Pourquoi tout devait être aussi terrifiant ? On n'aurait pas pu se rendre dans une adorable chaumière par exemple ?

Je pris une profonde inspiration et suivis le mâle dans les ténèbres.

Mes yeux mirent un certain temps à s'habituer à la pénombre des lieux. Nous nous trouvions dans un vaste hall, tellement recouvert de poussière que je ne pus me retenir de tousser, la gorge en feu. Ark me lança un coup d'œil amusé pendant que je m'étouffais. Sadique.

Malgré son aspect décrépit, l'endroit arborait encore les restes d'un glorieux passé. Un tapis de velours rouge brodé d'or s'étendait sur le sol, à moitié mangé par les mites. Des toiles raffinées avaient été dévorées par le feu, et les derniers lambeaux colorés s'agitaient mollement au gré des courants d'air. Je levai les yeux... Et je suspendis mon souffle.

Un majestueux escalier en colimaçon s'élançait vers le plafond. Il était constitué de deux volées de marches, qui s'enroulaient langoureusement l'une autour de l'autre, comme enlacées. Le marbre avait une légèreté irréelle, devenant presque impalpable avec le génie du sculpteur.

Un bijou d'architecture.

- Valhalt? Valhalt ? Descends, vieux fou!

La voix rauque du général brisa le charme. Je clignai les yeux, agacée.

Le mâle portait nerveusement la main à l'épée, tapotant de ses doigts pâles la garde d'or.

- Nerveux?

Pour toute réponse, il me foudroya du regard.

Charmant.

Soudain, un rire résonna dans l'obscurité. Je me figeai.

Ce n'était pas un rire amusé. Ni même joyeux. Non, ce rire était effrayant.
L'inconnu s'esclaffait d'une manière presque obscène, exagérant ses ricanements au point de les réduire à une parodie d'humanité. Cela me fit soudainement penser aux cris suraigus que poussaient les hiènes en encerclant leur proie. L'inconnu n'avait plus rien d'humain.

Je jetai un regard horrifié à mon partenaire, qui m'ignora. Ark ne semblait ressentir qu'une grande indifférence.

- Je sais que tu es là... Sors, j'ai un marché à te proposer.

Le murmure rauque du mâle interrompit le rire de Valhalt. Avec un craquement, je vis quelque chose bouger dans la pénombre. Peu à peu, la chose s'approcha du rayon de lumière filtrant de la porte. Je vis tout d'abord apparaître deux pieds crasseux, recouverts de poils grisâtres dont les ongles jaunes avaient pris la forme de griffes. Ensuite, deux jambes squelettiques, tremblantes, semblant à peine capables de supporter le poids du corps. Enfin, le visage de Valhalt s'offrit à nous dans toute son effrayante laideur.

Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi répugnant.

Son visage était couvert innombrables rides creusant des sillons blanchâtres sur sa peau noircie par la saleté. Une barbe d'une couleur indéfinie lui mangeait le visage et semblait contenir les restes d'un horrible festin. Valhalt arborait un large sourire, découvrant une bouche complètement édentée à l'exception d'une canine qui pendouillait de façon sinistre dans son atroce cavité buccale. Sa langue, violette et boursouflée, serpentait de temps à autres hors de ses lèvres gercées, de manière quasiment lubrique. Pour compléter ce charmant tableau, le vieillard semblait aveugle: ses globes oculaires étaient recouverts d'une sorte de membrane blanchâtre et visqueuse.

Je frissonnai de dégoût.

Toujours impassible, Ark contemplait l'horrible vieux d'un œil critique. Il sortit de sa poche une sorte de feuille rouge, roulée en baluchon.

Chroniques du CrépusculeWhere stories live. Discover now