— Tu es la première servante que je vois réussir à faire les trois chambres sans mon aide. Pour une fois, Diane a bien choisi. Si tu savais le nombre d'empotée que j'ai dû former !

Lyana ne put s'empêcher de pouffer en imaginant de jeunes femmes à la musculature délicate tenter de manipuler les couvertures monstrueusement grandes. Maceo l'accompagna un instant mais, à son grand étonnement, il s'arrêta rapidement et reprit un air sérieux et distant.

— Tes missions s'arrêtent là le matin, lui dit-il. A moins qu'un des maîtres ne rentre, l'après-midi tu es libre de vaquer à tes occupations.

La voleuse fronça les sourcils. Il était hors de question qu'elle reste tous les après-midis sans rien faire. On lui avait promis de travailler tous les jours, sauf sa demi-journée de repos.

— Je ne comprends pas, ne devrais-je pas poursuivre le nettoyage l'après-midi ?

— Je viens de te le dire : tes missions sont finies. Personne n'habite ces appartements pour le moment, il n'y a rien de plus à faire. Maintenant viens. Je vais te faire visiter tes nouveaux appartements et le reste de la demeure.

Lyana eut un mauvais pressentiment. D'abord les questions sur son intimité, et voilà qu'elle devenait une servante qui servait à moitié. Elle n'avait pas vraiment d'expérience dans ce domaine, mais personne n'employait quelqu'un s'il y avait aussi peu de travail à effectuer. C'était louche. Très louche même.

Elle se promit de poser des questions rapidement à ce sujet. En attendant, elle devait se concentrer et mémoriser les passages empruntés par le curieux serviteur. Il se coulait avec une facilité déconcertante dans son environnement, discret et silencieux comme une ombre. Il la guida à travers un passage près des cuisines et ils débouchèrent, sans passer par l'extérieur, sur les appartements des domestiques.

— Le bâtiment est coupé en deux, lui indiqua Maceo en montant un escalier qui craquait sous son poids. Nous sommes du côté des serviteurs. L'autre est réservé à la milice. N'y va sous aucun prétexte, à moins que les maîtres en personne te le demandent. Les gardes y sont très bruyants et oublient le sens des convenances dans un endroit pareil.

« Le rez-de-chaussée est réservé à Diane et aux cuisiniers. Ce sont les premiers levés et les derniers couchés. Si tu découches, ne reviens pas ici avant le lever du soleil. Tu les réveillerais en montant à ta chambre et c'est sans doute la pire idée au monde. Toi, tu loges au dernier étage, sous les toits. Il y fait chaud l'été et froid l'hiver, mais le matelas est confortable et tu as assez de couvertures pour combattre la fraicheur de certaines nuits. »

Après avoir grimpé trois étages, ils arrivèrent sous les combles. La porte du fond était destinée à Lyana. Elle ressentit une légère appréhension lorsque l'odeur d'humidité et de bois la prit au nez mais fut finalement surprise de trouver une charmante petite pièce avec une paillasse confortable, une petite commode et même un bureau.

— Nos maîtres considèrent que les servants sont plus efficaces quand ils sont bien traités et quand ils ont accès à la culture. La bibliothèque nous est ouverte sur nos temps de pause et nous pouvons emprunter n'importe quel ouvrage. Enfin, sauf ceux de la section interdite, mais ils sont cadenacés alors aucun risque qu'on les prenne. J'espère que tu sais lire. Mets-toi en livrée, je t'attends dans le couloir.

Lyana allait de surprise en surprise. Le savoir était une institution réservée aux plus grands et, si elle avait pu y accéder, ce n'était que grâce à la volonté du Faucon d'offrir à ses protégés un moyen de perfectionner leurs compétences. Qu'une famille aussi puissante que les Joras permettent à leurs serviteurs d'y accéder était étonnant.

La Guilde Des OmbresWhere stories live. Discover now