Chapitre 6 - Miles

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Quand je me suis réveillé, Leah était partie, comme je m'en doutais. Je suis descendu demander aux autres s'ils l'avaient vue partir, mais la moitié d'entre eux ne savaient pas qui était Leah, et l'autre moitié était en train de cuver, et donc pas très disponibles. Je les ai renvoyés chez eux, et Mme Fitz a entrepris le nettoyage de l'appartement.

​Je suis dans ma chambre, allongé sur mon lit, et je regarde le plafond et repensant à hier soir. Je ne sais plus du tout quoi en penser, ni comment réagir quand je verrai Leah au lycée, lundi. Je me repasse le film de toutes mes conversations avec elle depuis qu'on s'est rencontrés, et je me maudis pour avoir dit certaines choses. Quelle idée de lui demander si elle était partie avec son copain ? J'aurais dû comprendre que quelque chose ne tournait pas rond, et qu'elle n'était pas du genre à sécher pour rester avec un gars. C'était juste une manœuvre pathétique pour savoir si elle est en couple, et, en plus, je ne suis pas plus avancé sur la question. Enfin, j'espère qu'elle ne l'est pas, et je ne préfère pas la voir comme une salope infidèle. En fait, au fond de moi, je le sais. J'ai le sentiment que c'est quelqu'un de bien, réellement. C'est peut-être à cause de notre conversations nocturne, parce qu'elle s'est ouverte à moi, ne serait-ce qu'un peu. Je suis heureux qu'on ait pu parler comme ça, mais je sais aussi qu'elle était plus qu'alcoolisée. Mais ça me fait mal de me dire que jamais elle ne voudra avoir affaire à moi, sobre. Alors je m'active toute la matinée, pour éviter d'y penser. Et ma façon de me vider l'esprit, c'est le running. Je cours à fond, ignorant la douleur croissante dans mes jambes, pour atteindre le moment où je ne le sens plus, où ma tête est vide, complètement vide.
​Une fois mes 10 kilomètres parcourus, je rentre chez moi prendre une douche. Je laisse couler l'eau sur mon corps, et je me sens bien. Vidé, mais calme et serein. Optimiste. Je me sens capable de tout. J'adore cette sensation, et c'est aussi ça que je recherche dans l'effort physique.
​Je passe chercher Tessa chez sa copine et je nous fais à manger. La cuisine, c'est une passion que ma mère m'a transmise. Depuis tout petit, elle m'a appris les recettes qu'elle tenait de sa mère, qui les tenait de sa grand-mère, .... Maintenant, cuisiner, c'est un peu une façon de me rapprocher d'elle. Enfin, de la mère que j'ai connue, avant la drogue. Putain, faut toujours que je finisse par repenser aux merdes qui m'arrivent.

​Un bruit dans l'entrée me tire de mes pensées. Je vais à la porte, et je qui-vois je ? Mon père, encore en uniforme. Il me sourit, donc je lui souris et lui fais une accolade. Tessa accourt et lui saute dans les bras. Même si on a des rapports compliqués, qu'on a tous les deux le sang chaud et que c'est souvent explosif entre nous, c'est mon père et je lui pardonne parce que je sais que ce n'a pas toujours été facile pour lui, et qu'il a encore du mal à accepter le fait d'avoir perdu sa femme. Il s'en veut encore de n'avoir rien fait pour empêcher ma mère de tomber dans la drogue, et cela me fend le cœur. Alors je l'accueille à la maison, et, comme toujours, je lui pardonne son comportement pas toujours génial envers ma sœur et moi.
​Comme il y a assez de curry pour trois, on mange, réunis, comme une famille normale. Ou presque.

– Fils ?
– Ouais ?
– Faut que je te parle. Tessa, tu peux débarrasser s'il te plaît ?

Ma sœur prend les assiettes et quitte la pièce, visiblement déçue.

– Je t'écoute.
– Alors, je veux que tu m'écoutes sans m'interrompre et que tu restes calme, ok ?
– D'accord. Bon, vas-y, accouche, tu me fais peur !
– J'ai rencontré quelqu'un. Elle s'appelle...

​Je réagis au quart de tour, oubliant la promesse que je viens de faire.

– Quoi ! Tu te fous de moi ? Ça fait combien de temps que vous avez divorcé, déjà ? Tu pourrais pas la respecter, un peu ?
– Miles. Laisse-moi finir.
– Non ! Je m'en fous ! Je veux rien savoir sur ta nouvelle pétasse.

​Et je me barre de l'appartement, en claquant la porte, pour parfaire mon imitation de l'ado en colère de base. En réalité, je suis juste effrayé. Parce que je ne veux pas faire face à la réalité. Je ne veux pas accepter le fait que c'est fini, que je dois oublier ma mère. Et que mon père a le droit de passer à autre chose. Qu'il doit le faire, pour faire son deuil d'elle. Parce qu'entre eux, plus rien n'est possible. Ils traversé trop d'épreuves, qui ont brisé toute possibilité d'avenir heureux. Mais elle n'est pas morte, merde !
​La décision de mon père de partir loin de ma mère m'a atteint plus que je ne veux l'admettre. Malgré mon âge, j'ai encore besoin de ma maman. Une mère doit être là pour ses enfants, à toutes les étapes importantes de leur vie, pour les soutenir. Mais la mienne a échoué là où tant d'autres ont réussi. Il faut que j'encaisse ça, et que j'apprenne à vivre avec. Et si cela veut dire accepter que mon père sorte de nouveau avec quelqu'un, il faut que je le fasse.
​Alors je rentre, et me rend timidement dans sa chambre.

– Papa ?

​Je le trouve assis sur le lit, l'air triste. Le voir, comme ça, ça me touche en plein cœur. Parce que cet homme, avec ses fragilités et ses difficultés, c'est mon père. Et je l'aime. Alors je le rejoins sur le lit, l'entoure de me bras, et le réconforte tandis qu'il pleure en silence sur d'anciennes photos de ma mère et lui.

– Je suis désolé, papa. Tu as le droit de passer à autre chose. Parle-moi d'elle.

​Et je l'écoute me parler de Marie, qui au final me paraît très éloignée du cliché de l'hôtesse de l'air que je visualisais, de toutes les salopes avec qui il s'est envoyé en l'air. Il me propose de la rencontrer le week-end prochain, et j'accepte.

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