18 ~ Le salut dans l'alliance

36 1 2
                                    

Leur dernier rêve

Édition Finale Souvenirs de Plume(s)

Fanfiction Escaflowne écrite par Andromeda Hibiscus Mavros

Instagram @ahmavros

Rating / Classement [+18]

Livre 2

Numb
(« Paralysé », Chanson de Linkin Park, 2003)

Chapitre 18

Le salut dans l'alliance

Publié pour la première fois le 1er février 2012

Crédits : L'univers de The Vision Of Escaflowne est la propriété de Shoji Kawamori et du studio Sunrise, je ne fais que l'emprunter pour cette histoire.
Exception faite pour quelques personnages et lieux que j'ai créés pour l'occasion.

O~O~O~O~O~O

La fin du procès était venue. Yiris l'accueillait avec soulagement. D'ici peu de temps, elle aurait définitivement fini de souffrir.

Après un avis des juges sans surprise, Van devait conclure et annoncer le verdict. Avant cela, l'usage voulait que l'accusé ait le dernier mot des débats. Et, quelques soient les circonstances, cela avait été toujours respecté à Fanelia.
Ainsi, prenant une grande inspiration, le Roi s'adressa à la prisonnière :

— Yiris, tes derniers mots !

La jeune femme assise au sol inclina la tête en signe de remerciement avant d'écarter les bras. Dans un premier temps, ses geôliers voulurent bloquer ses chaines, mais Van leur fit signe de ne pas intervenir.

Elle se trouva ainsi courbée, la tête basse, les bras étendues comme des ailes. Le geste fit forte impression, même Merle, enfin arrivée dans le couloir avec Hitomi, semblait étonnée. La jeune femme ne comprenait pas et donna un petit coup de coude à son amie, qui murmura :

— En fait, son geste, c'est l'envol du condamné ! Ça veut dire qu'elle est prête à être décapitée, sans billot. On ne fait ça que très rarement, car, avec la peur, peu de gens arrivent à tenir leur tête correctement.

Mayek eut un soupir d'agacement, la générale déchue, monstre fausse-personne qui plus est, arrivait à s'attirer l'admiration de certains. Cependant, il n'était pas exclu que, le moment venu, elle flanche, voire se pisse dessus, et le vieux militaire comptait beaucoup sur ça.
À l'époque, il s'était fortement opposé à la nomination de Yiris en tant que générale. Ses proches savaient qu'ils auraient encore préféré un individu choisi parmi les peuples animaux, loup ou chat, plutôt qu'une femme. Et dire, qu'en plus de cela, elle s'avérait fausse-personne ! Sa seule existence était, aux yeux de Mayek, une offense à Fanelia !

Restée quelque secondes silencieuse, Yiris releva la tête vers le Souverain, gardant toujours ses bras étendus :

— Je tiens à remercier Votre Majesté pour toutes les années passées à son service ! Vous serez mon seul Maître jusqu'à mon dernier souffle ! Aussi, en remerciement des services rendus, je demande à être décapitée séance tenante ! Et, afin de laver l'affront que j'ai osé vous faire et rappeler que votre autorité est absolue, je vous prie de bien vouloir m'exécuter publiquement au bord des murailles de la ville haute, et, surtout, que ce soit vous qui coupiez la tête de la traitresse que je suis ! Après, brûlez mon corps, il ne doit rien rester de l'opprobre que j'ai été !

La salle était abasourdie. Ce genre d'exécution, cela remontait à si longtemps... En fait, les gens se souvenait que le dernier à user de cette pratique était le prédécesseur de Goau. Douze traitres, dont le précédent jeune Roi encore enfant et sa mère, avaient été ainsi décapités sur les créneaux de la ville haute, lors de la prise pouvoir du nouveau Souverain, et leurs têtes étaient tombées dans la foule qui les avaient transformés en trophées. Un événement sordide...
Depuis, les gens pensaient que les mœurs avaient évolué. Il était inutile de faire aussi spectaculaire, surtout en pleine ville.

Néanmoins, Van lui comprenait. Il fallait un signal clair. On lui avait souvent reproché d'être trop indulgent. Là, la personne avait tenté de tuer sa probable future épouse, le pardon n'était pas envisageable.
Yiris n'avait aucune influence hors de son armée, avant tout soumise au Roi, sa tribu était faible. L'exécutée ainsi ne présentait aucun danger politique, ironiquement, ça en devenait presque le contraire.

Pour sa part, Hitomi était horrifiée. Merle lui suggéra de regagner sa chambre afin qu'elle puisse s'assurer que la jeune femme n'assiste surtout pas à l'exécution.
Maintenant que Yiris avait elle-même choisit la mort sans ambiguïté, il n'y avait plus rien à faire pour l'aider. Une intervention extérieure serait même plutôt perçue comme une humiliante pour la prisonnière.

Après un silence monacale, de l'agitation se fit entendre dans les couloirs, alors que Van se levait pour prononcer la sentence. Il n'eut pas le temps de dire un mot que Folken, essoufflé, son parchemin à la main, surgit dans la salle à la stupéfaction générale :

— Attendez ! Je veux soulever une exception de grâce !
— Comment ça, mon frère ? demanda le Roi, interloqué.
— Je veux utiliser le cas de la Princesse de Sang ! répondit Folken.
— Balivernes ! s'indigna le Grand Prêtre Horum. Ce n'est qu'une légende !
— Non, c'est une histoire vraie ! souligna l'un des juges. Le récit a été malmené par le temps et beaucoup déformé, mais ce conte se base effectivement sur un vieux procès. Où voulez-vous en venir, Votre Altesse ?

L'assemblée ne savait plus quoi penser. Haymlar et Hylden n'osaient croire au miracle. Hitomi et Merle étaient incrédules. Van, lui, s'était laissé retomber sur son siège.
Yiris avait laissé ses bras flancher, elle ne s'attendait vraiment pas à une telle intervention.

— L'hérésie est un crime qui relève du droit divin, n'est-ce pas ? interrogea le Prince.
— Effectivement ! acquiesça un magistrat.
— Donc, je peux utiliser un autre crime de droit divin pour soulever une exception, c'est exact ?
— Oui... murmura un autre juge, circonspect.
— Alors, j'utilise l'affaire que j'ai citée : une jeune femme s'est vu absoute du crime d'avoir tué son Roi parce qu'un des Princes de Sang avait choisi de la prendre pour épouse, lui évitant ainsi le châtiment. Selon nos traditions, l'épouse commence une nouvelle vie en se mariant, son mari endosse ses crimes, c'est une partie de son devoir de protection. La condition étant, bien sûr, que l'épouse ne lui cache rien. Ici, en devenant la protégée d'une Altesse de Sang Royal, cette femme était devenue membre d'une famille dont la lignée est sacrée depuis plus de dix-milles ans, donc intouchable !

Seuls des signes de tête, aussi affirmatifs que stupéfaits, des juges lui répondirent. Il décida donc de poursuivre :

— Par conséquent, moi, Folken Lacour de Fanel, Prince de Fanelia, connaissant les actes de Yiris, je souhaite épouser cette femme et endosser son crime !

Il y eut d'abord un mutisme morbide, personne ne croyait ce qu'il avait entendu. Van avait les yeux écarquillés de stupeur.
Quant à l'accusée, toujours le regard au sol, elle croyait rêver.
Juste arrivés à l'entrée de la pièce, Meinmet, Yrkas et les soldats étaient tout aussi ébahis.

Puis, la contre-attaque commença, les religieux furent les plus véhéments. Horum, homme fier, assez grand, aux cheveux et à la barbe pointue grisonnant, argumenta :

— Allons, Votre Altesse, vos propos sont insensés ! Sans parler du fait que cette femme a utilisé sa sorcellerie sur vous !

Dubitatif, Van s'adressa aux juges :

— Est-ce que le raisonnement est juste ?
— Et bien, Votre Majesté, répondit l'un des magistrats, les propos de votre frère sont rigoureux sur le plan du droit. Dans la vieille affaire citée, après avoir épousé le Prince, il fut considéré que la jeune femme avait vécu sans avoir jamais accompli aucun crime. C'était comme si l'assassinat n'avait pas eu lieu.

Le Roi soupira dans un mélange d'agacement, de fatalisme, mais aussi d'une forme de soulagement :

— Folken, tu as bien conscience des conséquences de ta proposition ? En épousant cette femme, tu lies ta vie à la sienne, tu devras donc assumer sa personne aussi bien que ses crimes.
— Je le sais et je l'accepte ! confirma le Prince, déterminé.

Van croisa les bras. Sur un angle, cette issue l'arrangeait. Yiris avait montré qu'elle assumait ses erreurs, et si Hitomi avait pardonné, il le pouvait aussi en fin de compte... Même s'il lui en voulait terriblement pour avoir attaqué Hitomi, le jeune homme ne pouvait nier qu'avant, Yiris avait été le plus dévoué de ses serviteurs, ayant pris des centaines de coups à sa place en dix ans.
En agissant de la sorte, Folken proposait le seul moyen de sauver l'accusée d'une mort certaine sans avoir à créer le dangereux précédent tant redouté, c'était bon à prendre.

— Soit !
— Mais, enfin, Votre Majesté, nous refusons de célébrer une telle union ! annonça Horum.
— Et bien, je m'en chargerai moi-même ! Selon nos lois, la parole d'un Roi à la valeur de la parole divine. Je me souviens que mon père s'est d'ailleurs déclaré marié sans le consentement des autorités religieuses !

Pris au piège, les ecclésiastiques n'avaient plus rien à répliquer. Les magistrats discutaient de la démonstration incroyable à laquelle ils venaient d'assister.
Luyren était fataliste, Mayek, furieux, Ozlek avait planté les ongles dans son bâton au point de laisser des traces sur les dorures !

— Yiris, même si je ne devrais pas te poser la question, vu que tu es ici juste une pêcheresse, je te demande, au vu de tes états de service, ton souhait. Veux-tu épouser mon frère ou préfères-tu être exécutée ? interrogea Van.

Il y eut un léger silence, la jeune femme crispa ses poings. Après une hésitation perceptible, elle répondit d'une voix tremblotante, sans détacher son regard du sol pour dissimuler ses larmes de dépit :

— J'accepte l'offre, Votre Majesté !

D'un côté, elle voulait vivre, d'un autre, il lui était intolérable d'être ainsi sauvée. Le mariage lui enlèverait son libre arbitre, elle, qui s'était construite libre, voyait tout s'effondrer...
De toute façon, sans ça, elle n'aurait pas l'occasion de se poser la question. Elle n'aurait, en aucun cas, cru avoir le choix, alors elle avait finalement la faiblesse si humaine d'avoir peur de mourir...

— Bien, lève-toi et prends la main de mon frère ! ordonna le Roi.

Toujours gênée par ses entraves, la jeune femme frotta son visage du coude, pour effacer les traces de ses larmes, et commença à se relever péniblement. Folken lui tendit la main.
Un peu surprise, elle la saisit, puis leva la tête vers lui. Il la regardait intensément, avec une expression d'une grande douceur, mêlée à une certaine assurance. Elle ne l'avait jamais vu comme ça auparavant.

Il avait profondément changé. Ce n'était effectivement plus Alexandre, mais pas plus non une personne différente.
Déstabilisée, elle esquissa un léger sourire, accompagné d'un regard à la fois étonné et reconnaissant. Comme réponse, elle sentit la main du Prince serrer un peu plus la sienne.

Quelques secondes, ils se trouvèrent comme seuls au monde. Cet étrange instant fut interrompu par les paroles du Souverain :

— En tant que Roi de Fanelia, dit Van, en se levant, je déclare solennellement, qu'en ce jour, mon frère Folken s'est uni à Yiris. Ils vivront donc jusqu'à la fin de leurs jours comme mari et femme.

Les nouveaux époux acquiescèrent chacun d'un signe de tête, puis le Monarque reprit son discours :

— Sachant que l'utilisation de cette exception ramène à la situation antérieure au crime, Yiris, tu possèdes encore tes titres. Les connaissant, je pense que ni les habitants de ton village, ni tes hommes ne vont te rejeter. Cependant, tu es désormais une femme mariée, et tu ne pourras agir sans le consentement de ton époux. Celui-ci peut diriger ta tribu, à ta place, et t'interdire d'administrer une armée.

Encore un flottement, la nouvelle mariée ressentit une brève peur, qui s'envola aussi vite qu'elle était venue :

— Le seul ordre que je lui donne, c'est d'agir comme bon lui semble ! déclara Folken, souriant.

Van apparut amusé. Il reconnaissait bien la façon de penser de son frère. Néanmoins, il restait stupéfait par ce qu'il venait de faire.

— Yiris, je présume donc que tu souhaites récupérer ton armée...
— Oui... répondit-elle timidement, ayant du mal à réaliser ce qui se passait.
— Alors, qu'il en soit ainsi ! conclut le Roi.

La foule observait le nouveau couple. Ils avaient quelque chose de surréaliste.

Lui, immense et pâle, vêtu d'un simple pantalon de toile beige, d'une chemise blanche et d'une veste bleue foncé, et elle, toute petite, les cheveux et la peau de la couleur du soleil, portant sa robe tâchée de sang.
Ils étaient totalement différents, et bien loin de l'image traditionnelle des mariés élégants et heureux.

Lorsque Van quitta la pièce, indiquant que l'audience était levée, les partisans de Yiris se précipitèrent vers elle et la serrèrent dans leur bras, tandis que ses chaînes lui étaient retirées.
La jeune femme se retrouva rapidement ensevelie sous les accolades. Elle ne pouvait s'empêcher de pleurer de joie, elle allait vivre !

Du côté de ceux qui avaient juré la perte de la générale, c'était l'incompréhension. Mayek n'en revenait pas, il avait envie de hurler. Toutefois, il retint sa rage, sachant que son opposition au Souverain pourrait lui valoir de sérieux problèmes.
Il avait, par contre, bien compris que Folken, désormais reconnu officiellement comme membre de la Famille Royale, serait un adversaire aussi redoutable qu'intelligent.

Soulagé autant qu'abasourdi, Hylden avait lui aussi voulu prendre Yiris dans ses bras, mais sa femme l'avait retenu dans son élan :

— Je suis désolée de voir cette pouffiasse s'en sortir. Ceci dit, j'avoue que je trouve la situation somme toute amusante...
— Et en quoi, Kyria ? interrogea sèchement le général.
— Cette fille, que tu désires tant, ne sera jamais tienne ! Si elle était morte, elle serait devenue ta martyre adorée, maintenant, c'est la femme d'un autre homme. Tu te rends compte, il va la posséder à ta place ! C'est d'une ironie !
— Tu es la pire des garces !
— Je pense que je peux me permettre de me réjouir de voir ce qui se passe ! Depuis dix ans, tu me traites comme un meuble parce que tu ne penses qu'à elle, alors, je tiens ma vengeance ! On récolte ce que l'on sème !

Hylden ne répondit pas, il quitta la pièce, furieux.

Toujours submergée par les marques d'affection, Yiris chercha du regard son ami de toujours. Le voyant partir, tandis que sa femme ne cachait pas sa joie, elle s'attrista.
Quelque part, elle ne pouvait nier qu'elle l'aimait... Du moins, il lui semblait. Maintenant, tout devenait confus...

Puis, tournant la tête, son regard croisa celui de Folken, elle le trouvait étrangement doux et ne put retenir un petit sourire timide en guise de réponse.

O~O

Après tous ces événements, Hitomi avait entendu, les larmes aux yeux, la conclusion de l'affaire. Épuisée par l'émotion, elle s'était effondrée dans le couloir. Merle l'avait relevée et Meinmet, parvenu, à bout de souffle, au palais était venu l'aider pour retourner se reposer.
Pour la jeune femme aux pouvoirs de medium, la solution employée ne fut pas une surprise.

Alors que se jouaient les dernières minutes du procès, lorsque Folken était arrivé, sa vision s'était précisée : Yiris était justement assise aux pieds de Folken.
Néanmoins, il subsistait encore des doutes sur cette image. Déjà, les deux époux semblaient afficher une sincère complicité et, mais, surtout, Folken était assis sur un Trône royal...

Ne sachant trop quoi penser, Hitomi décida de ne pas se focaliser sur ces détails pour le moment. Si éclaircissements il devait y avoir, ils viendraient d'eux-mêmes.
En attendant, elle était un peu fâchée vis-à-vis de Van, qui lui avait caché la vérité au sujet de Yiris alors qu'elle lui avait faire part de ses craintes. Certes, savoir n'aurait pas changé la situation, cependant sur le principe, cela l'avait vexée.

Meinmet était profondément ému de ce dénouement. Il s'était tant inquiété pour Yiris, devenue, petit à petit, la fille qu'il n'avait pas eu.
La savoir sauve, son honneur lavé était un soulagement. Et il trouvait qu'elle formait un couple assez original avec Folken. Ils n'avaient rien en commun, mais son flair lui disait qu'ils étaient faits pour s'entendre.

Pour sa part, la générale était partie dans les quartiers de son armée. Quand ses hommes lui avaient demandé ce qui lui ferait plaisir pour fêter ça, elle avait simplement souhaité manger.
Ce fut chose faite ! Enroulée dans un grand châle coloré prêté par l'épouse d'un des soldats, qui dissimulait sa robe tâchée de sang, la rescapée savourait des petits gâteaux en sirotant un thé.

Quant à Folken, il avait été convoqué par Van. Le Roi avait tenu à le recevoir dans ses appartements privés.
Le petit frère faisait les cent pas, tandis que son aîné restait debout, stoïque, puis, enfin, ce silence interminable fut rompu :

— C'est vraiment toi... philosopha Van. Tu es le seul à avoir de telles idées !
— Tu avais encore des doutes ? répondit calmement Folken.
— Non, ta tombe vide, notre conversation d'hier soir... Je suis tellement heureux de t'avoir retrouvé, même si cela échappe à mon entendement.
— Sache que je n'en sais pas davantage. Tout ce que je peux dire, c'est que je suis content d'être en vie, avec mon corps entier. Cette nouvelle chance est un précieux cadeau !
— Alors, pourquoi la gâcher en te mariant avec la première venue ?
— Yiris n'est pas la première venue ! Et, à ce moment-là, cela m'est apparu comme la seule solution pour la sauver. Elle a gardé mes souvenirs pendant dix ans alors qu'elle me connaissait à peine, m'a défendu au péril de sa vie, lui éviter la mort était le minimum que je pouvais faire en remerciement.
— Soit ! Mais tu te rends compte que tu as enchaîné ta vie à la sienne ?
— Tout à fait, et cela ne me pose pas de problème. J'aspire maintenant à une existence tranquille. Je pense surtout étudier calmement et profiter de mon pays. Me marier n'a jamais fait partie de mes projets, cela dit, je m'en accommoderai. Yiris n'est pas parfaite, cependant, c'est une personne entière, et cette qualité suffit pour dire que cela me convient de l'avoir pour épouse.
— Oui, mais, si un jour, tu rencontres une autre femme, une que tu aimes vraiment ? Que feras-tu ?
— Cela n'arrivera pas, j'en ai la conviction !

Folken avait dit ça avec un petit air rêveur, qui avait intrigué son cadet. Néanmoins, celui-ci jugea utile de poursuivre ses reproches :

— Tu te doutes, qu'au moment où nous parlons, Mayek, Horum et les religieux, et même Ozlek, mon Grand Chambellan, cherchent par tous les moyens comment annuler ce mariage. Tu as utilisé le droit contre eux, ils vont faire de même contre toi !
— J'en suis conscient, cela dit, je ne vois pas en quoi ce mariage serait attaquable. Je n'étais pas marié avant, Yiris non plus, le fait que tu ais accepté l'union la rend valable.
— Il reste encore un argument, qui a défait bien des unions de paille, celui de la consommation !
— Et où est le problème ?
— Folken, il y a eu assez de mensonges et de manipulations de la part de Yiris, mais aussi de toi ! Donc maintenant, vous allez jouer franc jeu, et vous comporter comme le couple idéal.
— Et qu'est-ce que cela suppose ?
— Vous vivrez ensemble. Même si Yiris garde son armée, j'attends un comportement irréprochable de sa part en tant que Princesse. De plus, vous devez consommer ce mariage dès ce soir pour couper l'herbe sous le pied de vos adversaires !
— Cela ne me pose pas de problème.
— À toi non, mais à ta femme... Connais-tu son histoire ? Si c'était le cas, tu saurais qu'elle a un contentieux avec les hommes sur ce point. Elle n'avait que quatorze ans quand ce tordu de Dirken, un braconnier qui s'était autoproclamé chef du village d'Irini, a essayé de la violer. Elle s'est défendue en parvenant à le poignarder au flanc, et pour la punir, il l'a battue à mort. Si elle est encore vivante, c'est grâce à Lig Viete, le fausse-personne élevé au rang d'un des trois plus grands guerriers de Gaea !
— Je sais... Avant que je ne quitte Irini, Maya, la guérisseuse, m'a raconté tout cela. Après, les craintes de Yiris sont légitimes, cependant, je sais que ce n'est pas une idiote.
— Si tu le dis... J'ai envoyé son amie Mila la chercher pour qu'elle la rende au moins présentable. Toi, tu n'auras qu'à prendre un bain ici en attendant de rejoindre ta femme... Bonne chance... Elle n'est pas stupide en effet, mais elle a beaucoup souffert...

Sur ce, Van quitta la pièce, laissant son frère seul. Ce dernier commençait à réaliser la portée de son acte. Malgré tout, il restait malgré tout convaincu d'avoir choisi la bonne solution.

O~O

Meinmet avait finalement rejoint les réjouissances célébrant le salut de Yiris, il n'avait pu s'empêcher d'embrasser sa protégée sur le front. Et la jeune femme, reconnaissante, l'avait serré dans ses bras avec une touchante spontanéité.

L'ambiance était festive, jusqu'à l'arrivée de Mila qui vint chuchoter quelques paroles à l'oreille de son frère. Haymlar l'écouta attentivement et prit un air dépité en se tournant vers sa générale :

— Chef, il faut que vous veniez...

Interrompue dans sa collation, Yiris fut prise d'une soudaine inquiétude. La présence de son amie la rassura, même si un doute subsistait.
Elle se leva pour aller à sa rencontre. Haymlar laissa les deux femmes seules et invita les autres à continuer leur fête et faire comme si de rien n'était.

— Yiris, j'ai été envoyée par le Roi, il a dit que tu devais...
— Être une bonne épouse, c'est ça ? conclut la jeune femme, qui avait senti le coup venir.

La tête haute, cachant l'angoisse qui s'était emparée d'elle, la mariée emboîta le pas à la grande brune.

O~O

Enfin, Van était au chevet d'Hitomi, la jeune femme, à nouveau alitée, mais avec un teint qui avait retrouvé des couleurs, l'avait accueilli avec un grand sourire :

— Je te remercie !
— Ah bon, et pourquoi donc ? s'étonna le Roi.
— Parce que tu as dépassé ta colère. Si tu l'avais voulu, tu aurais pu t'opposer à ce mariage, tu ne l'as pas fait, au contraire...
— J'avoue avoir changé d'avis. Yiris n'a pas tenté de se trouver de fausses excuses. Ma foi, si tu lui avais accordé ton pardon, toi qui avais été sa victime, je me devais de faire preuve de mansuétude.

La jeune blonde afficha un air à la fois tendre et mutin, avant de prendre doucement ses mains entre les siennes :

— Merci quand même !

Van eut un petit air gêné. En tant que Monarque, il avait, un instant, craint d'avoir fait preuve de faiblesse, mais, finalement, le salut de sa générale avait provoqué un véritable élan de joie.
Aussi, les premiers retours de la ville basse étaient globalement positifs. L'image du Souverain juste et sachant récompenser ceux qui lui étaient fidèles n'en était que renforcée.
Il ne regrettait pas sa décision.

Hitomi savait lire dans ses pensées comme dans un livre ouvert. Face à elle, il se sentait un simple homme, et non un Roi.

O~O

Allongée dans la grande barrique de la salle d'eau des appartements de son désormais mari, Yiris songeait à la tournure des événements.
Mila lui avait présenté la situation. Elle devait être totalement l'épouse de son mari. Ainsi, son amie avait pour tâche de la rendre la plus désirable possible pour cette occasion.
« Vaste programme » n'avait pu s'empêcher de remarquer la nouvelle Princesse, avec cynisme.

Sentant l'eau refroidir, Yiris en sortit. Mila était aux petits soins avec elle. Elle essayait de la rendre aussi belle que possible, même si l'état du corps de sa patronne, et, notamment, la présence massive de points de sutures frais, la désespérait.

Alors qu'elle se battait avec les innombrables nœuds dans les longs cheveux blonds bouclés, la tenancière lâcha d'une voix un peu triste :

— Et dire que tu m'as caché, pendant des années, qui tu étais réellement...

Au ton de ces paroles, la générale ressentit une certaine honte, mais restait sur son opinion de base :

— Mila, même avec toute la confiance que je te porte, je ne pense que tu aurais bien accueilli ce fait ! Tu sais, alors qu'ils ignoraient que je n'étais plus tout à fait humaine, les gens avaient peur de moi à l'époque où je travaillais avec mon Maître dans les charniers. Le simple fait que je sois au contact rapproché d'un fausse-personne me rendait effrayante. Quand j'allais chercher des provisions, ils me fixaient avec dégoût. Les commerçants ne prenaient même pas le temps de recompter l'argent que je leur donnais... Certains lavaient même les pièces... Plus vite j'étais partie, mieux c'était... Et si ce n'était pas la peur qui animait les gens, c'étaient, pour certains, les railleries salaces sur la nature de nos relations...
Après des années à être une paria, j'étais heureuse d'être presque normale à Irini... Lekan étant lui aussi considéré comme un monstre, c'était plus facile de m'ouvrir à lui... Concernant Maya, son odorat exceptionnel, indubitablement aiguisé par les années, a très vite décelé ce léger petit reste de l'odeur, si caractéristique des fausses-personnes, sur moi. Elle m'a confrontée, gentiment, mais fermement, sa grande sagesse lui a permis de prendre les choses avec pragmatisme. L'important pour elle était que j'avais aidé les siens et que je dirigeais la tribu de façon juste.
J'avoue que j'avais encore beaucoup de mal avec les humains, même si ceux de Fanelia ne me connaissaient pas... J'ai surtout travaillé dans la région sud de Freid, à la limite des terres connues... En arrivant à la capitale pour le grand rassemblement de réorganisation du pays après la guerre, j'étais mal à l'aise. Depuis que j'étais arrivée sur Gaea, je n'avais jamais vu autant de monde...
Parfois, j'entendais les habitants évoquer les fausses-personnes et le fait que la nouvelle loi du pays ne les considère plus comme des démons. Il était évident que cette mesure était encore plus décriée que le fait que je sois devenue générale, alors que je suis une femme. Alors, me taire me semblait, encore et toujours, la meilleure solution.
En fait, après avoir appris la vérité, je suis même étonnée que tu sois venue m'aider...

Après un silence, la grande brune donna un à-coup avec le peigne, faisant sursauter Yiris :

— Stupide fille ! Tu as osé douter de moi... Si je m'écoutais, je te mettre une bonne claque pour te remettre les idées en place !

On pouvait sentir l'amertume dans les propos. Perplexe, la blonde se tourna vers Mila. Son amie était en train de sangloter. Elle avait eu peur, très peur que sa chef meurt.
Incrédule, la générale murmura, embarrassée :

— Je suis désolée de t'avoir sous-estimée, sincèrement...
— Alors, ne me cache plus jamais rien ! demanda la tenancière en ravalant ses sanglots. Tu es ma meilleure amie, et rien ne changera jamais cela !

Après s'être essuyé ses larmes avec son coude, Mila tapota amicalement la tête de la blonde. Elles échangèrent des sourires complices. L'affaire était close, leur lien n'en serait désormais que plus fort !

Histoire d'alléger l'ambiance, la brune choisit délibérément de changer de sujet en lançant la discussion sur ce qu'elle considérait comme un véritable événement :

— Cela va être le grand soir pour toi ! Prête ?
— Oh, ça va, les principes, je les connais ! Cela fait longtemps que je dirige ton établissement, je crois y avoir tout vu... Et, ce que je n'ai pas vu, tu ne t'es pas privée de me le raconter !
— Ce n'est pas faux ! s'amusa Mila. Cependant, quand il s'agit de soi-même, c'est différent...
— Je ne suis pas sotte, je sais qu'il faut séparer le corps de l'esprit dans ce genre de situation !
— C'est quand même ton mari, tu devrais essayer de faire l'effort de l'aimer un peu ! Tu vas être sa Princesse jusqu'à la fin de tes jours, autant y mettre du tien pour que la cohabitation soit bonne !

Un soupir grincheux lui répondit, mais il en fallait plus pour la faire taire :

— Si on oublie tes balafres, tu n'es pas moche ! Bon, certes, un peu trop musclée, ton vice de la pâtisserie t'est un peu descendu sur les hanches, mais on trouve bien pire ! D'autant plus, qu'à part tes très légers plis au bord des yeux et les deux, trois cheveux blancs que j'ai aperçus en te peignant, que ta teinte naturelle cache habilement, tu fais très jeune. Personne ne te donnerait presque la quarantaine ! Je me rappelle que quand je t'ai vu la première fois, je t'ai prise pour une gamine plus jeune que mes débutantes !
— À t'entendre, je suis presque un bon parti... ironisa Yiris.
— Un bon parti, je n'irais pas jusque-là, cependant, tu as un indéniable petit côté exotique ! Tu te rappelles quand tu as débarqué au bordel avec ton acte de propriété ?
— Non, ne me parle pas de ça ! répondit la blonde, affligée, se cachant le visage entre ses mains.
— Ah si ! Je me rappelle, les filles voulaient vérifier l'authenticité du papier, alors que la plupart de ces gourdes ne sait pas lire... Je viens vérifier, et, quand je leur ai certifié que c'était bon, elles ont exigé...
— Que je me plie à la règle du jeu des nouvelles venues, même si ce n'était pas pour bosser ! Je remercie encore Maga, qui a lancé l'idée !
— Et bien, n'empêche que, quand tu t'es mise toute nue, tu as fait un sacré effet...
— Ô joie...
— Allez, à ce que je sais, ce n'est pas du dégoût qu'il y avait dans le regard de ton mari quand il se penchait sur toi, tout du contraire...

À ces mots, la générale haussa les épaules et soupira une nouvelle fois, agacée. Elle ne souhaitait pas relever la remarque.
D'autant qu'à y réfléchir, elle était fondée, l'expression tendre du Prince était loin de lui avoir échappé.

Cette fois, l'ancienne prostituée espérait avoir fait mouche et reprit son sermon :

— Alors, ne serait-ce que pour le remercier, fais un effort ! Mets-toi à ton avantage et montre que tu as une âme, bref que tu es un être humain, plus précisément, une femme ! Crois-en mon expérience, ce n'est pas en te comportant comme une de tes employées que ça va bien se passer...

Bien qu'ayant écouté, là encore, le conseil, Yiris resta muette et se contenta d'opiner légèrement de la tête en fermant les yeux. Mila n'osa pas insister davantage. Elle avait fait le tour de la question et il était clair que sa patronne était bornée et que tenter de la convaincre était vain.
Elle espérait juste que tout se passerait pour le mieux car, plus que la propriétaire de son bordel, Yiris était finalement quasi une petite sœur.

Dans le huis-clos de salle d'eau, il y eut, à nouveau, un silence pesant avant que la mariée se décide à reprendre la conversation :

— En parlant de ton expérience, je pensais à une chose !
— Quoi donc ? s'étonna la tenancière.
— Comme tu le dis, je suis une Princesse maintenant, et je pense qu'il n'est pas convenable qu'une Princesse soit gérante de bordel, n'est-ce pas ?
— Oui, probablement, mais où veux-tu en venir ? demanda Mila avec inquiétude.
— Depuis que j'ai gagné ton établissement, il y a presque dix ans, je me suis contenté d'empocher ma part et t'ai laissé tout gérer, ce que tu as fait avec brio. Par conséquent, j'estime que tu mérites d'être ta propre patronne, je te cède l'affaire à titre gracieux, j'établirai l'acte dès demain !

Le visage de Mila s'illumina d'un large sourire et quelques larmes apparurent au coin de ses yeux :

— Vraiment ?
— Crois-tu que je mentirais à une amie ? répondit Yiris, qui arborait, elle aussi, un large sourire.
— Merci, merci ! Alors, n'imite pas mes employées quand tu seras avec ton mari ! s'amusa la tenancière qui ne put s'empêcher de serrer sa future ancienne patronne dans ses bras.

Et, tandis que la prostituée à la retraite se répandait en remerciements, l'esprit de la nouvelle Princesse était ailleurs.

Calmement, elle essayait de se représenter ce qui l'attendait...

O~O~O~O~O~O

Notes de l'auteur : J'avoue que ce retournement de situation a été dur à concevoir. Je voulais vraiment quelque chose qui soit dans la logique et pas dans la seule émotion...
En effet, à la base, dans la première version scénario, Yiris devait mourir à ce moment, et son fantôme devait rester auprès de Folken. Cependant, au fur et à mesure que j'écrivais, je trouvais que le personnage avait énormément de potentiel, j'ai pris goût à la développer, pour, finalement, l'épargnée... Pour le moment...


O~O~O~O~O~O

Merci d'avoir lu ce chapitre ! Si vous l'avez apprécié, n'hésitez pas à commenter et partager !

Instagram @ahmavros

O~O~O~O~O~OMerci d'avoir lu ce chapitre ! Si vous             l'avez apprécié, n'hésitez pas à commenter et partager ! Instagram @ahmavros

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.
Escaflowne, Leur dernier rêveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant