Chapitre VII - Jeux de pouvoir

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Les partisans de la République prenaient toujours un plaisir maladif à l'écraser à la moindre occasion.

L'opulent Jason une figure de proue du Ministère de l'industrie se présenta devant lui, le toisant avec mépris. Le visage parcouru de tics nerveux, il ré-ajusta ses lunettes, essuya quelques gouttes de sueur sur son front plat et pointa une bedaine flasque vers Armand en lui balançant sous le nez un calepin rempli d'écrits et de dessins d'art maladroits. Sa femme Prya une hindoue à la peau café au lait et au yeux de biche se tenait à l'écart avec indifférence.

«Alors l'Artiste on se tient à carreaux?» lui demanda-t-il le sourire goguenard en lui indiquant du doigt la page qui devait porter un autographe à son intention.

Armand lui souri légèrement et répondit calmement «Du moment que les Aigles paient mes factures...»

Le poing de Jason se resserra violemment. Le regard dur il se tourna vers sa femme et la salle en disant à voie haute «Ah les Artistes... Si cela ne tenait qu'à moi vous travailleriez tous à la chaine en usine. Vous en avez de la chance Armand.»

Armand se leva le regard fermement ancré dans celui de Jason et lui demanda froidement «Essayez vous toujours d'écrire de votre mieux Jason? Un travail de fonctionnaire bureaucrate doit vous laisser suffisamment de temps pour essayer de vous améliorer j'imagine ?»

Suzanne leur lança un regard tendu. Jason était blême de rage. Armand lui dédia un sourire fatigué et se rassit en buvant une gorgée de Champagne.

Une voix mélodieuse de femme se fit entendre derrière Jason. «Un Républicain du calibre de Jason aurait tord de se priver d'un hobby ou deux. Vous faites du beau, du très beau travail Jason, sans vous l'Empire ne tiendrait pas. Nous pourrions peut-être organiser des sessions privées avec Armand pour vous permettre de vous amuser avec l'écriture un peu plus souvent ? »

C'était Esther, la venimeuse Esther. Milliardaire, présidente de la Confédération des Diamantaires d'Amérique du Nord elle était l'ennemie jurée d'Armand.

Élégante, le port hautain, elle tenait sa tête de blonde platine au dessus d'Armand un sourire froid lui figeant le visage. Elle saisit le verre d'Armand et y trempa les lèvres en le fixant d'un regard dur. « Du Champagne pour l'écrivain dépressif mais où va la République ? » dit-elle.

« Esther, quelle surprise ! » répondit Armand.

« Armand ! c'est toujours un plaisir de vous revoir. Vous avez mauvaise mine mon cher. L'air de la montagne vous ferait-il du mal ? »

Elle avait essayé par tous les moyens en son pouvoir d'obtenir son incarcération en institution psychiatrique. Si ce n'avait été pour l'aide de Simon et d'autres de ses supporters Armand aurait fini en bête de laboratoire lobotomisée à la merci totale du sadisme de ses assassins.

Armand haussa les épaules désinvolte et répondit « Ce ne sont pas tant les montagnes que les vipères qui s'y abritent. Des gloutonnes prétentieuses qui tendent à vouloir digérer des proies bien plus grandes qu'elles faute de pouvoir accepter leurs vies minablement basses au ras de la poussière. »

Esther le fixa d'une haine intense. Suzanne s'empressa de mentionner le mécontentement des invités qui patientaient dans la file d'attente derrière Jason.

Esther ignora Suzanne, fit mine de pivoter les talons avec indifférence et lança à voix haute faisant face à la salle « Vous êtes fou Armand mais un fou charmant. Vous m'amusez. »

Suzanne se tourna vers Jason et lui demanda d'une voix douce s'il en avait terminé avec sa séance d'autographe. Jason sous le charme des yeux bleus limpides de Suzanne bafouilla une excuse rapide et quitta la table sans même regarder Armand. Suzanne expédia promptement le reste de la file d'attente ne permettent plus que quelques échanges verbaux rapides avec les invités au grand soulagement d'Armand.

Une longue heure plus tard, après un défilé intense d'émotions contradictoires de sympathie, d'amour, de mépris, de haine ou de simple curiosité, la séance de signature se termina enfin. Armand en était à sa troisième bouteille de Champagne. Il était sonné, terrassé KO. Il se sentait vide, déconnecté de la salle, incapable de se ressaisir. Il avait subit un tsunami d'émotions qui l'avaient caressé, battu, porté aux nues, sali. Il chercha Maureen du regard comme un navire en errance cherche sa Terre. Il voulait l'extraction. Il voulait partir loin du bourdonnement égocentrique de cette salle cannibale qui le dévorait.

Il sursauta. Une main d'homme se tendit depuis l'arrière pour lui offrir un verre de Whisky. Il bu avec soif, d'un trait. C'était Frank, son « pote » toujours à l'affut de nouvelles expériences pour lui prouver son infaillible soutient. Armand reposa son verre et tourna un visage crispé de douleur vers Suzanne en lui disant « J'ai un mal de tête épouvantable Suzanne. Auriez-vous quelque chose pour me soulager ? »

« Je vais voir ce que je peux faire » lui répondit-elle. Elle chuchota quelques mots à l'oreille de Frank et se dirigea rapidement vers Nancy à l'autre bout de la salle.

Frank s'assit non loin d'Armand en la suivant du regard. Quand elle lui fit signe de la main, il aida Armand à se lever, le pris aux épaules et lui dit en le poussant doucement vers la sortie « allez viens mon vieux, tu viens de gagner la permission de diner dehors veinard. »

Tenant à peine debout, évitant soigneusement les regards de la salle, Armand se laissa faire. Frank l'escorta le buste dressé, le sourire aux lèvres en distribuant nonchalamment des réponses rassurantes à la foule inquiète. Rutilant de confiance dans son smoking neuf, Il posait, défilait, se servait d'Armand comme d'un animal de compagnie qu'on exhibe pour attirer la convoitise et l'amour. Le dégout submergea Armand. Il se dégagea de l'étreinte étouffante de son garde du corps et se dirigea précipitamment vers la sortie sans demander son reste. 

Une mort annoncéeWhere stories live. Discover now