Chapitre 17

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Après avoir refermé la porte d'entrée, les larmes me montent aux yeux. Je sens mon cœur battre violemment contre mes côtes, comme s'il essayait de fuir cette souffrance. Je lâche lentement la poignée, m'avance jusqu'à sortir de son jardin, puis sans réfléchir, m'enfuis à toutes jambes.

Mon rythme cardiaque, auparavant saccadé, ne tient pas plus de vingt mètres. Rapidement, je ne distingue plus les détails de ce qui m'entoure, uniquement des formes vagues et des couleurs floues. J'entends le sang battre à mes tempes et ma tête me semble de plus en plus lourde. Mon corps tout entier me fait atrocement souffrir, comme si chacun de mes membres pouvait se détacher à tout moment. Pourtant, je ne m'arrête pas. Je continue de courir, le plus vite possible.

Le vent me glace le visage, crispé de douleur. Je cours encore et encore, pendant ce qui me semble être une éternité. Une fois arrivée chez moi, je découvre la maison vide. Mes parents ne sont pas encore rentrés. Essoufflée, mon dernier effort consiste à rejoindre ma chambre. Je me laisse tomber sur le sol, adossée à mon lit. Je fixe pendant un long moment le mur qui me fait face. Ma précédente course m'a donné le tournis et je ne parviens pas à reprendre mon souffle. Un sifflement étrange s'échappe de ma bouche, que je m'efforce de maintenir ouverte, pour inspirer le plus d'air possible. J'entends encore les battements de mon cœur épuisé qui résonnent dans mon crâne.

De longues minutes s'écoulent. Je n'ose pas bouger, tant chaque partie de mon corps me fait mal. Je ferme les yeux, espérant que la douleur puisse s'atténuer rapidement. Mais à peine ai-je clos les paupières qu'une image épouvantable refait surface : le visage de Laure, crispé, et ses yeux qui me fixent avec tant d'animosité.

Je chasse cette image, en proie à la panique et à l'angoisse : qu'ai-je fait ? Laure me déteste-t-elle ? Pourrais-je lui reparler un jour ? Veut-elle seulement encore de moi ? À cette idée, la constance de mon rythme cardiaque s'effondre, et ses battements alarmés reprennent, plus vigoureux qu'auparavant. Mon corps ne tient plus assis et je m'effondre lamentablement sur le sol, les mains jointes sur ce cœur qui me fait tant souffrir. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, mais c'est si douloureux que je donnerais n'importe quoi pour que cela cesse. C'est sans doute cette épouvante qui me plonge dans cet état. Mon cœur est bien trop faible pour pouvoir supporter le rythme que lui impose mon angoisse. Et pourtant, lorsque j'essaie de me calmer, les mots et les expressions de Laure me reviennent et ne font qu'empirer la situation.

Les larmes redoublent d'intensité et coulent abondamment sur mon visage. La souffrance est insoutenable. Soudain, tout s'acharne sur moi : de notre dispute à mon évanouissement imminent, en passant par ma culpabilité et mes remords, je succombe lentement. L'air me manque. Le sang bat à toute allure dans mes tympans. Les larmes m'inondent peu à peu. Il n'y a personne à la maison. Il n'y a personne pour me sauver. Dans une ultime tentative pour reprendre mon souffle, j'expire longuement, au fur et à mesure que je me sens tomber dans le néant.

Je me redresse en sursaut. Convaincue d'être morte à l'instant, sur le sol de ma chambre, je cherche un quelconque repère autour de moi. Ma pression retombe lorsque je constate que je n'ai pas quitté mon point de départ, si ce n'est que je suis désormais dans mon lit.

Je frotte mon visage avec mes mains, pour m'assurer d'être bien réveillée. Je remarque alors un tube, qui sort de mon bras gauche et rejoint une poche perfusée. Sans doute du fer. Le médecin avait donc déjà informé mes parents du matériel nécessaire à ma survie. Je m'indigne d'apprendre que l'on m'a injecté le contenu de cette perfusion, pendant ma brève absence, sans mon consentement.

Je tourne la tête vers mon réveil : "brève" n'est peut-être pas si approprié, puisqu'il est déjà vingt-trois heures. Mes parents ont dû me retrouver évanouie sur le parquet, lorsqu'ils sont rentrés. Je suppose qu'ils sont en train de dormir maintenant. Aussitôt, j'arrache la perfusion de mon bras, décidée à prouver l'inutilité de ces précautions. Je me lève de mon lit, sans aucun vertige. La perfusion de fer m'a peut-être un peu aidée, finalement. Je découvre alors une assiette de salade sur mon bureau. Un petit mot de ma mère m'invite à la manger et à la réveiller si jamais je me sens mal.

Je souris devant tant d'attention, avant de m'alimenter convenablement. Une fois mon repas fini, je me change et retourne sur mon lit. En entrouvrant les rideaux, j'aperçois le ciel nocturne, parsemé de timides étoiles. En admirant un tel tableau, je repense à Laure et les souvenirs de notre altercation me reviennent à l'esprit. Je me mords la lèvre inférieure pour éviter que les larmes ne tombent, et que la douleur ne reprenne le dessus. Je saisis mon téléphone, et l'allume, le cœur empli d'espoir.

La désillusion me rattrape, lorsque je me rends compte que je n'ai aucun message ni aucun appel manqué. Laure n'a pas cherché à me joindre. Elle ne m'a même pas demandé si j'étais bien rentrée, comme elle le fait toujours. Est-ce réellement fini ?

Devant cet écran vide, je me mets à pleurer silencieusement. Des larmes viennent s'effondrer sur mon téléphone et sur mes vêtements. Je jette l'appareil à l'autre bout de mon lit, reniant la triste vérité. Je n'ai pas envie qu'elle me déteste. Je ne veux pas qu'elle soit fâchée contre moi. Je voulais seulement lui expliquer qu'elle ne peut pas rester seule toute sa vie. Pas à cause de moi.

Mes pleurs redoublent lorsque je repense au regard qu'elle m'a lancé, tandis que j'essayais de me justifier. Elle ne voudra jamais m'écouter. Mais je refuse d'abandonner notre relation : elle m'est trop importante, trop précieuse. Et trop vitale. Que devrais-je lui dire ? Il s'agit de ne pas réitérer les mêmes erreurs. J'essuie rapidement les larmes qui s'écoulent encore de mes yeux, réfléchissant sérieusement. Il faut simplement qu'elle parvienne à tourner la page, une fois que je ne serai plus là. Bien sûr, à sa place, je serais vexée qu'elle puisse penser que je l'oublierais aussi rapidement. Comment lui faire comprendre mes convictions et ma demande, si je ne parviens qu'à la blesser ?

Plusieurs heures ont passé et ma décision est prise : je m'empare de mon téléphone, immobile depuis sa chute, remarquant que je n'ai toujours aucun message. Il est presque deux heures, mais je suis parfaitement réveillée. Prenant mon courage à deux mains et malgré mes doigts tremblants, je lui envoie une simple phrase qui, je l'espère, pourra nous permettre de régler nos différents :

— Désolée de te contacter si tard. J'ai besoin de te parler.

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant