des melefs, inventions récentes prises à Zaibach, n'avaient pas une très longue portée, surtout sur les engins rudimentaires comme ceux de Fanelia.

Pour cette intervention, les troupes étant censées être très compactes, il n'avait pas été jugé utile de s'équiper d'une couteuse base longue portée...
Grave erreur !

— Votre Majesté, je crois que nous sommes mal partis...
— Je le crois aussi...

Alors, se détachant de la brume, les assaillants aux melefs gris commencèrent à les encercler. Yiris et Van positionnèrent leurs machines dos-à-dos, dans une ultime volonté de se défendre.
Pour la première fois depuis qu'elle était dans l'armée, la générale ne savait plus quoi faire, aucune issue en vue. Le Roi aussi sentait aussi que la situation était sans espoir. À ce stade, il ne pouvait qu'espérer un miracle...

À de multiples reprises, ils tentèrent de communiquer avec leurs adversaires. Cependant, ceux-ci restaient muets. Ils se contentaient de se masser autour d'eux, au moins une vingtaine de visible, semblant prendre plaisir à faire durer l'angoisse.
Pour des guerriers expérimentés, des personnes qui avaient vu la mort de très près, c'était une fin idiote, pathétique... Le Souverain et la générale s'étaient fait piéger par de simples melefs, après avoir pourtant survécu à mille fois pire !

Face à leur mort imminente, tous deux restaient étrangement calmes. Quitte à mourir, autant partir dignement, sans supplier, histoire de ne pas donner le plaisir de faire comprendre leur souffrance morale à l'ennemi.
À vingt-six et trente-huit ans, ils avaient eu des vies bien remplies, et tout autant de regrets.

À ce moment, Yiris n'avait qu'une envie, que ça aille vite. L'agonie interminable, elle avait déjà donné ! Son dernier souhait était de mourir rapidement sans avoir le temps de sentir quoique ce soit :

— Tout ça pour en arriver là... À se faire coincer dans la brume... ironisa Van. Maintenant, alors que j'avais tout pour heureux...
— Pardon, j'ai senti le coup venir... Je n'aurais pas dû partir avec si peu d'hommes... J'aurais dû attendre, aller demander l'aide d'Hylden...
— Si tu avais fait ça, tu serais arrivée trop tard de toute façon... Ceci dit, j'aurais préféré...
— Comment ça ?
— Si j'ai accepté le fait que tu restes en arrière, c'est que les melefs ne sont pas du tout ta spécialité et que je n'avais pas envie qu'il t'arrive quelque chose. Mon frère reconstruit sa vie, et, pour lui, tu dois en faire partie !
— C'est bien la première fois que vous me ménagez. En partant de ce principe, vous auriez dû rester avec votre bien-aimée et laisser cette bande de bouffons s'amuser avec leurs engins !
— J'étais perplexe face à cette intervention, je redoutais aussi le piège... expliqua Van, avec une grande émotion. Je vais mourir sans avoir connu mon enfant. Moi qui me réjouissais, je vais laisser Hitomi seule...
— Je ne savais pas que vous alliez être père... Je suis désolée...
— Ne le sois pas, tu n'y es pour rien...
— Vous savez, tant que l'on est dans les confessions, avoua difficilement Yiris qui ne pouvait retenir ses larmes de dépit, il y a une chose que j'aurais dû dire à votre frère avant de partir...
— Et quoi donc ?
— Que je l'...

Un immense fracas de métal, elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Bien que se doutant de ce qui s'était passé, Van tenta un appel radio :

— Yiris ? Tu m'entends...

Pour seule réponse, il y eut des grésillements sur la fréquence.

Désormais, il était totalement seul.

O~O~O~O~O~O

Notes de l'auteur : Comme pour le premier tome, celui-ci s'achève avec un bon vieux cliffhanger ! La troisième partie donnera l'issue du combat mené par Van lors de cette nouvelle confrontation avec l'ennemi, d'un tout autre calibre !
Cela dit, avant de poursuivre, le bonus de cette saison apportera un peu fraicheur. Loin de la violence du front, il est enfin temps de faire un saut dans le passé et de raconter l'histoire du mariage de Gaddes et Celena
...

O~O~O~O~O~O

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Si vous l'avez apprécié, n'hésitez pas à commenter et partager !

Instagram @ahmavros

           O~O~O~O~O~OMerci d'avoir lu ce chapitre ! Si vous             l'avez apprécié, n'hésitez pas à commenter et partager ! Instagram @ahmavros

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.
Escaflowne, Leur dernier rêveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant