~ Chapitre 2 ~

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Quelques années plus tard
11 août 1961

-À demain ! déclarai-je en ouvrant la porte de la boutique, sans attendre de réponse en retour.

Le soleil caressa doucement mon visage et je pris une grande respiration avant d'emprunter le chemin vers l'école de mes enfants pour les ramener à la maison.

Les klaxons des voitures et tous ces gens qui circulaient dans les rues en parlant formaient un brouhaha joyeux et dynamique.

C'était une belle ville. Pleine de charme, de nouvelles technologies dans tous genres, de jeunes familles comme la nôtre et de services, Berlin nous avait permis de bâtir une vie meilleure et de nous installer confortablement dans notre chez-nous.

-Marie !

Je fît volte-face en reconnaissant la voix de ma meilleure amie Diane. Maman de deux enfants, elle était presque notre voisine et nos enfants fréquentaient la même école, son garçon le plus âgé était d'ailleurs dans la même classe que Julianne.

Toujours parfaitement maquillée et habillée comme si chaque jour était une occasion spéciale, Diane me faisait souvent rire par son tempérament expressif et sa ténacité. Elle ne se gênait pas pour dire ce qu'elle pensait et montrer ses émotions.

Un peu le contraire de moi, au fond.

-Salut, souris-je alors qu'elle me collait un bisou sur la joue, laissant probablement une marque de rouge à lèvres imprimée sur ma peau.

-Tu ne devinera jamais ce qui ce passe, déclara-t-elle alors que nous nous mettions à marcher, nos souliers claquant sur le pavé de pierre.

-Le beurre a encore augmenté de prix ?

Elle ignora mon commentaire.

-Tu sais la cuisinette qui était à vendre et que j'étais supposée aller acheter ce matin ?

-Mmh mmh, répondis-je distraitement en remarquant de l'agitation plus loin dans la rue.

-Le propriétaire l'avait vendu à quelqu'un d'autre ! se scandalisa-t-elle. Sa justification c'était que l'autre avait un meilleur prix.

Elle leva les yeux au ciel puis dirigea son attention sur moi.

-Tu m'écoutais ?

Elle suivit mon regard et fronça les sourcils en remarquant la même chose que moi. Il y avait une bagarre entre deux hommes. Visiblement, c'était des hommes venant du côté Est de la ville et qui venait tout juste de passer la frontière avec toute cette foule qui entrait presque constamment à cet endroit du quartier pour passer les douanes.

Depuis quelques années, de grandes vagues de population venant du côté Est de la ville se déversait chez nous. Ils transportaient leurs valises, leurs biens dans des charrettes ou dans des voitures s'ils en avaient. Tout ça pour fuir les conditions misérables de leur ville.

Thomas allait régulièrement livré de l'autre côté de la ville et m'avait quelque fois parlé des différences entre les deux parties de Berlin. Depuis quelques temps cela semblait un peu plus en ébullition et les gens qui quittaient Berlin Est étaient de plus en plus nombreux.

-Ils sont tous devenus fous de l'autre côté, murmura Diane en secouant la tête.

-Ne dis pas ça, l'implorai-je en regardant la police venir séparer les deux hommes. Nous ne savons pas par quoi ils sont passés ou qu'est-ce qui leur arrive présentement.

Diane hocha la tête tandis que nous empruntâmes une rue à notre droite.

-C'est vrai, mais il faut tout de même avouer que toute cette mobilisation de masse vers notre partie de la ville commence à être problématique.

-Comment ça ? demandai-je en fronçant les sourcils.

-Parce que Berlin Est est en train de se vider de toute sa population et que nous sommes en train d'exploser. Les prix des logements à augmenté en flèche depuis l'année dernière.

Je hochai le tête tandis que nous arrivâmes devant la cours de récréation clôturée.

-Oui c'est vrai j'en ai entendu parlé.

Nous changeâmes de sujet dès que nos enfants virent nous trouver et que nous repartîmes à la maison.

Je souriais en voyant nos enfants trottiner en avant et bavardant gaiement de leurs petites voix d'enfant. Je pensais à comment nous étions chanceux d'habiter dans des conditions aussi belles, surtout après toutes les épreuves que nous avions vécues.

Nous rentrâmes à la maison après avoir salué la petite famille de Diane et je préparais le repas tandis que que Rachel, Julianne et Félix faisaient leurs devoirs. Avant que le repas ne soit prêt et que le soleil se couche, j'envoyais mes trois enfants jouer dehors un peu pour leur permettre de dépenser un peu d'énergie et je m'installais dans le salon pour profiter de quelques minutes de repos.

La porte d'entrée s'ouvrit et je tournais la tête, surprise de voir Thomas. Un sourire pris place sur mes lèvres tandis que je fronçais les sourcils, étonnée de le voir arriver si tôt.

-Bonsoir chérie, souris Thomas en se penchant vers moi pour m'embrasser.

-Bonsoir, murmurai-je encore sous le charme de mon mari.

Il posa ensuite ses lèvres sur mon front en un baiser chaste.

-Tu rentre tôt aujourd'hui, remarquai-je, voulant en savoir plus.

Il se débarrassa de son manteau et de ses bottes en soupirant légèrement.

Demain nous irons livrer dans les secteurs les plus au nord de Berlin. Je suis envoyé avec deux collègues pour passer deux jours sur les routes.

-Tu ne rentreras donc pas demain soir ? demandai-je en me levant et en croisant les bras, une pointe de tristesse dans la voix.

Pour toute réponse il s'approcha de moi et m'empoigna par les épaules en cherchant mon regard.

-Tu vas me manquer, murmura-t-il comme pour me montrer que lui aussi n'était pas enchanté à l'idée de partir.

-Toi aussi tu me manqueras, dis-je en caressant sa barbe naissante.

Il me fit un sourire sincère qui fini par me rassurer complètement, qui me fit chaud au cœur. Il me fit ensuite un clin d'œil.

-On pourra fêter à mon retour ? demanda-t-il d'une manière espiègle qui me faisait encore autant rougir.

Ses mains descendirent sur mes hanches et il colla nos bassins tandis que je posais une main sur son torse et une autre dans sa nuque.

Ses lèvres chatouillèrent les miennes tandis que j'haletais pour qu'il se penche sur moi pour m'embrasser, le suppliant du regard.

-Je suis d'accord pour une petit fête, murmurai-je en souriant et en scellant ma bouche avec la sienne tandis qu'il serrait ma taille entre ses mains calleuses.

Je fis dévier mes lèvres sur sa joue, puis sa mâchoire, avant d'embrasser délicatement son cou, le faisant fermer les yeux brusquement.

-Pourquoi n'en ferions-nous pas une avant et une après mon départ ? suggéra mon mari en descendant ses mains plus bas que prévu sur ma taille et en grognant sous mes baisers maintenant tout prêt de sa clavicule.

-Je suis encore plus d'accord.

La fille à l'écharpe rouge - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant