2. À nos belles années

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Je m'en souviens comme d'hier. Je revois le sourire de Donghyuk, les joues rouges et des étoiles plein les yeux. Des étoiles qui ne quittaient jamais son regard, des étoiles qui illuminaient la noirceur de ses prunelles chaque fois que nous étions ensemble, riant de tout et de rien.

Je me rappelle cette fois, où nous étions allongés près de notre ruisseau, regardant le firmament. Ce soir là, la seule chose que j'avais vu briller dans ses yeux, c'était l'éclat de ses larmes, qui avaient finies par tomber dans l'herbe humide.

C'était juste avant qu'il ne parte.

Depuis, je n'ai plus jamais revu les étoiles de son regard. Mais je suis sur qu'elles resplendissent de nouveau, pour ses amis de là-bas.

Il m'a sans doute oublié. Pas moi.

Je n'ai jamais oublié ce jour là, où après avoir laissé mon ami partir, j'avais suivis le ruisseau. Notre ruisseau. Notre cachette favorite. Notre repère de forbans, où nous passions des heures, noyés dans les joncs, les pieds dans le courant.

Je l'avais suivis si longtemps que je ne sentais plus mes pieds dans mes petites chaussures d'écolier modeste. Et je l'avais vue.

Isolée, loin du village, un point gris perdu dans les vagues de fleurs et de céréales. J'avais couru. Longtemps. Et le point avait semblé ne jamais se rapprocher pendant un bout de temps.

Seulement, j'étais petit. Je devais avoir quoi.. 8 ans? Quelque chose comme ça. Maintenant, je ne mets qu'une dizaine de minutes pour rejoindre la gare.

La Gare Abandonnée.

C'est le nom que les anciens lui donnait pour qu'on ne s'y aventure pas. Ça fonctionnait. Et étonnamment, même avec Donghyuk.

Elle était minuscule. C'était un abris en ferraille et en vieilles pierres, couvert de lierre. Le quai était pavé, blanc immaculé, et le passage a niveau, bancal.

Elle était ridicule, recroquevillée sur elle-même. Comme si elle avait honte d'exister au milieu d'une nature reine. Pourtant, elle ne manquait de rien. Les oiseaux venaient y faire leur nid. Il y avait un banc, que le vent ne venait jamais déranger. Il y avait une machine à billet, que personne n'utilisait jamais et les vestiges d'une échoppe qui autrefois avait du tourner.

Dès l'instant où je l'avais vue, elle était devenue mon jardin secret. Dès que j'avais posé mes pieds sur ses rails, foulé ses dalles, j'avais su que j'y retournerais.

Depuis cette soirée là, chaque fois que les cheveux écarlates de Donghyuk disparaissaient derrière le gué du ruisseau, je remontais le courant. Je fuyais la retrouver, et j'y passais autant de temps que je pouvais. De toute façon, il n'y avait personne à la maison.

J'avais grandit entre ses murs. J'avais passé des centaines d'heures assis sur ce banc. Plus d'heures encore à racler les pavés, les rails, pour rendre son éclat perdu à ma gare. J'y avais parfois passé des journées entières, même des nuits.

Et jamais, je n'avais vu quelqu'un descendre du train. Ce même train qui passait deux fois par jour. Et qui rejoignait la grande ville.

Le train pourtant s'arrêtait toujours. Comme pour saluer une vieille amie muette qui lui avait rendu de nombreux services auparavant.

Le train pourtant s'arrêtait toujours, il semblait attendre quelque chose. Quelqu'un. Mais jamais je n'avais vu quelqu'un y monter.

Sauf Donghyuk.

Nous avions fait le chemin ensemble, sans un mot. J'avais la gorge nouée. Lui, les yeux rouges des larmes de la veille.

Il était monté sur les marches du wagon, et s'était tenu face à moi. Fidèle a lui même, et trop fier pour me montrer qu'il était triste, il m'avait fait un grand sourire. Un de ces fameux clin d'oeil, puis les portes s'étaient refermées.

Je l'avais vu agiter la main derrière la vitre.

Je n'avais pas bougé. J'étais resté prostré, debout sur le quai, fixant l'horizon où le chemin de fer disparaissait, emportant mon seul ami. Mes souvenirs.

Nos souvenirs.

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J'ai pas pu faire court ;; Pardonnez-moi.

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「 Il regardait passer les trains - Nomin 」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant