Artus de Quillien

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               Au mois de Mars de l'an 1208, sous la bienveillante protection de notre Seigneur et l'autorité de sa sainteté le pape Innocent III, entre les murs vénérables de l'abbaye saint Georges, s'est déroulé, secrètement, le procès de ces saintes reliques. Au tribunal, composé d'éminents pères de l'Eglise dont je tairai les noms, fut confiée la tâche délicate de découvrir leur exacte nature et pourquoi elles bouleversèrent à ce point la vie du paisible comté de Quokelünd. Ce procès mettait un terme aux treize années d'enquête qui avaient conduit votre humble narrateur sur les traces macabres des restes sacrés du célèbre ermite. Pacôme est le moine égyptien qui fonda les premières communautés chrétiennes vivant dans le désert selon une règle stricte. Au cours des auditions, il est apparu de manière irréfutable que, si la responsabilité des hommes était clairement engagée, il convenait de les juger à hauteur des efforts déployés dans le but de provoquer leur chute. J'ai mené d'un bout à l'autre ce procès qui démontra , si besoin était, la présence parmi nous, du mal et de ses effrayants pouvoirs. L'accusation a tenté, grâce aux dépositions des témoins et aux précieuses investigations de son enquêteur général d'établir dans quelle mesure il y avait eu commerce volontaire avec celui dont la plus grande prouesse est de réussir à faire croire qu'il n'existe pas. 

              Le 16 mars 1208, en ouverture du procès et devant le très saint tribunal ecclésiastique, je fis lecture du carnet d' Artus de Quillien, témoignage essentiel, retrouvé un an plus tôt sur son corps sans vie :

  « Cette confession a été écrite de la main d'Artus de Quillien, fils de Meinfelin de Quillien et d'Ermengarde de Hautclair. Elle m'a été remise par Floriane de Quillien qui la trouva sur le corps de son cousin lorsqu'on le lui apporta. Je tiens à préciser que la damoiselle ne pourra malheureusement pas témoigner au cours de ce procès. En effet, elle est morte de chagrin dans les semaines qui ont suivi le décès du jeune Artus. A aucun moment il ne précise quand il trouva le temps de rédiger ce récit ni pourquoi il le fit. Il est en revanche certain qu'il en acheva la rédaction, souvent naïve, le jour de sa mort. J'ai trouvé au château de la famille de Quillien des lettres qui authentifient ce précieux document. En outre, il cite des éléments que seul un héritier de cette puissante lignée pouvait connaître, comme l'existence de cachettes ou de passages secrets dans le château qui a appartenu à sa famille. Je précise, au tribunal, que tous les faits rapportés dans ce manuscrit, aussi troublants et effrayants qu'ils paraissent, sont incontestables. Ne vous méprenez pas, derrière le récit complaisant et souvent maladroit du jeune Artus se cache, ce que la plupart des mortels oublient trop facilement, le mal et ses jeux obscurs. Avant d'entreprendre cette lecture, je voudrais souligner l'importance des jugements qui seront rendus à l'issue des auditions. Les allusions aux croyances et rites paganistes qui survivent dans les campagnes et au cœur des villes démontrent, plus que jamais, le rôle exemplaire d'un tel procès. Au moment où l'hérésie languedocienne vient de prouver sa virulence en assassinant lâchement le légat, Pierre de Castelnau, il est de notre devoir de montrer la plus grande fermeté.



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⏰ Last updated: Dec 17, 2018 ⏰

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