Chapitre 34 - Retour à la réalité

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Décembre 1941,

Cher Thomas,

Les premiers flocons du mois sont tombés dans la soirée et j'ai immédiatement pensé à toi. Comment ne pourrais-je pas ? Te souviens-tu de Noël l'année dernière ? Te souviens-tu du cadeau que tu m'as offert ?

Voilà quelques semaines seulement que tu es reparti et je me languis déjà de toi. Néanmoins, je t'ai fait une promesse : Je ne t'attendrais pas.

Thomas, si les miracles de Noël devaient exister, je supposerais alors que la guerre prendrait une tout autre tournure, que tu serais de nouveau à mes côtés et que le monde se coucherait enfin en paix. Mais la guerre fait rage, les feux des conflits brûlent et les flammes de l'enfer éclairent alors le ciel.

Il n'y a plus une étoile là-haut à laquelle prier.

J'ai eu des nouvelles d'Antoine. Il a enfin répondu à ma lettre et il veut de tes nouvelles. Savoir comment tu vas. Ce que tu fais. Ce que tu vis. Tu ne l'aimes peut-être pas et je le conçois, mais Antoine a toujours été soucieux de toi. De nous. Je te l'ai déjà dit, je lui dois beaucoup.

Aujourd'hui je n'ai rien fait à la ferme à part courir après un lapin. Un lapin blanc s'engouffrant dans la neige. J'ai mis un moment et j'ai fait rire tout le monde, mais tu sais quoi ? Ça m'a fait du bien de courir ici et là. Courir avec pour seul souci de retrouver un animal. Cela m'a rappelé notre enfance. La ferme. Le village. Nos jours heureux et paisibles.

Maintenant que tu es à la guerre, comme tant d'autres avec toi, je me demande si tous les villages ont perdu leur vivacité. Leur joie de vivre comme le nôtre peu de temps après. Nous étions les enfants du quartier et je me demande aujourd'hui où nous en sommes. Ce que nous deviendrons.

Je me demande ce que font mes parents. Ils me manquent. Chaque jour je pense à eux. Je cherche à savoir où ils sont, je veux les retrouver, tu sais ? Je suis certaine qu'ils seraient heureux d'apprendre ce que tu fais là dehors. Je leur parlerais de toi. Je leur raconterai ton combat et je leur dirais à quel point tu veilles sur nous. Tu nous protèges.

Dis-moi Thomas, il est vrai que tu ne rentreras peut-être pas. Il est vrai que nous ne nous reverrons certainement pas. Je crois que je me suis faite à l'idée, ô combien déplaisante soit-elle, mais tu sais quoi ? Une partie de moi croit aux miracles de Noël encore. Je t'imagine là, dans la neige, m'attendant. Jouant avec moi. Te rappelles-tu de ce que l'on faisait pour ces jours de fête Thomas ? Te rappelles-tu de ces repas animés et de ces bougies parfumées ?

Ils me manquent. Un tas de choses me manque, mais je sais que plus jamais les jours ne seront comme ceux qui sont passés. A jamais les esprits seront marqués et les corps gravés. Des marques. Des séquelles. Des cicatrices que la guerre a apposées sur nous.

Tu te dis que nous ne sommes certainement pas à plaindre, ceux qui sont derrière à l'abri, mais chaque nuit, les cauchemars reviennent et continuent. Chaque nuit, je te vois mourir. Chaque nuit, j'imagine que l'on m'annoncera ta mort comme on l'a déjà fait auparavant.

J'angoisse. Je pleure.

Et puis, je me souviens. De toi. De tes mots. De tes lettres à jamais dans mon cœur.

Dis-moi Thomas, que fais-tu ? Où es-tu ? Es-tu déjà trop loin de moi pour répondre à cette lettre ? J'aimerais tellement pouvoir être auprès de toi, mais je serais bien inutile.

Je ne sais pas quoi faire. T'attendre était ma seule occupation, mais voilà que tu m'as fait promettre d'arrêter.

Thomas, je ne me sens pas bien. J'ai peur que dorénavant, les lettres que je t'envoie ne me reviennent. J'ai peur que l'on me dise que mes mots sont vains et que jamais ils ne trouvent écho.

J'ai peur que mes mots se perdent, là, quelque part.

Comme toi.

Cher ThomasWhere stories live. Discover now