Chapitre 45 - Lâche-moi la grappe

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— Ouuh ! Tu pourrais te retenir quand même, Philippine.

— Crois-moi, quand je pète, ça ne fait définitivement pas ce bruit-là.

— Merci. Je suis parfaitement au courant de ça.

Ah oui. C'est vrai.

Il défait sa cravate avant de la jeter en boule dans son salon.

— Tu sembles épuisé.

— Dure journée. J'ai une employée ingérable qui m'a fait une scène au bureau.

— Ce n'est pas vrai ? fais-je faussement étonnée en sachant pertinemment qui est visé dans cette conversation.

— Si, si. Et en plus, elle est partie en dehors des heures réglementaires.

— Halala, il y a des gens qui n'ont vraiment plus aucun respect pour l'autorité et les règles établies, je te jure.

— Et toi ? Ta journée ? Mis à part faire le Kama-Sûtra avec ton canapé ?

— Mon patron est un gros con.

Tiens. Prends-toi ça dans les dents.

— Tiens donc ? siffle-t-il en se raclant la gorge.

— Après tout ce que j'ai fait pour lui, il continue de m'exclure de certaines choses.

— Le type totalement ingrat, dit-il en levant les yeux au ciel .

— Oui et en plus, je suis certaine qu'au fond, je lui ai sauvé la vie aujourd'hui.

— Hm... Qu'est-ce que tu as fait pour penser à ça ?

— Disons que j'ai interrompu une de ses réunions assez pénibles.

— Je vois. Sans doute, oui, l'as-tu aidé de par ta présence. Te voyant arriver, il a dû se sentir soutenu et a pu enfin mettre un terme à une vieille relation toxique.

— Tu m'en diras tant... Une relation toxique, hein ?

Voyant que je commence à prendre mon air le plus suspicieux, il s'empresse de détourner le regard ailleurs.

— Ouais enfin, je ne fais que supposer...reprend-il

— Tout comme je « suppose » que ton employée était pleine de bonne intention, mais que tu n'as pas dû comprendre et que tu as dû foncer dans le tas.

— Alors, non. Je n'ai pas « foncé » dans le tas. Mais il y a encore des choses qu'il me faut le temps de comprendre moi-même alors comment pourrais-je lui expliquer à elle ?

— Tu sais, parfois, les gens réfléchissent trop et oublient que de simples mots suffisent.

— Je rêve ou tu essayes de me tirer les vers du nez ? Tu tiens réellement à savoir ce que j'ai dit à Judith ?

— Ce que tu lui as dit ? Non, je m'en moque. Par contre, je veux comprendre ce qu'il s'est passé entre vous pour que tu en arrives ici aujourd'hui.

— Je m'en doutais. Mine de rien, je ne sais pas si c'est de la simple curiosité maladive à la « Philippine » ou si c'est de la jalousie.

— Le jour où je serai jalouse, mon coco, les poules auront des dents. Donc c'est juste de la curiosité. Moi aussi, j'ai besoin de comprendre.

— Il n'y a rien à comprendre. Judith et moi, comme beaucoup, nous nous sommes connus sur les bancs de la fac. On s'est fréquentés un bon bout de temps avant de vraiment sortir ensemble, puis finalement, le temps n'arrangeant rien... on a eu des boulots séparés. J'étais pot de colle, elle se focalisait sur sa carrière. On s'est séparés, point.

— Waw... Premièrement, tu es un très mauvais conteur. Deuxièmement, tu as passé un certain nombre de détails. Elle te court encore après, c'est évident, et honnêtement, je suis intimement persuadée que si je n'étais pas dans les parages, elle t'aurait mis le grappin dessus depuis belle lurette. Son seul obstacle, c'est moi.

— Ne dis pas n'importe quoi... Ce n'est pas comme si nous étions en couple, toi et moi.

Aïe. Touché.

Néanmoins, il marque un point. Nous nous étions mis d'accord sur ça, lui et moi. Nous ne voulions rien de sérieux, rien qui nous oblige dans le long terme. Nous voulions profiter de l'autre, des plaisirs de la chair et c'est tout. Pourtant, sa remarque résonne en moi comme une pique que l'on tourne et retourne dans mon cœur.

Je ne souffre déjà pas assez, non.

— Philippine ?

— Hm ? Quoi ?

— Ça va ? T'as fait une tête bizarre.

— Ah non, non. Je viens juste de penser à un truc, c'est tout.

— Mine de rien, j'aime bien avoir ces petits moments avec toi. C'est comme avoir une meilleure amie, mais avec tous les avantages seulement.

Et sinon, bouffon, tu vas m'en mettre encore beaucoup, des gifles, ou c'est ta dernière ?

« Mais défonce-le ! Tous les efforts et le temps que tu lui as consacré, à celui-là ! Vas-y, quoi ! C'est du gâchis. »

On se calme, là-haut. Même si je suis en partie d'accord avec ça, je ne peux juste pas prendre la licorne et le massacrer avec jusqu'à ce qu'elle explose en centaine de boules de coton.

— Olivier ?

— Oui ?

— Je peux te frapper ?

Soudainement, je prends conscience de ces jours, ces semaines passées et j'ai l'impression de me sentir... trahie.

Et la trahison, ça monte vite. Ça vous remplit les yeux avant même que vous n'ayez eu le temps de le voir venir et j'aimerais vraiment mettre ça sur le compte des hormones en folie.

— Mais tu pleures !

— Non ! Je fais pipi des yeux, trou du cul !

— Mais, Philippine...

— Juste... Laisse-moi toute seule, s'il te plaît.

— Attends, je pensais que...

Et moi aussi. Ô combien m'étais-je trompée sur ce sujet-là ? Comment n'ai-je pas pu le voir venir ? C'est terrible.

En fait, je me suis trompée toute seule.

— Mais pourquoi ?

Pourquoi ? Vraiment ? Pourquoi ne le réalises-tu pas tout seul, tiens ?

— Je me sens vraiment comme une grappe de raisin piétinée.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant