Chapitre 11 Un véritable entrainement

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Jour 1 de Miden
Aujourd'hui, j'ai intégré le bataillon auquel Messire Rokshar m'a affecté. Autour de moi, une vingtaine de garçons de deux années mes ainés suivent le même entrainement. En ce moment, ils sont, tout comme moi, couchés dans l'un des dortoirs de la caserne. Ils discutent d'avenir, de leurs projets futurs, des femmes qu'ils ont repérées parmi les servantes. Des choses futiles, ils sont là pour combattre et apprendre à protéger l'Empire. Ils peuvent bien faire ce qu'ils veulent, ils connaitront un jour l'horreur du champ de bataille, le goût de la mort. Je suis tout de même content pour eux, surtout qu'ils sont tous plutôt sympathiques. Du moment qu'ils ne se mettent pas en tête de trouver un bouc émissaire quand ils s'ennuieront, je ne ferais rien.

Jour 11 de Miden
Notre sergent est décidément bien trop lent ! Il nous lève trop tard, et il nous fait répéter trois fois les mêmes entraînements plusieurs fois de suite. J'en ai parlé à messire Rokshar, et demain un nouveau sergent va arriver. Un ancien mercenaire apparemment, qui a l'habitude des récalcitrants. J'ai hâte qu'il arrive. Rien n'a changé à part cela, et j'ai découvert que je me débrouillais plutôt bien à la lance.

Jour 28 de Miden
Aujourd'hui, Minos s'est fait prendre à voler de la nourriture dans la réserve des gradés. Le sergent l'a attrapé par la peau du cou et l'a provoqué en duel devant tous les autres. Evidemment, Minos s'est fait écraser au combat à la lance, mais ça lui a « forgé le caractère et le bide » d'après le sergent. Il l'a frappé avec le bout de la hampe directement dans le ventre. Mon père est aussi venu en fin d'après-midi, avec le sergent Aslan. Il et toujours dans l'armée, et il m'a juste regardé de loin pendant l'entraînement. Quand celui-ci s'est terminé et que je me suis approché de lui, il est parti sans dire un mot.

Jour 13 de Mefis
les entraînements deviennent plus compliqués chaque jour, mais cela permet une plus grande progression. Tout d'abord, le retard accumulé par le pleutre qu'était le premier sergent a été largement rattrapé en quinze jours. En plus, cet entraînement compliqué permet de voir ceux qui s'investissent vraiment et qui, à la fin, feront les meilleurs gardes. Seul problème, sur les vingt novices, nous sommes trois tous au plus à nous investir. De plus, certains apprentis commencent à se battre ensemble, et j'ai bien peur que ça aille plus loin que des insultes.

Jour 22 de Mefis
j'avais raison ! Ce soir, Pierre et un autre apprenti ont commencés à se battre dans les chambres. Pierre s'est fait jeter au travers d'une fenêtre, et il a sorti un couteau qu'il a pointé vers son agresseur. Celui-ci s'est emparé d'une des lances qui traînait là et s'est mis à attaquer Pierre. Et, décidément, le régiment est vraiment formé d'idiots ! Ils ont commencés à huer et à parier sur le victorieux. Bête, je me suis interposé. J'ai attrapé la lance de l'autre ahuri, et l'ai envoyé au sol d'un coup de poing en pleine mâchoire. Pierre s'est quant à lui pris un coup de pied dans le ventre, bien mérité. Saul, qui avait prévenu le sergent, a débarqué avec celui-ci et les fauteurs de troubles ont été punis. J'ai aussi écopé d'une sévère punition, le coupage du bois. C'est assez éreintant, mais au moins ça m'entraîne.

Jour 1 d'Algosa
Cette nuit, je me suis encore réveillé en sueur. Enfin, on m'a réveillé parce que je murmurais dans mon sommeil. C'est Minos qui me l'a dit, je n'arrêtai pas de répéter
« Je ne les ait pas tués, je me suis défendu, je ne les ait pas tués, je me suis défendu ». Apparemment, ce n'était pas la première fois. Je lui ai juste dit de se rendormir. Je n'en peux plus de ce cauchemar. Durant la plupart de mes nuits, je revois la nuit où j'ai tué les adeptes. Je revois leurs visages à la dernière seconde. Le regard d'incompréhension du premier que j'ai transpercé, alors que j'étais caché. Puis les autres, que j'ai ouvert, leurs yeux brillants de doute. Et celui du maitre de cérémonie, suintant de peur. Même quand sa tête est tombée, ses yeux continuaient d'exprimer ce sentiment. Le pire de tous est sans doute le regard de ma mère, avant qu'on lui ferme les yeux. Un regard que je ne peux percevoir d'autres façons que « Je suis morte à cause de toi ». Si je n'avais pas tué l'ours, je serais arrivé avant et j'aurais été tué, ou j'aurais dû accepter la proposition du maitre. Dans ma tête résonnent aussi les paroles des Adeptes que j'ai tué dans leur foutu temple. Elles résonnent comme la voix qui a chanté au moment où je les aie tués.

Jour 5 d'Illien
A chaque fois que j'ouvre ce carnet, je constate que j'écris de moins en moins souvent. Au début, lors des trois premières fois, il ne s'écoulait que 18 jours maximum. Mais quand j'ai écrit durant le mois d'Algosa, il s'était écoulé le mois de Fogi. Et entre cette fois et maintenant, il y a eu le mois de Min et celui de Sangre. Logiquement, mon prochain écrit devrait être durant le mois de Ran, laissant ainsi passer les mois de Zethys, Ydre et Xena. Après, il y aura le mois d'Ocre, puis le mois de Plas. Et ensuite, la nouvelle année. Il ne s'est pas passé beaucoup de choses ces temps-ci. J'ai été félicité, je me suis battu quelques fois avec les ahuris que Pierre a réussi à rallier à sa cause, mais je n'ai pas encore perdu.

Jour 8 de Ran
Rien de notable à nouveau, si ce n'est que je ne me suis pas trompé dans mes prévisions. Bientôt, dans quelques mois, il y aura les fêtes du mois d'Ocre, et j'y serais, avec mon régiment. Mes cauchemars m'ont encore réveillé, mais je les supporte. J'ai tué pour de bonnes raisons, et le passé est de toute façon immuable. Donc je cesse de me torturer avec ça, bien qu'il me soit arrivé de me réveiller et que, n'arrivant pas à retrouver le sommeil, je me mette à m'entrainer dans la cour. L'hiver commence à apparaître, nous réveillerons sous les flocons dans quelques jours. Il ne fait pas très froid pour l'instant, mais rien ne presse.

Jour 12 d'Ocre
C'est le premier jour des fêtes d'Ocre ! Nous y allons ce soir, et notre sergent a accepté que nous nous entraînions moins aujourd'hui. Je suis pourtant allé courir, et j'ai nagé dans la rivière. Je deviens de plus en plus rapide, je note mes progrès. Ma sœur n'a personne avec qui aller à la fête mais, étant donné qu'elle s'entend bien avec Minos, j'ai conseillé à celui-ci de tenter sa chance. Pierre aussi a des vues sur elle, mais je lui casserais toutes les dents s'il veut la forcer à faire quoi que ce soit, car ce serait bien son genre de faire ça.

J'écris juste après notre retour au camp, après l'ouverture des fêtes. Nous sommes déjà le 13 d'Ocre, mais je n'ai pas envie d'écrire un jour de plus juste pour cela. Minos est allé aux fêtes avec Mary, ils avaient l'air heureux. Pierre était en colère, et a passé la soirée à boire. Moi, je suis resté dans un coin à discuter avec des paysans. Le plus étrange, c'est qu'une paysannes, durant la nuit, m'a fait des avances. Je ne comprenais pas, alors je l'ai repoussée gentiment, bien qu'elle ne cache pas sa déception. Je ne suis pas un bon parti, même pour une paysanne. Saul et ses cheveux argentés seraient un meilleur parti, surtout que son père est marchand. Ma vie à moi va être la guerre, et la vengeance, personne ne voudrait partager ça. J'ai croisé mon père, qui discutait avec messire Rokshar. Je ne me suis pas approché, mais nos regards se sont croisés. Il portait de nouvelles balafres, mais je ne m'inquiète pas plus que ça.

Jour 9 de Miden
La nouvelle année est là, avec son lot de problèmes. En premier, Pierre et son «
clan » ont tentés de m'attaquer durant l'entrainement. Deux d'entre eux se sont pris leur propre bâton d'entrainement dans le nez, et deux autres se sont fait jeter au sol sans ménagement par Minos et Saul. Pierre a réussi à me planter un petit surin dans la hanche. De rage, je lui ai brisé le poignet et j'ai hésité à l'empêcher définitivement d'être père de famille. J'ai de la chance si la blessure ne s'infecte pas, même si la pointe n'était pas plus longue que mon petit doigt. Deuxièmement, mon père est venu assister à l'entrainement, où je me suis évertué à me démarquer par ma précision. Le sergent m'a félicité, et m'a comparé à mon père, encore. Il ne sait pas que nous sommes parent, mais il me compare quand même. Pour tout le monde, je ne suis pas Shimeon, mais le « petit faucheur », le « Faucheur impérial » étant le surnom de mon père. Il ne m'adresse pourtant aucun regard, aucune félicitation. Ses yeux ne brillent pas en me voyant vaincre quatre adversaires, alors que même Messire Rokshar lui tapote le coude pour lui dire de me féliciter. Troisièmement, une paysanne s'est introduite dans la caserne, et a voulu se glisser dans mon lit. Je me suis réveillé, heureusement, et lui ai ordonné de partir sur le champ. Elle avait l'âge de Mary ! Maintenant, tout le monde se moque à cause de ça.

Jour 1 de Mefis
Je n'en peux plus. Mon père est revenu à la caserne accompagné d'une jeune femme. Une bourgeoise, à voir ses joues maquillées. Il s'est approché du sergent, qui a interrompu l'entrainement, pour me dire de venir. Les autres se sont assis par terre, et je me suis mis devant le sergent, sans un regard pour mon père. Celui-ci s'est approché, et m'a annoncé son nom : Victoire. Il a dit qu'il allait se marier, et que je devais être tenu au courant. Mon visage s'est renfermé, et j'ai alors dit que je me fichais de ce qu'il faisait sur le champ de bataille, mais qu'il n'avait pas le droit de remplacer maman par cette catin fardée. J'ai craché à ses pieds, et il a voulu me frapper. J'ai tiré sa putain en avant, ce qui me protégea. J'ai planté mes yeux dans les siens et lui ai juré un combat le 11 d'Ocre, son jour de permission. Il s'est retourné, acceptant mon défi. Je n'écrirai plus dans ce carnet jusqu'à cette date, je dois m'entrainer.

Le sabre chantantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant