Chapitre 8 - Blessée

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- Non.

Ce fut un « non » catégorique, une boule se forma dans la gorge de Rosalie.

- Pourquoi ?

- Parce que si je vous libère, dès notre retour en Angleterre, vous me quitterez.

Le cœur de Rosalie se mit à frémir tellement son aveu semblait réel, mais cela la perturbait aussi beaucoup. Rosalie ne savait pas comment réagir mais au lieu de se jeter sur lui comme elle se voyait le faire, elle ôta son bras de sa main et partit sans rien ajouter.

Joachim la suivit en attente d'une quelconque réponse jusque dans la chambre de la jeune femme où elle s'enferma, le laissant sur le paillasson.

A ce stade, elle ne pouvait pas espérer se sortir de ce sable mouvant de sentiments. Ces sentiments pour Joachim, qu'ils soient bons ou mauvais, la consumait de l'intérieur et elle ne voulait pas en arriver là. Elle ne voulait pas l'aimer par peur d'être triste. Pourtant,elle savait quel pouvoir il exerçait sur elle, il l'envoûtait et la rendait terriblement vulnérable. Cela l'effrayait.

Cependant, elle n'arrivait pas à rester loin de celui qui la faisait se sentir importante et plus vivante que jamais.

- Je vous en prie, dites quelque chose... La supplia-t-il alors que le silence faisait office de réponse.

- Je... je ne sais pas quoi vous dire, Monsieur.

Elle opta pour l'option mensonge plutôt que se voir tomber éperdument amoureuse d'un démon déguisé en ange. Elle voulait de suite arrêter les dégâts avant qu'elle ne puisse plus faire demi-tour. Les choses prendraient du temps, mais Rosalie était persuadée qu'elles finiraient par rentre dans l'ordre.

- Dites que vous resterez.

- Je ne partage pas ce sentiment, et si vous me relâchez, il est évident que je partirais pour récupérer ma vie. La mienne, celle qui m'a été volée.

- Arthur m'a raconté, Rosalie.

- Arthur ne sait pas tout, Joachim ! Rétorqua-t-elle. Vous ne savez pas, vous ne pouvez pas comprendre ce que je ressens puisque vous ne savez rien de ce que c'est d'avoir une vie d'esclave.

Elle marqua une pause.

- J'essaie d'être amicale, Monsieur, pour rendre votre séjour agréable puisque vous m'avez nommée pour vous servir. Mais je ne vous aime pas le moins du monde.

Elle entendit son souffle se couper un instant.

- Alors je ferais en sorte que vous appreniez à m'aimer.

Sur ce, elle l'entendit tourner les talons et s'éloigner. Rosalie soupira, les larmes aux yeux. La détresse qui venait de s'emparer d'elle était telle qu'elle eut envie de mourir que la supporter une seconde de plus. Elle s'approcha doucement du hublot de sa petite chambre pour se perdre dans l'océan et le ciel grisonnant. L'eau faisait des remous et le vent hérissait la surface, des éclairs silencieux zébraient le ciel loin devant. Ils allaient droit dans l'orage qui grondait.

Rosalie ferma les yeux un instant.

- Ô, Seigneur, donnez-moi la force de lui résister encore !

Elle rouvrit les yeux, soudain plaquée contre le mur suite à une violente secousse. En regardant dehors, elle se rendit compte que le ciel s'était encore assombri. Et sentant d'autres secousses plus ou moins violentes, elle savait que cette nuit ainsi que les prochaines, elle ne dormirait pas. L'équipage et Joachim ne dormiraient pas non plus.

Puisque,pour une fois, le devoir ne l'appelait pas quelque part, Rosalie prit la liberté de faire un somme qui fut de courte durée. Elle sentit son front heurter quelque chose de froid et de dur. En se redressant, sa chambre était dans le noir total, elle put ensuite distinguer des cris provenant de l'extérieur.

La Conquête PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant