La révolte des dérivées

26 1 4
                                    

Les mathématiques connaissaient une crise sans précédent. Il y avait toujours eu une ou deux fonctions rebelles, et des propriétés corrompues, mais la situation était largement pire, plus rien n'allait dans le bon sens, tout se déréglait. Les deux consuls, l'Algèbre et la Géométrie ne savaient plus où donner de la tête tant les problèmes étaient nombreux, et la police des propriétés n'avait plus aucun contrôle. Même les théorèmes démissionnaient. Le chaos régnait. Les parallèles ne s'entendaient plus, tous les vecteurs voulaient devenir normaux, les limites dépassaient les bornes. Et malgré tout ces incidents, cela aurait encore pu se régler facilement s'il n'y avait pas eu cette révolte...

En effet les dérivées protestaient toutes, à grands cris et munies de bannières aux slogans révolutionnaires. Elles étaient plus bien nombreuses que ce que l'on pouvait imaginer : un simple 2x pouvait en être une...Elle réclamaient les mêmes droits que les primitives, elles en avaient mare de faire tout le sale boulot à leur place : on ne les utilisait que pour étudier leurs cousines, et non pour elles mêmes, et c'en était trop. Elles voulaient faire plus qu'indiquer des variations. Les consuls avaient organisé une rencontre, la situation n'était plus tenable.


Ailleurs, dans un endroit paisible,beaucoup plus paisible que la capitale où se battaient les dérivées avec acharnement, deux nombres se baladaient. Ils arpentaient levillage des nombres négatifs en retraite, dans une campagne isolée.C'était un endroit serein, où malgré quelques lois un peu étranges(en effet l'enfant de deux nombres négatifs devenait positif), les choses étaient simples, bien définies, sans surprise. -2 marchait, accompagné de 0. D'ordinaire celui ci se faisait tout petit, il était très admiré : il ne respectait aucune règle, battait la division, et une grande partie des choses reposait sur lui. Il avait bon caractère, et ne se laissait que peu emporter par ses émotions. Partout où il allait on voulait son autographe, et à force, il n'avait plus une seule minute pour lui. -2 était son meilleur ami depuis quelques années, depuis que les deux, totalement par hasard, s'étaient rencontrés à un pique nique de probabilités.-2 était alors le gain, 0 l'espérance, et ce fut pour les deux un souvenir mémorable ! Dès lors, ils ne se quittaient plus. Ils tournèrent au coin d'une rue déserte, l'esprit ailleurs, sur un petit nuage de légèreté et d'inconscience douce. Derrière eux,une ombre les suivait discrètement depuis plusieurs minutes... -2 et 0 parlaient de leurs projets futurs, par ci, par là... Le danger se rapprochait inexorablement, sans qu'ils ne se doutent de rien, ils continuaient de discuter... -2 expliquait à 0 qu'il devrait prochainement se rendre à une réunion sur les puissances, histoire d'être briffé sur une ou deux nouveautés, rien de bien méchant en somme. Aucune propriété ne patrouillait la zone, il n'y avait pas une virgule dehors. D'un coup, l'ombre fondit sur eux sans prévenir, les assommant violemment d'un seul coup bien placé. -2 sombra alors dans un spirale sombre et glacée, et il tombait, tombait, tombait...


Les portes de la salle principale s'ouvrirent. Les délégués des dérivées prirent place à la table, ils ne comptaient pas se laisser faire. En face d'eux se trouvaient les représentants des primitives, bien distingués, ils n'avaient peur de rien, les lois étaient en leur faveur. L'Algèbre et la Géométrie étaient présentes, et présidaient l'assemblée. Elles semblaient attendre quelque chose, le silence devenait pesant. Le temps passait, sans que rien ne se produise. Une des primitives prit la parole :

« Attendons nous quelque chose en particulier pour commencer ? »

Les consuls semblaient mal à l'aise.

« Nous avons deux personnes encore qui ne sont pas présentes. »

À nouveau un silence de mort s'installa. La situation avait ce petit quelque chose de comique de lorsque tout le monde attend quelque chose qu'ils ignorent tout à fait. Derrière les portes, du bruit se fit entendre : une propriété héla un étranger, puis les portes s'ouvrirent et deux retardataires se faufilèrent jusqu'à leur place respective, embarrassées d'un tel retard. Une fois assises, l'une des deux, l'Aire, prit la parole :

L'enlèvement calculéWhere stories live. Discover now