Partie 2 - Tornade.

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J'entends encore nos rires à l'unisson, nos vieilles musiques en arrière fond, et Maman qui nous disait d'arrêter de rire si fort et de courir partout : «Arrêtez les enfants vous allez réveiller votre père il a travaillé toute la nuit !». Un souvenir lointain pour me rappeler que même tous les efforts que j'ai pu faire dans ma vie pour oublier cet abandon, la planète entière me le remémorera. Chaque pas, chaque visage, chaque odeur me rappelle cette femme si proche de moi mais qui, aujourd'hui est devenue une étrangère à mes yeux. Je me souviendrai toujours de cette excursion à Paris. Maman nous y avait emmené ma sur et moi pendant les vacances scolaires, j'avais 8 ans et ma sur 10. Je venais d'avoir une semaine de contrôles éprouvants et ma sur avait été malade pendant huit jours. L'air frais de Paris nous avait fait le plus grand bien. Nous avons longé l'avenue des Champs-Elysées et une fois arrivés devant l'Arc de Triomphe, Maman nous a proposé d'y monter pour admirer la vue. Quelle douce journée ! Papa était parti à Londres pour le travail et nous avait laissé seuls avec Maman. C'était la raison de notre escapade à Paris. Je songerais toujours à cette journée avec amertume. Maintenant que j'y repense, elle avait l'air heureuse tout en paraissant triste et nostalgique. Maman avait passé cette dernière journée avec nous pour essayer de déculpabiliser de ce qu'elle s'apprêtait à faire: délaisser ses enfants. Les livrer à eux-mêmes, les abandonner sans se demander quelles en seront les conséquences, partir sans même se sentir coupable. Je revivrais toujours ces matins où elle me laissait peigner ses cheveux, si doux, dont se dégageait cette odeur... Cette odeur de bonheur. Au fil du temps je me demande si ce bonheur n'était pas simplement une carapace qu'elle s'est forgée pour ne plus souffrir. Avait-elle envie de plus ? Peut être qu'elle ne voulait pas d'enfants, c'est vrai après tout, elle voulais toujours plus , elle était très ambitieuse. Elle rêvait de percer dans le monde de la peinture. Elle est peut être partie pour vivre de sa passion. Quand elle s'installait devant son chevalet, tout le monde disparaissait autour d'elle, comme si elle était dans un monde parallèle, comme si il n'y avait qu'elle, sa toile, sa peinture et ses pinceaux. Elle et seulement elle. Qu'est ce qu'elle était belle quand elle peignait ! Je m'installais par terre, et je la regardais, je guettais ses longs cheveux noirs et bouclés danser à chaque coup de pinceau. Ses mains fines et délicates, étaient couvertes de peinture. Elle chantonnait un air qui m'était inconnu. Peut-être l'avait-elle composé ? Son visage, si lumineux au quotidien semblait se déchirer dès lors qu'elle peignait. Ses sourcils froncés, son nez crispé et ses lèvres pincées laissaient paraître une grande souffrance. C'était une autre femme que je découvrais alors. Ce n'était plus ma Maman c'était une magnifique femme qui avait l'air de souffrir, j'ai mis des années à le comprendre. Son visage, qui était extrêmement doux habituellement était peint par la douleur, la souffrance et la nostalgie. Elle n'a jamais voulu d'enfants. Je suis un poids mort à ses yeux. Elle pouvait feindre le bonheur mais elle ne pouvait pas contrôler son visage lorsqu'elle maquillait sa toile vierge. Blanche. Pure. Certaines fois, je me demande si ma Maman a réellement joué son rôle de mère. Ne rêvait-elle vraiment que de sa peinture ? Quand elle est partie, elle a tout emporté. Tout sauf les souvenirs de nous quatre. Tout son matériel de peinture. Elle a déguerpi et elle nous a laissé derrière elle. Tous autant que nous sommes. Des enfants abandonnés de plein gré par la femme qui les a mis au monde, qui les a élevés, avec beaucoup de pleurs, de cris, mais le plus important c'est l'amour qu'on lui a donné. L'amour qu'on pensait recevoir, il n'est redevenu que poussière. Une poussière emportée par le vent. Un vent fort et violent. Nous avons été victimes d'une tornade appelée Marie. Et cette tornade a détruit nos vies, la mienne comme celle de ma sur, ma chère sur, Amandine. Amandine a posé ses mains sur mes hanches et m'a gentiment repoussé. Un inaudible «Tu m'a manqué» est sorti de sa bouche. Ses joues sont devenues rouges, elle a baissé la tête et m'a demandé avec un air plus sûr si j'avais pris mes médicaments. Avec un air plus que convaincu, je lui ai répondu que oui. Bien sûr, je suis le seul à connaitre la vérité. Elle m'a emmené dans ma chambre, et m'a dit qu'on allait manger dans une demi heure. Fatigué par cette journée, je me couche sur le lit et je m'endors. Je me réveille en sursaut car Amandine m'a appelé pour dîner.

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⏰ Last updated: Nov 11, 2018 ⏰

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Maman es-tu là ?Where stories live. Discover now