Le Destin de l'Exilée

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Il est de ces êtres dont la fin est inéluctable, quel que soit le chemin pris. Quelle que soit la voie, quel que soit le choix. Ombre et lumière, héritage et conquête, à la fin, ces êtres disparaissaient. Ils ne marquaient pas l'histoire, et nul ne se souvenait d'eux. Ils étaient les dames dans les jeux d'échecs, pièces décisives dont l'on pense pouvoir se passer.

Elle savait qu'elle était de ces gens-là.

Ses pas guidaient le destin de trois royaumes, de trois peuples. Elle était soumise aux choix des autres, et, pourtant pièce maîtresse, ferait basculer dans la lumière le monde assombri par le dragon de Valla.

Les derniers mots de sa mère sur leurs origines, avant qu'elle expire doucement, sonna la fin d'une vie qui devenait vivable, après avoir fui – elle s'en souvenait, elle était alors si jeune – le dragon abandonné qui avait dévasté sa terre natale. Elle avait cru pouvoir trouver la paix dans cette terre hostile, où le Roi aimait sa mère, rencontrée alors qu'elle dansait, même s'il cumulait les concubines qui,convoitant le trône et haïssant Arete et sa fille, poussaient des enfants du haut de fenêtres.

Mais elle était sous la protection de sa mère, la Reine, de son père adoptif, le Roi ; et elle avait brusquement une fratrie un peu plus âgée qu'elle. Xander, Camilla, qui, curieux, tentaient de s'avancer vers l'exilée qui, encore sous le choc de son départ et effrayée par les concubines sanglantes, évitait les contacts.

Et Arete mourut. Cela fut-il la cause de la démence de Garon, ou, devinant qu'Anankos revenait et se saisissait de son esprit, avait-elle décidé de jouer contre le temps en mourant volontairement, donnant de précieuses informations, avant que son époux ne lui arrache le cœur ?

Elle fut alors seule, entourée d'inconnus, de femmes qui voyant le trône libre, souhaitaient l'éliminer comme les autres. Elle dut apprendre à survivre et, déchirée par le deuil, s'isola d'elle-même.

L'annonce de la mort du couronné ennemi ne la surprit pas ; pas plus que les yeux rouges et es mèches noires qu'elle réussit à entrapercevoir. Garon avait bien réussi son coup, assassinant Sumeragi pour s'emparer de son enfant – de l'enfant d'Anankos.

La surveillance autour des enfants royaux fut alors renforcée ; hors de question qu'Hoshido reprenne le petit prince, qui fut mis en secret à l'écart, dans une autre tour. Se doutant d'un coup similaire – Hoshido était réputé pour ses ninjas – la fratrie survivante fut mise sous étroite surveillance.

Sauf elle.

Fille d'Arete, cousine du fils d'Anankos – bien que celui-ci l'ignorât peut-être –, n'ayant aucun lien de sang avec le Roi, elle n'était pas importante. Alors, évidemment, seule et errant dans les couloirs froids du château, brisée par la peine, sans personne pour veiller sur elle, elle fut enlevée.

Mikoto avait beau présenter de grandes différences physiques d'avec sa sœur, Azura la reconnut sans mal, tant sa mère lui avait parlé d'elle. Et si elle fut soulagée d'être accueillie par une fratrie qui bien qu'attristée par la disparition de leur frère étaient prêts à l'accepter comme sœur, même si elle n'était pas prisonnière mais sauvée des couloirs sans fin et du rejet de Nohr, même si sa tante prit soin d'elle avec tant de tendresse que cela lui rappelait la sienne, elle se sentit seule.

Seule, parce que le peuple la refusait.

Seule, parce que sa mère était morte, et son cousin enlevé.

Seule, parce qu'elle et sa tante portaient en secret le lourd silence de Valla.

Le destin avançait vers elle, inéluctable, et si elle ignorait quelle forme il prendrait, l'idée de s'attacher à des êtres qui pouvaient lui être arrachés lui était insupportable. Elle préféra se tenir à l'écart, éviter Ryoma et ses tentatives, la gentillesse d'Hinoka ; seule Elise, si jeune, si naïve, parvint à se glisser sous son amure froide et incassable.

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