Chapitre 1 - Livres anciens

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«Quelque chose d'incroyable m'est arrivé». Cette pensée ne me quittait pas, le regard rivé au loin je poursuivais mon chemin en me remémorant la scène arrivée quelques temps auparavant. J'ai, comme à mon habitude, emprunté un livre ancien sur les fleurs à la bibliothèque de mon grand-père et ai été le lire sur un banc près de la gare. Voir les trains passer et lire ce genre de livres me plongent parfois dans l'ambiance d'une époque révolue. Dans ma tête je suis une anglophone qui attend sa correspondance, en voyage au Japon vers la fin du 19ème siècle, vêtue d'une robe verte et enflée par de la mousseline blanche. De longues manches évasées sur les poignets bordées de raffinées bordures dorées et, pour completer cet apparat, un chapeau assortit à ma robe arborant une délicate fleur de camélia. Ces fleurs sont les plus délicates que l'on puisse trouver d'après moi. Le livre que j'ai emprunté aujourd'hui traitait justement de ces fleurs... Quelle coïncidence, vraiment. Je viens de vivre un des moments les plus romantiques et les plus intéressants de toute ma vie. Un garçon aux yeux d'un bleu européen s'est avancé vers moi pour discuter de livres anciens... J'avoue l'avoir observé longuement avant qu'il ne s'approche de moi, son visage avait laissé passer bien des émotions en peu de temps, passant par la colère, la jalousie, la tristesse, la détermination et je dirais même la résignation. Quand il s'est approché, j'ai bien cru qu'il m'avait repéré l'observer bien que je sois toujours très discrète... J'ai été frappé par ses goûts prononcés en matière de livres anciens, c'était un connaisseur. Il préférait les livres de voyages, de Jules Verne à Marco Polo en passant par Vasco de Gama, rien n'avait autant touché ma curiosité depuis un bout de temps... Nous avons discutés et ri longtemps, un peu gênés au début, certes, mais la passion commune nous a décrispés. Il m'a promis de se renseigner sur les fleurs et les herbiers vu que je lisais mon livre sur les fleurs de camélia. Un peu ironique comme coïncidence quand on sait que je m'appelle Mitsuha Tsubaki, Tsubaki signifiant la fleur de camélia en japonais. Peut-être tires-je mon attrait pour cette fleur de mon nom ? Je ne promis pas à ce garçon de se revoir mais lui ai tout de même dit que je venait très souvent lire sur ce même banc ou à la bibliothèque du quartier. Peut-être reviendra-t-il ? Quel est cet espoir ? Je ne dirais pas que je suis amoureuse, c'est beaucoup trop tôt pour affirmer une telle chose mais disons que sa compagnie me semble agréable. Je ne sais pas vraiment ce qu'est l'amour à part celui que je porte à mes fleurs. Je suis une fille d'apparence et de mentalité "sage" mes longs cheveux noir de jais tombent dans mon dos en un dégradé simple, mes vêtements ont généralement l'air tirés d'un autre temps, noir et blancs, ou vert foncé, rarement colorés. je n'appartiens peut-être pas à cette époque... Cette idée me plaît quelque part... Je rêve d'un amour platonique et romantique comme il existait autrefois, tout raffinement des sentiments aurait-il disparu ? Ou serait-ce moi la Has-been ? Quoi qu'il en soit ce garçon en apparence contemporaine est peut-être aussi ancien que moi dans sa tête... Quel rêve...

J'arrive enfin chez moi la tête pleine d'interrogations, il n'y a qu'une seule chose dont je suis sure, c'est que je retournerais demain avec ce même livre à la gare. Le pire c'est que je ne connais même pas son prénom... Je ne lui ai pas donné non plus mais je parierais qu'il l'a lu sur ma carte d'emprunt. Vivement demain.

Les jours d'écoles ne me paraissent jamais longs mais aujourd'hui est un jour particulier, mon livre me semble brûlant dans mon sac, ne demandant qu'à revivre cette rencontre. Même Chihiro Kawagami, mon amie, remarque que mon attention est perturbée aujourd'hui. Je n'ai pas beaucoup de contacts à l'école, ni en dehors à vrai dire. J'ai parfois l'impression que les "amitiés" ou liens avec les autres sont fait pour être défaits ou trahis... L'après midi arrive enfin, je cours jusqu'à la gare et arrivée sur mon banc j'attends, oubliant presque de prêter attention aux trains... Il arrive enfin, me surprenant en penchant sa tête au-dessus de mon épaule, son odeur me semble familière, comme un fragrance passée de lys...

_" Bonjour !" me lance-t-il. "Ca ne te dérange pas que je revienne parler avec toi aujourd'hui ? Sinon tu le dis, n'hésite surtout pas ! "

Est-il aussi gentil qu'il en a l'air ? Je décèle chez lui une pointe d'ombre qu'il semble tenter d'effacer... Après tout je ne le connais pas.

_ "Bien sûr cela me fait plaisir, ce n'est pas tous les jours que je rencontre des féru des livres anciens." répondis-je avec un sourire timide.

Je ne suis pas particulièrement expressive au niveau de mes sentiments à mon grand malheur, je ne parle presque jamais ou juste pour el stricte nécessaire. Beaucoup de gens me disent arborer un "masque". Pourtant ce n'est pas ma faute, si je ne montre pas d'émotions sur mon visage c'est simplement que je n'en ressent pas avec ces personnes... je me concentre sur l'analyse et ceux que cela dérange n'ont qu'à pas s'intéresser à moi, c'est peut-être pour cela que je me suis retrouvée seule.

Il s'assied enfin à côté de moi, je pose alors le livre ouvert à une page présentant un magnifique camélia séché et conservé annoté d'une écriture élégante et ronde entre nous, une part de la couverture sur ma jambe et l'autre sur la sienne. Je viens de me rendre compte que cet disposition nous oblige à être très proches. Dès qu'il commente ou s'émerveille pour quelque chose je sens son souffle si près de moi... Son bras m'effleure à chacune de ses respirations, je ne comprends pas ce que je ressens.... , un trouble ? Difficile de se concentrer mais ses remarques et ses questions judicieuses m'emportent dans un flot de paroles. Je suis dans mon élément, c'est tellement agréable. Le temps passe sans que je m'en rende vraiment compte et je sursaute presque en voyant l'heure sur la grande horloge de la gare, déjà 18 heures... Je dois le quitter à mon grand regret mais j'aimerais tellement lui demander quelque chose... Quel est ton nom ? Pourquoi des mots aussi anodins n'arrivent pas à franchir mes lèvres ?

Je vais m'éloigne de lui en me confondant en excuses, en lui disant un faible "à bientôt". Je me hais... C'est alors qu'il m'interpelle :

_ "Hey, attend, dis moi... Quel est ton nom ?"

Un sourire inattendu apparait sur mes lèvres lorsque je prononce mon nom et mon prénom.

_ " Tsubaki... Tsubaki Mitsuha." "Et toi ?" parvins-je à articuler.

_ "Kitani Murashige. A bientôt j'espère Miss Camélia !" me dit-il en s'éloignant sur l'autre quai.

Je restais interdite un petit moment, le rose me monta certainement aux joues. Monsieur Kitani, n'avez vous pas honte de me perturber à ce point ? Murashige est un beau prénom... J'avoue ne pas savoir quoi penser, pour la première fois dans ma vie, quelqu'un ne s'est pas arrêté à l'image distante que je peux projeter... Je sais que j'ai dit considérer "l'amitié" ou les liens entre les personnes comme inutiles mais je ne sais pas pourquoi cette fois... J'ai envie d'y croire. Le chemin du retour me semble parsemé de pétales de camélia, une douce brise souffle dans mes cheveux...  Et un discret sourire éclaire mon visage.

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J'espère que vous avez apprécié le nouvel univers fleuri décrit ici. Je me remet à l'écriture, plus motivée que jamais. Mitsuha est un personnage particulier et j'affectionne sa personnalité particulièrement... Merci de me lire ^^

TheHastagQueen

Miss CaméliaWhere stories live. Discover now