Chapitre 2 . Kate

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Assise derrière le comptoir, le nez dans le livre des comptes, je me laissais bercer par le ronronnement des moteurs et les bruits métalliques venant du garage. Je faisais le bilan du mois et ce dernier semblait plus que correct. Tout avait l'air en ordre. La tête dans mes chiffres, je n'avais pas fait attention au client qui s'était approché. Lorsqu'il m'interpella, je ne pus m'empêcher de sursauter.

— Je ne voulais pas te faire peur.

En relevant la tête, je l'assassinai du regard.

— Je peux savoir ce que tu fais ici ? m'écriai-je alors que Chris s'accoudait au comptoir comme si l'endroit lui appartenait.

— Impossible de te mettre la main dessus depuis quelques jours. Je suis donc allé au plus simple. À cette heure-ci, il était clair que je ne pouvais pas te rater. Ça fait trois soirs de suite que je tape à ta porte, Kate, et que tu n'es pas là.

— Je bosse tard, tu le sais. Tu aurais très bien pu passer au Sun Set.

Le Sun Set était le diner que mes parents nous avaient légué à leur mort. Restaurant que je faisais tourner sans l'aide de Leslie, puisque cette dernière planait trop pour pouvoir manager l'équipe.

— Tu as mon fric ?

— Avec ma paie et mes pourboires, j'aurai la bonne somme.

— J'aime faire affaire avec toi, chérie. Il n'y a guère de complications et c'est un pur bonheur.

Son regard glissa le long de ma gorge jusqu'au peu de chair que dévoilait mon tee-shirt.

— Passe ce soir au Sun...

— On fait ça chez toi, Kate.

Je soupirai d'énervement.

— Je devrais finir aux alentours d'une heure du matin. Attends-moi à la maison. Je veux qu'on règle ça au plus vite. Il faut que je dorme.

— Je peux savoir de quoi vous parlez exactement ?

La voix dégoulinante et écœurante de mon patron retentit derrière moi. Chris leva les yeux vers lui, le considérant hautainement.

— Si on te demande, tu diras que tu n'en sais rien, lui rétorqua-t-il sèchement.

La main grasse de Jeffrey se posa sur mon épaule, tentant de marquer son territoire. Les mâchoires de Chris se serrèrent, ne promettant rien de bon.

— Kate est mon employée. Je n'autoriserai pas que quelqu'un vienne dans mon garage pour lui solliciter certaines faveurs.

C'était la meilleure ! Sans un seul mouvement brusque, je me levai et reculai d'un pas afin que Jeffrey ne me touche plus. Depuis le temps, je savais qu'il valait mieux jouer les indifférentes lorsqu'il tentait de pousser un peu trop loin les rapprochements.

— C'est un ami de ma sœur, lui expliquai-je. Il veut juste venir reprendre un objet que Leslie a oublié de lui rendre, rien de plus. Maintenant, excusez-moi, mais il faut que je finisse la compta.

Mieux valait tenter de désamorcer la situation avant qu'elle ne dégénère. Il était hors de question que je sois témoin d'une bagarre, sans compter que cette dernière ne pourrait avoir qu'une seule issue : la victoire de Chris, et donc mon licenciement. Je contournai mon boss en laissant deux bons mètres entre nous et me dirigeai vers le bureau situé plus loin, sans adresser un regard au soi-disant ami de ma sœur.

— Je pense que je devrais me présenter, lança-t-il d'une voix sourde. Chris Peterson.

Jeffrey ne répondit rien. Logique. Tout le monde ici connaissait ce nom.

Hais-moiWhere stories live. Discover now