Chapitre 1 - Un nouveau départ

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Dans la cuisine, deux personnes discutaient. L'une semblait plus âgée que l'autre.

« Alors c'est vrai ? Tu acceptes ? Et tu ne changeras pas d'avis ?

- Si je te le dis. Et non, je ne changerais pas d'avis. Je n'ai pas accepté pour rien.

- Oh merci !, s'enthousiasma la plus jeune des deux. Merci Tante Judith.

- Hep, hep, hep ! Ne me remercie pas trop vite. Je pose ma condition.

- Et quelle est-elle ?, s'inquiéta la jeune fille.

- Je ne veux pas que tu vives seule dans cette grande maison.

- Ne me dis pas que tu veux que j'aie des baby-sitters ? Ou que tu veux y emménager avec moi. Parce que si je veux y vivre, c'est... comment dire... pour devenir indépendante.

- Oui, je sais, se renfrogna Judith. L'oiseau doit quitter son nid un jour ou l'autre. Mais si je pouvais te garder encore petite, ce serait bien. Je veux que tu aies des colocataires.

- S'il n'y a que ça pour te rassurer, ça me va. »

Chloé venait de finir des négociations interminables. Cela avait duré plusieurs jours, mais elle avait réussi à obtenir ce qu'elle voulait : les clés de la maison où elle avait grandi aux côtés de ses parents. Ces derniers avaient disparu dans un accident d'avion. Il avait plongé et coulé dans l'Océan Atlantique alors que Monsieur et Madame Campton revenaient de voyage d'affaire en Europe, six ans plus tôt. Chloé n'avait que douze ans lorsque le drame s'était produit. Depuis, elle vivait chez sa tante, la sœur de son frère, devenue sa seule famille.

Les deux femmes étaient devenues vite très proches, même si parfois, les disputes étaient de mise. Mais leurs discordes s'amenuisaient vite, les broutilles disparaissaient, et toutes les deux finissaient sur le canapé avec une glace, devant un bon film qu'elles adoraient toutes deux, Le cercle des poètes disparus, avec Robin Williams dans le rôle principal.

Au-delà des crises de colère, il y avait aussi les crises de larmes, voire des crises d'angoisses. La douleur de la disparition de ses parents était parfois insupportable. Chloé avait eu une phase de cauchemars se répétant nuit après nuit, sans qu'elle puisse y échapper. Judith avait tenté de l'envoyer voir un psychologue, mais malgré ça, rien n'atténuait ces crises. La pauvre tante avait essayé de multiples façons d'apaiser sa nièce, ne supportant pas de la voir aussi attristée, et repliée sur elle-même. La femme n'avait réussi cet exploit que grâce aux goûts musicaux de Chloé. Clair de lune, de Claude Debussy, avait ce pouvoir de l'apaiser et de l'aider à s'endormir. Mais cela n'était seulement dû au fait que, petite, ses parents lui avaient fait écouter les plus grands classiques musicaux, notamment lorsqu'elle refusait d'arrêter de pleurer, sans aucune raison apparente.

Quoi qu'il en soit, du temps était passé depuis que les deux femmes s'étaient mutuellement adoptées, apprivoisées, supportées. Et aujourd'hui, comme l'avait dit Judith, le moment était venu pour Chloé de voler de ses propres ailes. Sa nièce réclamait, de manière légitime, son indépendance. Ce qu'elle avait obtenu. Les clés de la maison en étaient le symbole. Judith ne pouvait que constater que sa nièce était très mature pour son âge, et qu'elle était capable de se débrouiller sans elle. Si elle avait posé la condition des colocataires, c'était bien parce qu'elle savait que Chloé se refermait sur elle-même, et qu'elle n'avait aucun contact avec des jeunes de son âge, ce qui l'inquiétait fortement. Cette colocation ne pourrait lui faire que le plus grand bien, elle en était certaine.


La semaine suivant cette discussion fut très remplie. En plus de faire ses cartons, Chloé devait faire les démarches pour ouvrir les compteurs d'électricité et de gaz de la maison, elle devait chercher un fournisseur internet pour continuer à publier sur son blog, et puis parce qu'elle aurait besoin d'internet pour l'université. Surtout qu'il fallait qu'elle montre un bon travail si elle souhaitait rester dans celle qu'elle avait choisi. La jeune fille devait s'y rendre pour remplir les derniers formulaires d'inscription, et régler les sommes dues pour son année universitaire. Souhaitant le meilleur pour elle, ses parents avaient commencé à épargner de l'argent sur un livret à son nom, dès sa naissance. C'était donc un bel avenir qui lui était assuré à la prestigieuse université de Yale.

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