Je m'appelle Colombo

Je m'appelle Colombo et j'écoute de la musique

Un jour ou peut être un soir, je venais juste de terminer mon repas, des grains de riz dans le creux de la main de Rimel (j'adore picorer ainsi plutôt qu'à même le sol ou dans un bol, c'est peut être plus doux pour mon bec ou est-ce en souvenir de la becquée que me donnaient mes deux mamans), quand j'entendis soudain des sons harmonieux et doux ; Attentif, j'arrêtai de bouger, je dressai la tête et tendis le cou à gauche et à droite pour suivre les notes de musique. Rimel qui m'observait remarqua avec étonnement et intérêt le calme que me procuraient ces doux tintements; 

Depuis ce jour là, après chaque repas, Rimel m'emmène dans la salle de séjour et me fait écouter de la musique de carillon pendant un petit moment. Au début, je suis un peu agité, je ne reconnais pas les lieux et j'ai un peu peur ; Rimel me pose sur son bras et pas à pas, reprenant confiance, je me calme et m'installe confortablement sur son épaule ou même sur sa tête. Nous écoutons quelques morceaux de carillon et partageons un petit moment de rapprochement.
Aujourd'hui, Rimel m'a fait découvrir les chants des oiseaux, c'est très varié et très beau. Elle a essayé de siffler quelques notes sans grand succès, elle a tourné sa langue dans tous les sens, pincé ses lèvres, arrondi sa bouche. Rien n'y fait, elle n'est vraiment pas douée. Dire qu'il y a des personnes capables d'imiter à la perfection les chants des oiseaux, quel exploit ! Et que des oiseaux, qui ne parlent pourtant pas, émettent autant de sons différents, quel mystère de la nature !

Mais pour le moment, je veux reprendre mon vol et quitter la salle de séjour. Pourtant, je ne bouge pas, j'hésite à me lancer; la dernière fois que j'ai essayé, j'ai heurté violement les vitres de la fenêtre. Je n'ai pas eu très mal mais cela nous a inquiété Rimel et moi et rendus plus prudents. Depuis, Rimel tire un peu les rideaux quand nous sommes dans la salle de séjour pour m'éviter de telles mésaventures.

Ressentant mon envie de bouger, Rimel se dirige lentement vers la fenêtre, l'ouvre en grand et me montre; « ici c'est le balcon, voici le bac à fleur où tu es né». Des fois, nous nous asseyons un bon moment dans l'embrasure de la fenêtre pour apprendre le dedans et le dehors et reconnaitre une fenêtre ouverte d'une fenêtre fermée. Elle me dépose ensuite sur une branche morte, j'y reste un moment, j'hésite puis prends mon envol.

En effet, depuis quelques temps, Rimel me fait quitter l'appartement par la fenêtre de la salle de séjour et non pas par celle de la cuisine comme je faisais avant. Elle veut que je reconnaisse le balcon, que j'y revienne après mes promenades et que je m'y installe. Je ne sais pas si je vais y arriver : Pour le moment, je viens toujours à la fenêtre de la cuisine et je l'appelle en poussant des petits cris. Elle me reconnait tout de suite ; elle accourt toute contente:« Colombito, Colombino, Colombito, bonjour mon coco, tu étais où ? Qu'est ce que t'as fait ?..», elle me donne à manger et à boire et depuis peu me fait écouter de la musique.

Au début, quand j'ai commencé à voler et que je partais au loin, elle avait bien essayé de m'appeler chaque fois qu'elle voulait me voir « Colombo, Colombo, Colomboooo ». Mais je ne l'entendais pas et cela gênait les voisins. Parfois, quand je tardais trop à rentrer, Rimel me cherchait dans les airs, dans le jardin, essayait de me reconnaitre parmi les autres pigeons et se disait qu'elle m'attacherait bien un collier; A mon retour, elle m'observait très attentivement ; je suis gris clair, j'ai des stries noires sur l'extrémité des ailes, le dos et le dessous des ailes tout blanc et ma gorge est de plus en plus foncé. Depuis, elle s'est renseignée et sait que je suis un pigeon de la famille des Bisets, que nous sommes fidèles en amour, que nous ne migrons pas en hiver et qu'il est impossible de mettre un collier aux pigeons ! Parfois aussi, elle lançait des miettes de pain ou des morceaux de biscuits dans le jardin intérieur pour faire venir mes congénères et moi avec eux.

De toute façon, à cette époque, je venais souvent la voir et nous étions heureux de nous retrouver ; je rentrais presque tous les soirs, je passais la nuit sur une chaise, sur un petit tabouret, sur un meuble. Un jour qu'il faisait très chaud, j'avais même passé toute la journée dans la cuisine malgré les faibles tentatives de Rimel de m'envoyer prendre l'air.
Oui, nous étions vraiment heureux de nous retrouver surtout après une longue absence ou une nuit passée dehors : Ce soir là, Rimel, prise d'une envie soudaine de s'amuser, me mit de la nourriture et de l'eau à portée de bec et partit faire la fête. A son retour, elle nota avec une pointe de déception et un soupçon d'inquiétude que je n'étais pas là. Quel ne fût son bonheur de me revoir le lendemain matin : je n'avais rien et je ne l'avais pas oubliée.

Seulement voilà, la cuisine n'était pas l'endroit idéal pour héberger un pigeonneau ; je faisais mes petits besoins n'importe où et surtout, j'étais dérangé dans mon sommeil par la lumière et les allées et venues, pourtant restreintes, de Rimel. Un soir, Elle me promit un chez moi dès le lendemain.

Le jour suivant, dès le matin, elle remonta de sa cave de quoi fabriquer une petite niche à accrocher au mur. Elle se renseigna sur la capacité des pigeons à apprendre la propreté, ce qui serait possible d'après certains mais demanderait du temps. Elle aménagea le balcon afin d'y installer un promontoire et finit par poser un petit perchoir sur le bord de la fenêtre de la cuisine en attendant d'avoir une meilleure idée.
A mon retour, Rimel me fit manger et boire mais m'empêcha de me poser comme à mon habitude, sur un des meubles de la cuisine. J'ai alors quitté les lieux et partit dans la nuit. Depuis, je dors toujours à l'extérieur et c'est mieux ainsi pour nous deux : Un pigeon, ça vit en plein air et ça dort dans un arbre ou sur le toit d'un immeuble. Et puis, comment je ferai quand elle s'absentera pendant plusieurs jours ? Je dois être autonome, apprendre à me nourrir, coucher dehors, me faire des copains et vivre ma vie de pigeon. Cela ne nous empêchera pas de nous aimer ni de faire des tas de choses ensemble.

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