- Chapitre 2 -

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" - C'est bizarre, tu connais le parc pourtant je t'ai jamais vue dans le coin à par ce matin.

- Je sais, j'allais en cours de l'autre côté de la ville, répondis-je en haussant les épaules.

- Et pourquoi t'es venue ici alors ?

- C'est un reproche ?

- De la curiosité,» corrigea-t-il, un sourire aux lèvres.

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" - Bon dis moi alors, c'était qui le mec avec qui tu parlais ?

- Qu'est ce qui te dis que c'était un mec, répondis-je en me dirigeant vers ma maison.

- Tu m'aurais pas laissé parler dans le vide si c'était pas un mec digne de ton attention.

- Bingo, tu me connaît trop. D'après ce qu'il dit, on est dans la même classe cette année, mais je l'avais pas remarqué. Sûrement le genre discret du fond de la classe.

- Moui, me fait pas le coup du "Je sais paas, j'ai pas fait attentiooon" parce que je te connais si tu lui as parlé plus de deux minutes, c'est qu'il en valait la peine à tes yeux. Et puis s'il est dans ta classe, ça te fera un objet d'attention pour les cours ennuyeux,» conclut-elle.

Nous finîmes par raccrocher quand je fus arrivée devant chez moi. Mais, évidemment, à peine ai-je eu le temps de déposer mes affaires que ma mère me sauta dessus pour que je lui raconte ma rentrée.

Elle était aussi surexcitée que si c'était elle qui rentrait en terminale. Elle était tout le temps comme ça, c'était un petit bout de femme dynamique comme personne. Une fois qu'elle avait commencé quelque chose, impossible de l'arrêter avant qu'elle ait fini.

J'étais donc repartie pour un récit palpitant sur ma matinée, ma mère posant des questions sur mon emploi du temps, mon prof principal, l'intérieur du lycée, puis, rapidement, elle vint à la question fatidique.

" - Et du coup, 'y a des beaucoup garçons ?»

Évidemment. LA question que toutes les mamans aiment poser. J'aurais dû m'y attendre, quelle débutante.

" - Boh, j'ai pas vraiment fait gaffe aux mecs de ma classe. 'Y a bien celui qui fait du foot, mais il est pas ouf, quelques gars plutôt bien bâtis aussi mais, de ce que j'ai vu, rien d'exceptionnel.»

Je bus une gorgée de jus en prenant soin de ne pas parler du beau roux du parc. Le regard fixé sur la télé, je m'efforçai de ne pas sourire. Malheureusement, ma mère est tout sauf naïve et le mensonge n'est pas ma spécialité.

" - Arrête de tourner la tête, je sais très bien quand tu me caches quelque chose, me sermonna-t-elle.

- Roh mais t'as pas besoin de connaître tous les détails non plus ! me défendis-je tandis qu'elle tapait des mains.

- Attends, je vais me chercher à boire aussi, j'arrive !»

J'étais tenaillée entre ma folle furieuse de mère qui n'as pas passé le stade adolescent et une irrésistible envie de fuir loin de ses questions embarrassantes.

" - Bon, vas y, dis tout à ta mamounette chérie.

- Il y avait juste un garçon, au parc, qui s'est assis à côté de moi, tranquilou, capitulai-je. J'étais sur le banc sous le saule, celui avec la peinture écaillée. Et il s'assied à côté de moi, il me fixe alors que j'étais au téléphone et on a commencé à parler. Vite fait, quoi, et il a fini ma phrase.

- Le coup du banc bien placé ?  Un classique chérie, bien sûr qu'il a fini ta phrase ! Ça m'étonne que ce soit la première fois qu'on te le fasse, c'est le banc de la drague ! T'as jamais fait attention aux gravures dans la peinture ? Il y a des prénoms, des numéros de téléphone... Petite ignorante,» conclut-elle.

Je la regardais se lever avec des yeux ronds. Certes, il y avait beaucoup de choses gravées sur ce fameux banc, mais je n'y avais jamais vraiment prêté attention. Les rares fois où j'avais essayé de lire quelques inscriptions, c'était des citations débiles ou des petits dessins un peu ratés. Si j'avais su, j'aurais cherché les numéros de téléphone. Sait-on jamais.

Ma mère continua son monologue depuis la cuisine, sachant pertinemment que je l'écoutais.

  –«– Tu sais, mon premier petit copain je l'ai rencontré sur ce banc. Un petit blond mignon comme tout, j'étais au collège, en cinquième il me semble. On était pas dans la même section, il avait un an de plus, et on ne s'était jamais parlé auparavant. Je m'étais disputée avec mes parents, enfin tu vois ce que je veux dire, et j'avais fugué, me raconta-t-elle. Je m'étais assise sur ce banc et je dessinais parce que, bêtement, je savais ni où aller, ni quoi faire. Et ce garçon est venu me voir, il m'a demandé ce que je dessinais et on a engagé une conversation qui a duré jusqu'au soir. J'avais pas vu le temps passer et je suis rentrée toute guillerette à la maison, après mon premier bisou. Crois moi, ça a chié, je me suis fait incendier de reproches et de câlins en même temps. Personne ne savait où j'étais et tout le monde était mort d'inquiétude pendant que moi je rencontrais celui que je pensais être l'homme de ma vie.

– Et ça a duré ? demandai-je en l'ayant rejointe dans la cuisine, absorbée par son récit.

– On s'est séparés deux semaines plus tard. Mais c'était sympa.

– Il s'appelait comment ?

– Jules. Il était vraiment mignon, je me demande ce qu'il est devenu.

– Qui ça ? intervint mon père.

– Oh personne, un gars avec qui j'étais au collège,» répondit ma mère avec un clin d'oeil à mon attention.

Il ne releva pas et alla se chercher un soda dans le frigo puis s'installa sur l'un des tabourets de la cuisine.

«– Alors ta rentrée ma choupette ?» demanda-t-il en versant sa boisson dans un verre.

Me voilà repartie pour raconter ma matinée encore une fois.

Alex Au CarréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant