Chapitre 25 - L'art et la manière de faire

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— Ah ouais ?

— Ouais. Vous pouvez même choisir votre prétention salariale.

— Oh ! Monsieur est bien bon. Donc si je veux un salaire mensuel avec cinq zéros, vous allez me l'offrir sur un plateau d'argent ?

— Oui enfin... restez dans la limite du raisonnable, aussi.

— Je m'en doutais. Vous savez, dans mon domaine, je suis la meilleure et j'estime mériter plus que le salaire minimum.

— Certainement, et vous aurez plus si ce n'est qu'une question d'argent, je pense que nous pouvons largement nous entendre sur ce point-là.

Et je sais que c'est comme ça qu'il m'aura. Avec l'argent. Non pas que je sois à ce point attirée par ce dernier, mais je ne suis pas dupe et encore moins naïve. Olivier a raison, une occasion comme celle-ci ne se représentera pas deux fois et j'ai besoin d'augmenter mon salaire si je veux pouvoir continuer à payer les factures de l'hôpital.

— OK. Je veux mon propre bureau, lancé-je.

— Deal.

— Et un ordinateur portable neuf pour travailler chez moi, continué-je juste pour voir jusqu'où je pouvais aller dans mes demandes.

— OK.

— Une voiture de fonction aussi.

— Hé ! Faut pas pousser non plus.

— J'aurai essayé.

Qui ne tente rien n'a rien, à ce que j'ai cru comprendre.

— Vous pourrez venir signer votre contrat après-demain ? Je vous laisse ma carte de visite pour que vous ayez l'adresse de la boîte.

— Trop aimable.

— Je sais. On me le dit souvent.

— Et on vous dit aussi que vous avez un égo surdimensionné, Monsieur Joyeau ?

— Je n'en sais rien, vous êtes peut-être la première à me le dire, Mademoiselle Tagliani.

Olivier quitte alors la salle de réunion, retournant voir mon « futur ex-patron » qui fait une moue abattue. Sans doute apprend-il la nouvelle que l'accord est à remettre plus tard.

Comme c'est dommage.

— PHILIPPINE ! RESTEZ ! J'AUGMENTERAI VOTRE SALAIRE DE trois pour cent ! se précipite-t-il de me dire en me voyant partir.

— Même avec une augmentation de cinquante pour cent et une machine à café qui fonctionne, je ne resterai pas une minute de plus ici.

— Et si je me jette à vos pieds ?

— Vous pouvez même me cirer les chaussures, ça ne me ferait rien.

Sans aucun regret, d'ailleurs. J'ai assez donné de mon corps, de mon cœur et de mes larmes à cet homme des plus déplaisant.

En rentrant, je ne peux m'empêcher de me jeter sur mon canapé, m'affalant, m'effondrant en ayant l'impression d'avoir passé une journée en enfer. Plus jamais ça. Trop d'émotions. Trop d'événements. Trop de choses pour moi. Soudain, Olivier passe la porte de chez lui et je le regarde déboutonner sa chemise, tout aussi lessivé que moi.

S'arrêtant à l'encadrement de notre trou commun, il m'observe du coin de l'œil.

— Alors, votre rencard, c'était comment ? demande-t-il avec un petit sourire satisfait.

— Terrible. J'ai l'impression de revenir d'un champ de bataille. L'ennemi fut redoutable. Et vous ?

— Ce fut une bataille de longue haleine, mais j'ai réussi à revenir entier. J'ai bien cru mourir deux ou trois fois. Il y a de ces folles de nos jours, je vous jure !

— C'est pas vrai ? Comme c'est étonnant ! Vous planifiez de la revoir ?

— Je n'en sais rien. Je lui ai donné mon numéro. On verra. Et votre « date » ?

— J'ai eu son numéro... Je ne sais pas si je vais le rappeler. Je vais sûrement attendre et le faire maronner un peu. Histoire de le rendre chèvre.

— Vous êtes cruelle. Le pauvre, il doit certainement attendre votre appel désespérément.

— Ça m'étonnerait, il a l'air d'être un chaud lapin.

— Chèvre, lapin... C'est votre truc, les animaux ?

— Pas spécialement. Bon, vous allez rester là bien longtemps encore ?

— Pourquoi ? Je vous dérange ? dit-il alors qu'il continue de déboutonner sa chemise, le tout accompagné d'un léger sourire taquin.

Ah ouais ? Tu veux jouer à ça ?

— C'est fou ! Vous ne trouvez pas qu'il fait chaud soudainement ? fais-je remarquer en me levant.

Parce qu'il n'y a pas que toi qui peux t'amuser sur ce terrain-là.

— Tiens, ça vous dérangerait de m'aider à défaire ma fermeture ? Ce n'est pas pratique ces petites choses dans le dos, quand même. On se demande bien qui a inventé ça !

— Certainement un homme... C'est du génie.

Je m'approche, faisant descendre mes cheveux bruns sur mon épaule, me retournant pour qu'il puisse me défaire de ma robe.

Chose qu'il s'exécute à faire, le tout dans la plus grande délicatesse.

— Oups ! Holala, elle m'a échappé, la vilaine, fais-je en laissant tomber ma robe à mes pieds.

Je n'ai aucun scrupule et aucune honte à me retrouver en sous-vêtements devant lui. Pour moi, cela revient à être en maillot de bain et ça ne me pose aucun problème tandis que ses yeux baladeurs font leur bout de chemin.

— Dites donc, Monsieur Joyeau, on se rince l'œil ?

— Même pas. Il n'y a rien à voir.

— Ou « plus rien » vu que vous venez allègrement de me reluquer.

— En même temps, est-ce une tenue décente à avoir devant un homme normalement constitué ?

— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler... Bon, c'est pas tout, mais j'ai un bain à prendre.

— Vous le faites exprès, n'est-ce pas ?

— De quoi ?

— Ne faites pas l'innocente ! Je suis rodé au niveau des techniques de torture moderne.

Que tu crois mon ami, que tu crois.

Quand l'instinct primaire appelle, l'homme, aussi civilisé soit-il, ne résiste pas. Il fonce. Il y va.

— Je suis juste meilleure que vous. Voilà la différence de niveau qui nous sépare.

Ramassant ma robe, je lui adresse un léger signe de la main avant de m'engouffrer dans mon couloir.

— Quel dommage que ce rencard soit un échec total, je vais me sentir si seule dans mon immense baignoire !

Apprends, petit, c'est comme ça qu'on provoque quelqu'un.

Il faut avoir l'art et la manière.

Philippine - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant