Chapitre 30 - Comblée

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Elle se réveilla lentement en entendant ce léger sifflement témoignant du vent qui passait sous la porte. Joachim et elle avait pris place dans son ancien lit qui n'avait jamais été défait. Ses parents n'avaient pas touché à la mezzanine, étais-ce parce qu'ils avaient trop mal pour jeter ses affaires ? Ou bien parce qu'ils avaient durant deux ans gardés le secret espoir que leur fille reviendrait un jour ?

Quoiqu'il en soit, Rosalie se sentit énormément touchée de retrouver tout ce qui avait servi son quotidien plusieurs années auparavant : les draperies qui lui avaient été offertes par le Roi et la Reine, sa malle contenant ses robes, quelques livres qu'elle avait lu une bonne dizaine de fois, une boîte où étaient soigneusement rangés une brosse abîmée et une ribambelle de rubans de toutes les couleurs. Elle se rendit néanmoins compte qu'aujourd'hui, elle ne s'attachait pratiquement plus les cheveux, même en ayant été servante, elle avait prit l'habitude de ses cheveux épais qui lui tombaient devant les yeux. Peut-être ce nouvel engouement était en partie dû au fait que Joachim adorait ses cheveux et qu'il les lui détachait quand ils ne l'étaient pas.

Elle se redressa doucement dans le lit pour ne pas déranger son compagnon puis elle descendit l'échelle et se fit une épaisse tresse avant de se faire chauffer un peu de lait. Le goût onctueux et sauvage du lait brûlant lui fit un bien fou, elle ne se souvenait pas à quand remontait la dernière fois qu'elle avait bu de ce breuvage, mais cela ne datait pas d'hier.

Ses entant dans une situation d'extase et l'allégresse, elle prit place sur le canapé et observa le ciel au travers de la petite fenêtre carré tout en dégustant le lait par petites gorgées.Pour une fois depuis longtemps, le soleil semblait plus lumineux que d'ordinaire. Elle se rappelait de la chaleur et le paysage baigné de lumière en Afrique et en Inde, mais plus le bateau avait avancé en revenant dans le nord du globe, et plus l'astre du jour se faisait absent et froid, jusqu'à ce que la pluie ne prenne la totalité du ciel.

Cette grisaille perpétuelle au dessus des têtes était bien la seule chose qui ne lui avait jamais manqué.

Elle entendit un grincement, en tournant le visage, elle découvrit Joachim qui descendait l'échelle. Il s'approcha d'elle en souriant et l'enlaça comme chaque matin. Ils vivaient là des petites choses du quotidien simples mais pourtant si intenses, ils en avaient rêvés et cela ne leur était accessible qu'en fuyant... Qu'il en soit ainsi.

- Tu as bien dormi ? Lui demanda-t-elle en se levant.

- Oui, acquiesça-t-il.

- Cela doit beaucoup changer de chez toi, remarqua Rosalie doucement en s'approchant du lait encore chaud pour en servir un verre.

- Évidemment, mais je me demande si ce n'est pas cela que je préférerais, avoua-t-il en montrant la pièce de la main. Après tout, si je voyageais beaucoup c'était pour mon plaisir personnel, mais n'étais-ce pas aussi un peu pour échapper à ma vie avec mes parents à Bradford ?

Rosalie lui tendit le verre de lait et il la remercia.

- Tu t'es déjà posé cette question ?

- Plusieurs fois, mais à l'époque je ne te connaissais pas alors que je n'avais que ça de toute manière.

Elle fit un sourire.

- C'est divin, s'écria-t-il en parlant du lait chaud. Cela faisait bien longtemps que je n'en avais pas bu.

- Pour moi aussi.

Ils échangèrent un regard complice avant que son frère n'entre en poussant brusquement la porte de l'entrée, tenant un lapin sur son épaule et deux faisans.

La Conquête PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant