Mon évidence

Le plus beau jour de ma vie

Samedi 30 Mai 2009 , 11h00

Je m'appelle Bastian, j'ai 25 ans, et aujourd'hui je m'apprête à épouser la femme de ma vie. Mila. Mon rayon de soleil, mon ange, mon tout. Nous nous sommes rencontrés au collège, et depuis nous ne nous sommes jamais quittés. Au premier regard, j'ai su que ce serait elle.

Elle m'avait fixé avec ses grands yeux verts en amande, j'étais fasciné. Ses cheveux bruns étaient remontés en un chignon décoiffé, tenu par un crayon. Ça m'avait fait sourire, je m'en souviens comme si c'était hier. De toute manière, je me rappelle du moindre détail la concernant. Nous n'avons aucun secret l'un pour l'autre, je connais chacune de ses pensées, chaque centimètre carré de son corps parfait.

Elle est mon évidence.

Je sais, ça fait un peu fleur bleue, mais c'était vraiment ce que j'avais ressenti à cette époque-là.

Elle comme moi avons grandi ensemble, et grand nombre de nos premières fois, nous les avons vécues ensemble. Bref, autant dire que le mariage ne pouvait pas ne pas faire partie des étapes à franchir ensemble.

Je me prépare en essayant de ne pas trop stresser dans la salle de bain. Je suis chez mes parents, car tradition oblige, les mariés ne dorment pas ensemble la veille du mariage. Je ne verrai pas sa belle robe blanche avant qu'elle n'entre dans l'église. Elle a tenu à ce que ce soit elle qui reste dans notre appartement, sûrement par souci d'échapper, ne serait-ce qu'une soirée, à la pression qu'exerce sa mère sur elle, et sur nous, et ce depuis qu'elle a décidé de prendre en main la préparation du mariage. Hélène est adorable, mais depuis quelques mois, et surtout ces dernières semaines, elle est devenue ingérable, même son mari ne la supporte plus. Pauvre Gérard, presque plus à plaindre que nous. Heureusement, Théo l'a remise à sa place quelques fois.

Vous vous demandez qui est Théo ? C'est mon meilleur ami, on se connaît depuis le collège. C'est aussi le grand frère de Mila. Et oui ! Ils n'ont qu'un an d'écart. Donc, mon meilleur ami est mon témoin, et mon futur beau-frère. Elle est pas belle la vie ?

L'heure commence à tourner, j'essaie de rappeler Théo pour la cinquième fois, il ne répond pas.

Il va finir par me faire réellement stresser ce petit con.

Je suis en train d'enfiler ma chemise, lorsque l'on frappe à la porte. Je me demande qui ça peut être car je n'attends personne à part mon témoin, qui ne le sera plus s'il ne daigne pas arriver rapidement. J'ouvre la porte, et retourne directement à mes occupations.

- Tu en as mis du temps, mon pote ! Tu as trouvé une nouvelle conquête sur ton chemin ou
quoi ? le taquiné-je. Vaudrait mieux pas que tu l'aies ramenée, car tu foutrais en l'air le super plan de table de ta mère.

J'entends la porte qui se referme, je trouve étrange qu'il ne réplique pas. Je me retourne, et là je suis intrigué par son visage blême, et l'expression qui passe dans son regard. De la tristesse, de la colère peut-être. Bref, il n'est pas dans son état normal.

- Eh, Théo, ça va pas ? On dirait que tu as vu un fantôme ? ris-je.

Ouh la ! Même ça, ça ne le fait pas rire. Merde, qu'est-ce qu'il se passe ? Je le vois se traîner et s'affaler dans le fauteuil, poser les coudes sur ses cuisses et se prendre la tête entre les mains. Je l'entends marmonner, mais ne perçois que des bribes "....partie", "pourquoi ?", "où ?".

Je commence à baliser car je ne l'ai jamais vu dans cet état, comme s'il était en état de choc. Je m'agenouille à sa hauteur, et lui attrape les épaules pour qu'il me regarde en face. Je le scrute, il souffre c'est évident, il essaie de me dire quelque chose car ses lèvres s'ouvrent et se ferment, mais les mots ne viennent pas. Des larmes perlent au coin de ses yeux.

- Putain, dis-moi ce qu'il y a, hurlé-je en le secouant.

- Mila. C'est Mila.

- Quoi Mila ? qu'est-ce qu'il y a ? dis-je en commençant à trembler.

- Elle est...elle est partie.

- Comment ça partie ? Mon rythme cardiaque a considérablement accéléré.

Là, je le vois, il plonge la main dans la poche de sa veste de costume, et il en sort une enveloppe. Cette écriture, je la reconnaîtrais entre mille, c'est la sienne, celle de Mila.

Je me relève, hébété, et je les regarde tour à tour, lui et ce bout de papier qui va sceller à jamais mon destin.

- Elle nous en a laissé une aussi, je suis tellement désolé mon frère, tellement désolé, dit-il dans un sanglot.

Il sort de la chambre, pour me laisser respirer. Mais le fait est que depuis trois minutes, j'ai oublié comment on faisait. Je décachette tant bien que mal l'enveloppe, c'est difficile car mes mains tremblent à un point. Malgré ma vue qui se trouble, je parviens à lire :

" Mon amour, je suis obligée de partir et de rompre la promesse qu'on s'était faite de toujours rester ensemble, quoiqu'il arrive. Crois-moi, si je suis partie, ce n'est en aucun cas parce que j'ai cessé de t'aimer, mais bel et bien parce que ce que je vais vivre, je ne peux pas te l'imposer. Tu es si jeune, et ça me brise le cœur d'avoir à te dire ça, mais je ne veux que ton bonheur, et même si aujourd'hui, tu as du mal à le croire, et je le comprends, tu verras dans quelques années que j'avais raison. Pour ma part, tu es et tu resteras, mon seul amour. Je t'aime et peu importe ce qui se passe, tu es et tu resteras mon évidence"

Je mets quelques secondes a réaliser qu'elle m'a bel et bien quitté.

Putain, elle est partie.

Les larmes coulent sans que je puisse les arrêter, je froisse le papier et le balance à travers la pièce. Et là, tous mes muscles se contractent, je respire bruyamment, je me mets à tout casser dans ma chambre, cette même chambre où tout avait commencé avec elle.

Je n'arrive plus à prononcer son prénom. Je suis dans une rage, je vois rouge, je ne contrôle plus mes gestes, tout ce dont je me souviens c'est une paire de bras puissants qui m'enserre de façon à ce que je ne bouge plus.

Comme s'il m'extirpait des ténèbres dans lesquelles j'étais en train de m'engouffrer, je l'entends.

J'entends la voix de Théo, me suppliant de me calmer, et puis plus rien...

Le trou noir...