Dear Cecil - Bonus [GMO-Project -Next Gen]

Dear Cecil

  Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis que Cecil s'en était allé. Plusieurs jours durant lesquels, ils n'avaient cessé de le chercher. Cecil reposait en paix, mais le quotidien de ses proches lui, continuait.
À chaque fois que Camille pénétrait dans le salon, sa gorge se serrait et son regard voguait, à la recherche du sien. De ses iris vert menthe toujours éveillés qui venaient à sa rencontre. De ce sourire, présent, dans le meilleur comme dans le pire, et de cette étreinte affectueuse qu'il avait l'habitude d'offrir.

Camille s'approcha du sofa, l'observa et s'assit lourdement. Il caressa le coussin qui se trouvait à ses côtés : c'était son préféré. Une vieille loque sans forme et avec une couleur indéfinissable, qui traînait depuis plus de vingt ans sur leur canapé et que Cecil avait adoptée. 
Tout en le touchant, Camille fut projeté vingt-trois ans en arrière. Une journée qu'il n'était pas prêt d'oublier. Il se souvenait de tout. De l'orage qui avait éclaté dehors, de sa maladie qui le rongeait sans qu'il ne puisse véritablement imaginer ce qui se tramait, de cet homme qui resurgissait... 
Kain. Cette beauté froide et imprévisible qui l'avait charmé, puis abandonné. Et qui revenait comme si de rien n'était après des mois de silence.

Camille se souvenait de ce baiser passionné, de leur souffle entremêlé et des promesses scellées. Puis, de ce cri qui les avait stoppés. Ce miaulement désespéré, ce petit être qui avait déchiré la boîte qui le contenait. Cecil était arrivé.
Il avait été une bulle de bonheur et de douceur à une période difficile. Et c'est grâce à sa présence, celle de Kain et de leur amour, que Camille avait lutté.

Puis, un an plus tard, il y avait eu cette étrangeté. Cette expérience, ce remède qui lui avait donné les traits d'un homme, un vrai. Cadeau du ciel ou de la science, ils avaient dû dompter et éduquer ce félin désormais humain. Camille se rappelait des heures passées à lui apprendre les bonnes manières, dont certaines n'étaient jamais véritablement entrées. Cecil était devenu leur fils, avant que Kaeden ne vienne agrandir la famille quelques années plus tard. À cette époque, Camille avait imaginé Cecil jaloux et possessif, mais il n'en était rien : il avait accueilli le nouveau-né et avait pris son rôle de grand-frère très au sérieux.

Mais quelque chose était arrivé. 
Quelque chose que ni Kain, ni Camille n'avaient prédit. Un élément perturbateur qui avait eu des conséquences énormes dans leur vie : l'amour. 
Cecil s'était épris d'un ami proche de Kain, un homme de quelques années son aîné qui avait succombé à son sourire enjôleur et sa candeur. Et Leeroy Barton l'avait aimé comme on aime une véritable personne. De tout son cœur, de toute son âme. Avec lui, Cecil s'était senti humain et non pas rabaissé au rang d'animal de compagnie. Il s'était laissé porter par leur passion, imaginant une vie à ses côtés, alors que sa famille implosait sous le poids des disputes, Camille refusant une union qu'il jugeait déséquilibrée.

Et un drame s'était produit.
Des mots qui avaient dépassé une pensée, un être accablé avec des envies de fuguer et une voiture avec un conducteur en état d'ébriété. L'accident avait eu lieu un soir d'été à quelques rues de là où la famille habitait.
C'était Kain qui l'avait trouvé, sous son apparence de félin, grièvement blessé et abandonné. Le diagnostic vital avait été engagé et il avait fallu plusieurs semaines avant que Cecil n'ouvre de nouveau les yeux et reprenne sa forme humaine. Et lorsque ce fut le cas, le traumatisme lui avait tout volé : son apprentissage, ses souvenirs, son aimé. 
Leeroy avait alors décidé pour le bien de tous de s'éloigner et de recommencer à zéro. C'était peut-être un signe du destin qui tentait de les séparer.

Et puis, les années s'étaient écoulées.
Camille, Kaeden et Kain avaient fêté de nombreuses célébrations. Anniversaires, Thanksgiving, Halloween, Noël et tant d'autres. La petite famille vivait dans un quotidien routinier, ou rire, bonheur et amour se superposaient. 
Tout aurait pu continuer ainsi. Mais la vie... 
La vie était imprévisible. C'était ce qui la rendait belle, mais terriblement cruelle.
Leeroy s'en était allé. 
Puis, Cecil avait suivi peu de temps après.

Aujourd'hui, tandis que Camille serrait ce coussin que son fils adoptif adorait, il repensait sans cesse à son sourire, à ce qu'il lui avait apporté et à cet amour qu'il ne pourrait plus jamais lui donner. Et alors qu'il croyait avoir déjà tant versé, ses larmes coulaient encore face à cette dure réalité. 
Il l'aimait. Et ce, à jamais. 
Et il espérait que, où qu'il soit, il demeure heureux et en paix.
Avec peut-être, l'homme qu'il aimait à ses côtés.
Pour l'éternité.