Imaginary Rebirth - Origines Chapitre 1 : Eleanor

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Ce récit remonte à une décennie avant la rencontre entre Tobias et Eleanor sur le balcon du château d'Eterna. A cette époque la jeune Hybride, âgée de huit ans, était une esclave parmi tant d'autres en Aether et vivait sous le joug malsain du plus horrible Furrien que cette réalité n'ait jamais connue. Il s'agissait d'un loup blanc nommé Wolfgang, un être que l'on disait si terrible que tous les nuagiens, les "marins célestes", tremblaient de terreur à la simple évocation de son prénom ou de son titre : celui d'Empereur des Océans.


Le vaisseau de Wolfgang, un gigantesque zeppelin capable de transpercer les plus redoutables nuages orageux, était connu sous le doux nom de "Carmen", dont la douceur n'était pas sans rappeler les terribles batailles teintées de sang et rouillées par le temps. On disait de Wolfgang qu'il avait hérité d'un don d'immortalité, à la suite d'un titanesque combat contre son rival de toujours Kannon Marek, et qu'il exerçait depuis lors sa maléfique emprise sur les Hybrides d'Aether. Un millénaire complet de souffrance et d'esclavagisme d'une race ayant perdu son territoire, mais aussi ses racines; un millénaire de perdition.


Une turbulence aérienne, comme il en existait beaucoup par-delà les courants nuageux, réveilla en sursaut l'enfant, nue comme un ver et repliée dans ses grandes ailes brunes et charbonneuses. L'absence de hublot dans la cellule commune des Hybrides, autrement nommée le "Garde-Manger" ne permettait pas de distinguer s'il s'agissait du jour ou de la nuit. La jeune fille grelotta et se terra dans ses plumes. La plupart des individus présents dans la pièce dormaient à point fermés, mais certains étaient bien éveillés, le regard vide de toute vie et attendant patiemment que vienne leur heure. Jamais un Hybride ne s'était révolté contre cette injustice. N'avaient-ils, après tout, jamais été programmé pour répondre à ce seul besoin carnassier instauré par la suprématie Furrienne ? Malgré son jeune âge, L'Hybride était bien consciente du danger que représentait un vil individu tel que Wolfgang, et la portée de son influence. Elle le savait, car cela faisait désormais trois ans que la jeune Hybride attendait son heure. Elle avait bien essayé de hurler, de pleurer, de se mutiler, et même de s'ôter la vie, mais rien n'y fit. Si dans l'indifférence la plus totale les membres de l'équipage la laissait en proie à ses cauchemars et ses insécurités, il était pourtant bien hors de question qu'elle meurt d'une quelconque façon. Jamais elle ne devait perdre le souffle de la vie autrement que par les crocs du maudit Empereur, qui voyait en l'enfant une fabuleuse source d'énergie, plus intense encore que n'importe quel Hybride sur lequel son regard s'était posé depuis son accession au pouvoir. En lui laissant prendre de la maturité, il pouvait pérenniser ce bien précieux qu'était la demoiselle et, le jour où il la dévorerait, il gagnerait sans nul doute assez d'énergie pour vivre mille ans encore.


Elle se tourna et contempla le mur de sa cellule, qu'elle connaissait si bien qu'elle pouvait en décrire chaque imperfection les yeux fermés. Elle passerait cette nouvelle journée, si tant est que le soleil soit au zénith, emmitouflée dans ses ailes jusqu'au lendemain, voire la fin de sa vie. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas exprimé de son que son propre timbre de voix lui apparaissait inconnu. Elle ferma les yeux, prête à se rendormir. Il n'y avait rien de mieux à faire. La porte s'ouvrit. L'enfant ne cilla pas; elle connaissait parfaitement cet événement quotidien, leur seule véritable routine en ces lieux. Il s'agissait du Prélèvement, un phénomène qui indiquait qu'une poignée d'Hybrides quittait le navire et se faisait remplacer par de la viande plus fraîche. Elle ne se tourna pas. Les nouvelles têtes ne l'intéressait pas, au sein de ce cycle éternel où chaque entité se mouvait dans les pièces d'un terrible échiquier dont elle semblait être le Roi à protéger à tout prix. Le sacrifice de ses pairs, alors vain, ne servait qu'à nourrir sa haine profonde envers son tortionnaire, que la lassitude, plus que la peur en elle-même, distillait désagréablement, au point qu'elle ne ressente plus rien. Un fracas inédit, de ceux qu'elle n'avait entendu qu'une fois dans sa vie, lui fit cependant écarquiller les yeux.

Imaginary Rebirth - OriginesWhere stories live. Discover now