Chapitre 12

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Durant les deux jours suivants, Eliott et moi travaillons chacun de notre côté, entre deux épisodes de séries, et ne redevenons des êtres civilisés qu'aux repas, ou lors de nos brefs passages au bar de Marty.

Dès le lendemain de notre rencontre, le père de Léna, Frank, m'a recontacté. Nous sommes restés plus de deux heures au téléphone, durant lesquelles il m'a expliqué la situation délicate de sa famille. D'après lui, le problème n'est pas financier, mais le petit Léon nécessite un grand nombre de soins, d'aides et de soutien, ce qui fait que Lena est involontairement mise de côté, voire négligée. Elle veut aider, mais son âge la limite alors elle ne sent ni écoutée, ni utile. Après cette conversation avec Frank, j'ai également pu directement m'adresser à Léna.

- Maman est tout le temps à l'hôpital, je ne la vois que le soir, mais c'est très tard et papa ne m'autorise pas toujours à l'attendre. Lui, il travaille toujours, mais je dois quand même rester avec lui. Du coup, je dessine dans un coin du bar, ou alors je vends mes cookies. Je rate beaucoup l'école et mes copains ne me parlent plus beaucoup, parce que je ne les vois jamais, m'a-t-elle expliqué.

Au bout du fil, sa voix fébrile et brisée par les sanglots m'a fendue le cœur.

Adrian a raison, si cette petite fille me tient à cœur, je dois trouver un moyen de remédier à sa tristesse. Aucun enfant ne devrait passer les plus belles et innocentes années de sa vie dans l'inquiétude et la souffrance. A sept ans, elle ne devrait pas porter sur ses épaules le poids de la maladie de son frère.

J'ai posé un tas de questions à Léna, toujours en évitant le sujet sensible, auxquelles elle était ravie de répondre. Au fur et à mesure de notre échange, plus je m'intéressais à elle, plus elle se livrait à moi avec enthousiasme. Sa voix prenait une intonation plus rieuse, détendue et insouciante.

Après cet appel, je me suis rendu compte que ce dont Léna manque, c'est d'attention. Elle a besoin que quelqu'un l'écoute et lui soit dévoué. C'est cette personne que je veux être pour elle.

*

- Bon, on les fait ces quenelles ? Demandé-je a Eliott.

Lunettes sur le nez, concentré, il tape sur son clavier d'ordinateur. J'enroule mes bras autour de son cou et me penche de façon à faire pendre mes longs cheveux d'un blond glacial contre son visage.

- Aller ! j'insiste.

- Maya, dégage de là, gronde-t-il en se dégageant de mon étreinte.

Avec tout le temps qu'il passe à travailler, il peut bien se permettre une pause le temps d'une recette. Je n'en démords pas et me campe devant lui en adoptant un air impatient. Il me dévisage, agacé.

- Prépare les ingrédients, j'arrive dans cinq minutes, cède-t-il.

Je savoure ma victoire en rassemblant tout le nécessaire pour cuisiner sur le plan de travail. Nous avons environ trois heures avant que Lison ne rentre, ce qui nous laisse une bonne marge. Eliott me rejoint, une bière à la main.

- Avant tout, buvons.

Il boit une longue gorgée en déglutissant bruyamment.

- J'ai déjà préchauffé le four, dis-je.

Eliott contourne le bar pour prendre ma place, prêt à recevoir mes directives.

- Dispose les fruits de mer, les quenelles et les champignons dans le plat à gratin.

- Bien, madame.

Sous ma surveillance, il s'applique à la tâche. Il manipule chaque crevette comme des objets fragiles et délicats.

This Is Our SongWhere stories live. Discover now