CHAPITRE 5 - Milo

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Bordel !
Je claquai la porte d'entrée avec fureur. Un mariage, un foutu mariage. Jamais je n'aurais dû partir, ou bien revenir. Tout ça était une putain d'erreur ! Je montai les marches des escaliers deux à deux et me dirigeai vers ma chambre. Il fallait que je m'en aille loin d'ici, loin de cette maison qui abritait les mensonges de mon passé, loin de cette terre qui tentait depuis toujours de m'étouffer. Par chance, j'avais récupérer ma moto hier, plus rien ne pouvait me retenir. J'entrai dans la pièce et me débarrassai de mon t-shirt poussiéreux. Samy ne m'avait encore une fois pas loupé, mes côtes me lançaient et mon dos était en miette. Au moins, contrairement à hier soir, il n'avait pas usé de ses poings. Quand j'avais quitté la ville, ce dernier n'avait pas cette carrure. Il était passé durant ce temps d'un jeune garçon chétif à un homme qui, même saoul, arrivait à me mettre au tapis.
Dire que ce gamin me suivait comme mon ombre il n'y a pas si longtemps que ça !

J'attrapai mon sac et y rangeai sans ménagement le peu d'affaires que je possédais. Une fois fermé, je pris le temps de souffler. Soudain, le poids de son annonce me tomba dessus comme le ciel sur la tête. J'en lâchai mon bagage qui s'échoua lamentablement sur le sol. Mes jambes tremblaient, je me laissai glisser au pied du lit et fermai les yeux, la tête adossée contre le matelas. Ma Romy allait se marier. Les images de la matinée s'entrechoquaient avec fracas dans mon esprit, mêlant ainsi cauchemar et réalité. Sa beauté lorsqu'elle avait ouvert la porte, son corps de déesse que couvrait à peine son bout de dentelle, son regard plein de fureur, sa nervosité, l'accélération de son souffle qui mettait en avant sa poitrine moulée dans la soie.

Le mariage, son mariage.

Elle, en robe blanche, remontant l'allée souriante, disant oui, mais pas à moi. Son corps plaqué contre le mien, sa langue s'enroulant autour de la mienne, ses yeux brillant de désir, ses lèvres et ses joues rougies. Mes doigts glissant sur ses cuisses nues, son petit cul ferme entre mes mains, ses tétons dressés contre mon torse. Un gémissement m'échappa, je pouvais même encore sentir son odeur de roses m'enivrer. Et le goût de son sang dans ma bouche, le dégoût dans ses yeux gris si sombre qu'ils paraissaient noirs, et son corps tremblant de colère contenue. Si Romy m'en voulait avant, j'étais presque certain qu'elle avait des envies de meurtres à présent. Comment le lui reprocher ? Elle me révélait son mariage prochain, et je n'avais rien trouvé de mieux à faire que me jeter sur elle comme un fou furieux, et la marquer comme du bétail.


— MERDE ! hurlai-je en chassant ces réminiscences.

Elle a décidé de faire sa vie avec un autre que moi. Cette pensée m'obsédait, tournant en boucle dans ma tête. Il y a plus de trois ans, partir m'avait paru la seule solution envisageable. À cette époque, tout était brouillé dans mon esprit et la fuite m'avait semblé la meilleure alternative. Pourtant, je pouvais affirmer que depuis cet instant, ma vie n'avait été qu'une succession de revers et d'échecs. Je l'avais perdue dès que j'avais enfourché ma bécane, et malheureusement je ne le réalisais qu'aujourd'hui. Comment pourrait-elle comprendre que j'avais cru ne pas avoir le choix ? Que je ne m'étais pas senti à la hauteur de ce que l'on attendait de moi ? Comment pourrais-je lui dire que la limite du domaine franchie, j'avais instantanément regretté son corps chaud alangui dans notre lit ? Jamais elle ne me pardonnerait ? Jamais je ne pourrais effacer cette déception, ce mépris que j'avais lu quelques minutes plus tôt dans son regard. Une larme m'échappa. Durant ces dernières années où j'avais vu l'enfer de près, je ne m'étais à aucun moment autorisé ce genre de faiblesse, mais aujourd'hui mon cœur saignait.

— Je l'ai perdue, murmurai-je, tentant vainement d'assimiler cette nouvelle réalité.
— C'est sûr qu'en fuyant encore une fois, tu vas pas résoudre grand-chose, rétorqua une voix acide sur ma droite.

Je n'avais pas besoin de relever la tête pour savoir à qui cette dernière appartenait. Je n'avais pas la force de me prendre la tête avec elle. Mélodie s'était autoproclamée bien des années auparavant, chien de garde de Romy ; et malheureusement pour moi, elle ne m'avait jamais porté dans son cœur. Le seul point commun que l'on s'était trouvé, sans que je ne lui avoue jamais, était le fait que sa meilleure amie méritait mieux qu'un mec dans mon genre. Mieux qu'un vaurien ayant baisé les trois quarts de la gent féminine de la ville. Mieux qu'un homme incapable de gérer sa colère. Alors non, je n'étais pas prêt à entendre un de ses innombrables sermons qui ne ferait que confirmer ce que je savais déjà.

— Barre-toi, grondai-je sans la regarder.

Elle ne m'écouta pas cette tête de mule et passa même devant moi pour s'installer nonchalamment sur le fauteuil près de la fenêtre. Je sentais le poids de ses pensées, de son jugement sur moi ; alors, sans un mot, je relevai le visage et lui offris le regard le plus sombre que j'avais en stock. Pourtant elle ne flancha pas, préférant me fixer de son air bravache. Je pouvais au moins reconnaitre son courage, car plus d'un homme avait filé sans demander son reste face à cette rage qui je le savais transparaissait dans mes yeux.

— N'essaye pas de m'intimider, je n'ai pas peur de toi.
— Je t'emmerde Mélodie, dégage de chez moi.
— Alors comme ça tu fuis encore ? m'interrogea-t-elle un œil sur mon sac.
— N'était-ce pas le sujet de ta dernière prière ? répondis-je avec sarcasme.
— Oh, pas tout à fait. Ça ressemblait plus à : « seigneur, faites que Milo reparte et ne revienne jamais. Faites qu'il oublie le chemin du domaine. Faites que je devienne riche, et faites que ma meilleure amie ne se marie pas par dépit ». Tu vois, tu n'es pas le seul sujet de mes prières Johnson.
— Qu'est-ce que ça veut dire, demandai-je perplexe.
— Rien qui ne te concerne pour le moment. De toute manière, tu t'en vas non ? À croire que tu ne sais faire que ça.

Mélodie était maline, elle savait pertinemment que ma curiosité avait été aiguisée. Avec elle, vous aviez sans cesse l'impression de n'être qu'un pion qu'elle manipulait à sa guise. Je voulais qu'elle s'en aille, elle s'était installée. Je souhaitai fuir, elle me donnait une raison de rester. Foutue bonne femme ! Elle ressemblait à un ange avec ses traits fins et ses longs cheveux blonds, mais au fond c'était une vraie diablesse.

— Pourtant je pensais que ton séjour au trou t'aurait fait pousser des couilles et remit les idées en place. Je me suis apparemment trompée, asséna-t-elle durement sous mon regard surpris.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, déclarai-je impassible.
— N'essaye pas de me mentir, j'en sais assez sur ton compte.

Je me levai d'un seul mouvement et m'avançai vers elle. Je détestai cet air hautain qu'elle arborait constamment en ma présence. Cette condescendance permanente qu'elle affichait me renvoyait sans cesse l'image du vaurien que je pensais être.

— Tu ferais mieux de partir Mélodie. Comme tu l'as si souvent répété, je ne suis qu'un voyou, alors que crois-tu que je sois capable de faire à une emmerdeuse dans ton genre.

Elle se leva, mais malgré son regard plein de défi, le fait qu'elle ne m'arrive qu'au menton lui fit perdre un court moment son assurance. Cela ne dura qu'une fraction de seconde, puisque l'instant d'après, elle releva les yeux et pointa un doigt autoritaire sur mon torse. Une vraie teigne, au moins quelque chose qui n'avait pas changé !

— Tu ne m'impressionnes pas Milo. Crois-tu vraiment que tu puisses me faire peur ? Je partirai une fois que tu auras entendu ce que j'ai à te dire. Cette fois-ci, tu ouvres grand tes oreilles. Maintenant, assieds-toi. Assis, j'ai dit ! ordonna-t-elle sérieusement.

Abasourdi par cette injonction, je fis un pas en arrière et posai mes fesses sur le rebord du lit. De toute manière, après avoir demandé poliment, tenté l'intimidation, je compris qu'elle ne s'en irait que quand Madame l'aurait décidé.

— Je connais ce tatouage « TB 210 » que tu portes sur le bras, c'est celui du gang des Tango Blast. Je sais aussi que tu sors à peine de prison. Tu ne croyais pas sérieusement que je n'allais pas me poser de questions, alors que tu reviens comme une fine fleur après trois ans d'absence. Et il faut dire que le shérif devient particulièrement bavard devant un joli décolleté et après quelques verres. Donc, ne joue pas à ça avec moi. Je ne veux ni savoir pourquoi tu es parti, ni la raison de ton retour. Ça ne m'intéresse pas. Et puisque ta présence au pas de sa porte ce matin prouve que tu n'as pas bien capté quand je te l'ai demandé hier soir, je vais répéter une nouvelle fois. Tiens-toi loin d'elle, c'est compris cette fois-ci.

— Je n'ai pas d'ordre à recevoir de toi, je suis chez moi ici. Tu ne sais rien de moi.

— Tu as certainement raison, je ne connais pas grand-chose de toi. Mais veux-tu savoir ce que je sais ? C'est l'état dans lequel était Romane quand tu l'as lâchement abandonnée comme une vulgaire putain au petit matin. Je sais le mal que ça m'a fait de la découvrir après plus de douze heures, toujours nue et recroquevillée dans vos draps. Elle ne bougeait plus !  Elle n'a pas dit un mot pendant plus de quinze jours ! Pas un seul son, même ses larmes étaient silencieuses. Je sais la peur que j'ai ressentie quand Samy qui était de garde à la caserne m'a appelé en pleine journée pour m'annoncer qu'il transportait Romane à l'hôpital. Elle était déshydratée, en sous-nutrition, et venait d'ingurgiter une boîte complète d'antidépresseurs. Je sais aussi comme il est difficile de prendre une décision lorsqu'un médecin te demande l'autorisation de placer la personne à laquelle tu tiens le plus en unité psychiatrique, pour l'empêcher de se faire du mal. Mais toi tu ne peux pas savoir, car tu es parti. Alors, oublie jusqu'à son existence. Et ce n'est en rien un conseil amical, mais un avertissement. Je ferai tout ce qu'il est possible de faire pour que tu sortes définitivement de sa vie, n'en doute surtout pas.

Elle quitta la pièce les joues humides ; me laissant là, accablé par l'horreur de cette situation dont j'ignorais tout jusqu'à ce moment, mais dont j'étais indubitablement la cause. Mais qu'avais-je donc fait ? Comment avais-je pu croire un seul instant que mon départ serait préférable à ma présence ? Je comprenais maintenant cette souffrance que j'avais pu lire dans les yeux de la femme que j'aimais. Romy semblait avoir tourné la page et je n'étais qu'un rappel de la douleur qu'elle avait connue. Est-ce que tout aurait pu être différent ? Oui, incontestablement, mais les regrets n'effaceraient pas mes actes. Miguel avait raison, il était temps pour moi d'avancer dans la bonne direction. Et pour ça, je devais arrêter de répondre à cet instinct premier qui était de fuir continuellement. Il fallait que j'affronte mon passé, que je supplie son pardon, et si c'est ce qu'elle désirait réellement : que j'accepte qu'elle soit heureuse avec un autre que moi. Néanmoins, cela ne signifiait pas mon abandon. Ce baiser que l'on avait partagé, son corps qui avait si harmonieusement épousé le mien, ses lèvres qui avaient répondu avec la même avidité aux miennes, étaient les preuves incontestables qu'il restait une partie de moi dans son cœur, dans son âme. C'est pour cet infime espoir présent que je me battrais. Et si par malheur je me trompais, je partirais. Je l'aimais assez pour ne vouloir que son bonheur même si cela devait signifier la fin du mien.

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Il y a eu comme un bug ce mercredi donc voilà enfin un nouveau chapitre.
J'espère que vous aurez apprécié !

Bonne fête des pères à tous les papas.

😘😘😘😘😘😘😘

MAKE YOU MINE (le 6 mai - HQN Harlequin) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant