Sacré bordel !

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*Clac!*

Test...1, 2, 3...Test. *Clac!*

*Clac! Clac!*

Test...1, 2, 3...Test. *Clac!*

*Clac! Clac!*

Lundi 18 juin 2040, 9h00. Jour 1.

Cela fait maintenant deux mois que j'ai rejoint la capitale. Sans surprise, la déception ne s'est pas fait attendre. Paris est loin d'être la séductrice que l'on nous vend sur les cartes postales. L'insalubrité dandine un peu partout dans les rues. Le bruit incessant du trafic cajole mon ouïe quotidiennement. Et cet air pollué me file des migraines féroces, mais je n'ai pas le choix, je dois rester.

Ces trois derniers jours m'ont donné du fil à retordre. La partie n'a pas été des plus plaisantes entre le sommeil et moi, mais bon, tout est prêt. La collecte de témoignages et d'informations ont été d'une aide précieuse. Elle m'a permis de construire l'intrigue et les décors avec plus d'aisance. Toutefois, la création des personnages s'est avérée compliquée. Ce n'est pas dans mes habitudes, de sculpter à travers mon imagination, des physiques intangibles. Enfin, après un acharnement méthodique, j'ai fini par y arriver. Comme quoi, il ne faut jamais abandonner !

Une aventure palpitante commence ; la rédaction du roman. Je l'appréhende, mais au fond, je suis tout excité comme un jeune premier à qui l'on offrirait le rôle de sa vie ! La page blanche sur l'écran de mon ordinateur me reluque déjà avec un air narquois. Madame semble toute pimpante et sûre d'elle. Attends de voir, qui de nous deux, sera le plus conquérant d'ici quelques heures ! Je peux te dire que tu ne feras plus la fière, quand ta belle robe blanchâtre sera noircie par mes mots. *Clac!*

...

*Clac!*

Mais que m'arrive-t-il ? Les phrases ne veulent pas jaillir de mon esprit. Je me retrouve paralysé devant cet obstacle invisible ! Zut...Un blocage aussi rapide n'est pas de bon augure. Il faut que je me ressaisisse. Tout est dans la tête Yann, tout est dans la tête. *Clac!*

...

*Clac!*

Le néant continue de siéger sur l'ensemble de mes pensées. Monsieur a décidé de se prendre pour le roi...Argn ! Ce bougre m'exaspère ! J'abandonne pour aujourd'hui. Inutile de perdre des forces dans cette bataille. De toute façon, une ou deux heures de plus n'y changeront rien. Il faut que je prenne du recul. Pfff ! *Clac!*

...

...

*Clac!*

Mardi 19 juin 2040, 10h25. Jour 2.

La nuit est loin d'avoir été bénéfique et un torrent de questions me hante depuis hier soir. Et si je n'avais pas l'étoffe d'une plume glorieuse ? Et si mes épaules n'étaient pas assez larges pour supporter ce fardeau, pour accoucher seul d'un manuscrit qui se fait déjà pesant ? Me serais-je trompé de voie ? *CLAC!*

...

*Clac!*

Les syllabes et les consonnes s'entrechoquent sous mon crâne. Il y a comme un embouteillage qui ne veut pas se résorber. Je n'y arrive pas. Mais que faire ? Que faire ??...Hmm...D'autres avant moi sont passés par là. S'ils avaient échoué, aucuns livres ne se trouveraient dans nos bibliothèques...Eurêka ! Il faut que je fasse des recherches sur le web ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé avant ? *Clac!*

...

*Clic! Clic! Clic! CLAC!*

Foutaises ! Foutaises ! FOUTAISES ! Toutes ces solutions de charlatans ne sont qu'un ramassis de conneries inutiles ! J'en ai essayé une bonne dizaine depuis tout à l'heure et aucun résultat, même pas une phrase ! Seulement une perte de temps considérable ! *CLAC!*

...

...

*Clac!*

Jeudi 21 juin 2040, 14h00. Jour 3.

Impossible de faire front à cette page depuis deux jours. Elle m'effraie. Je n'ose même plus poser le regard dessus, elle me viole l'esprit à chaque fois. Mais d'un autre côté, elle m'obsède inlassablement. Comment est-ce possible ? Comment a-t-elle fait pour prendre le dessus psychologiquement sur moi ? Ai-je un problème Docteur ? *Clac-Clac! Clac!*

...

*Clac!*

Impossible de résoudre ce mystère. Arf ! Peut-être que cela vient du sujet traité ? L'histoire d'une jeune prostituée, travaillant dans cabaret bordel et qui tombe éperdument amoureuse d'un officier de la Wehrmacht, ne doit pas être dans mes cordes. J'ai sûrement voulu prendre du galon trop vite...Ou alors, une peur insoupçonnée serait la raison de ce mal être ? Mais laquelle ?...Celle de ne pas réussir à retranscrire une époque que je n'ai guère connu ? Je ne sais plus...*Clac!*

...

*Clac!*

Il ne manquait plus que ça. Maman vient de rendre l'équation plus complexe. Elle veut me rendre visite ce week-end. Ah là la ! Je n'ai pas besoin de cette pression inutile. Même si cette petite chambre de bonne lui appartient, même si sans elle, je ne serais pas là, à essayer de réaliser mon rêve. Je n'ai rien à lui soumettre, même pas un début de quelque chose. Pfffff ! Cela ne va pas être possible. *Clac!*

...

...

*Clac!*

Vendredi 22 juin 2040, 17h00. Jour 4.

Les ténèbres poursuivent leur festin. Elles dévorent, morceau par morceau, mon âme tourmentée. Qu'ai-je fait pour mériter ça ? S'il vous plait, que quelqu'un me vienne en aide ! Que quelqu'un me guide vers cette lumière libératrice ! Je n'en peux plus ! J'ai retourné, mainte et mainte fois, la question dans ma cervelle, mais la réponse m'échappe. Je vais finir par disjoncter ! *CLAC!*

...

...

*CLAC!*

Oh mon dieu ! Nous sommes envahis ! LES BOCHES MARCHENT SUR PARIS! Mon dieu...C'est la fin ! Je ne veux pas mourir...Je suis trop jeune ! Laissez-moi plus de temps ! Je n'ai encore rien vu de la vie. *CLAC!*

...

*CLAC!*

Quelqu'un me reçoit ? Allo ?...Répondez ! Il y a quelqu'un ? Tango Charlie Bravo, répondez merde ! La situation est critique...Je répète, la situation est critique !... Ça va aller mon ami, pas de panique. Ils vont t'envoyer des renforts ! *Clac!*

*CLAC!*

Une marée de soldats déferle dans la rue. J'entends les clous de leurs brodequins battre le pavé, accompagnés de chant victorieux allemand. Cette musique est horrible !...Nous sommes perdus ! Fin de transmission. *Clac!*

...

...

*Clac! *

Lundi 25 juin 2040, 13h00. Jour 5.

Waouh ! Quel moment de solitude. Cette transe m'a effrayé. Je n'avais jamais connu cela auparavant. Heureusement, aucunes armes ne se trouvaient dans la pièce. Je n'ose même pas imaginer la tournure qu'auraient prises les choses...Enfin bref ! N'en parlons plus...

Je suis allé me balader samedi dans une ville libre, histoire de me changer les idées. Au cours de mon escapade, une affiche m'a tapé dans l'œil. Pour les cents ans de l'Occupation, un milliardaire Russe, fasciné par les maisons closes d'autrefois, a recréé le célèbre One-two-two. Évidemment, mon amour pour cette période a eu le dernier mot et j'ai succombé à la tentation.

J'étais en train de visiter la chambre des supplices, quand un flot de phrases commença à submerger mes pensées. À ce moment là, je me suis dit « alléluia », la solution vient de pointer le bout de son nez. Discrètement, mon téléphone a capturé la magie de l'endroit.

Après plusieurs coups de fils, quelques commandes express, les ouvriers sont arrivés dimanche matin pour transformer ma pièce en chambre des supplices. Eh oui, une solution différente pour chacun. Quelle ironie n'est-ce-pas ? Depuis, on ne m'arrête plus, les feuilles se font maculer les unes après les autres. Ah ! Sacré bordel ! *Clac!* 

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⏰ Last updated: Feb 14, 2019 ⏰

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