Chapitre 2

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Le lendemain, je me réveille joyeusement à 6 heures du mat’, reposée et…

Non, ce n’est pas vrai. Je suis crevée, et ce n’est que le deuxième jour. Je parviens toutefois à me lever, et m’approche du miroir. Hum. J’ai les cheveux en pétards, et en plus, j’ai oublié de me démaquiller après la douche. Je ressemble à un panda.

Au bout d’une demi-heure, je parviens tout de même à être habillée, coiffée, et maquillée. Je n’avais pas envie de déjeuner (qui a faim à 6h30 ?), et je me suis donc lavé les dents directement, en ayant mis des gâteaux dans mon sac, au cas où j’aurais faim plus tard. Mon bus n’est qu’à 7h et quart, et il est à peine 6h45… Depuis quand suis-je aussi à l’heure ?

Je décide de passer le temps en prenant mon téléphone et en regardant Facebook. En voyant la page s’ouvrir, je me souviens brusquement que je n’ai pas regardé le profil de mon prof. Se pourrait-il que j’ai bien deviné pourquoi il semblait assez blasé hier ? Cela dit, j’espère pour lui qu’il est encore en couple, le pauvre… Je tape « Nathan Stevan », clique sur le profil, et vais voir les infos.

« Célibataire. »

J’avais donc raison, lui et sa copine ont rompu durant les vacances. Je me demande pourquoi… Mais bon, cela ne me regarde pas. … Mais même, je suis curieuse, j’aimerais bien savoir moi !

Je vais voir sa photo de profil, et réentends les mots de Céline dans ma tête. « Il est super mignon. » C’est pas faux. Je suis tellement concentrée sur la photo que mon doigt dérape sans faire exprès sur le bouton « J’aime ». Foutu portable tactile ! Je m’empresse de faire « Je n’aime plus », mais il me semble qu’il recevra la notification quand même… Merde, que va-t-il penser ?
Bon, cela dit, on s’en fout. J’ai le droit de faire j’aime si je veux. Je regarde les autres actualités et m’ennuie durant encore un gros quart d’heure, avant de me décider à sortir pour aller prendre mon bus. Je mets mes écouteurs et sors.

En arrivant au lycée, je vois Céline qui me sourit.

- Salut ! Motivée pour les deux heures de maths dès le matin ?
- Euh… Comment dire… Non. C’est horrible de nous mettre ça le premier vrai jour de cours quand même !
- Ouais, j’aurais préféré avoir histoire, rien que pour le prof… D’ailleurs, comment ça s’est passé avec M. Stevan hier ?
- Ben, bien. Rien de spécial quoi. Par contre, j’ai toujours pas ma carte, je dois retourner le voir à 10 heures…
- Sérieux ? L’administration craint quand même…
- Je sais ouais…

En arrivant en maths, je retrouve le petit homme chauve qui était déjà mon prof l’an dernier. Un prof que je n’aimais pas vraiment, qui préférait passer sa mauvaise humeur sur les élèves plutôt que de tenter de les aider à comprendre une matière que beaucoup (dont moi) trouvais difficile. Il ne me paraît pas très content de me revoir non plus. Se souvient-il encore de mes notes lamentables ? Visiblement oui.

- Ah, Joy…
- Bonjour.
- Bonjour. J’espère que tu feras plus d’efforts cette année que tu n’en as fait l’année dernière, je ne voudrais pas convoquer tes parents dès le début d’année. D’ailleurs, tu vas te mettre tout devant, sur la table là-bas, toute seule. Et que l’on soit clairs, si cette année tu n’as pas la moyenne, je me verrais obligé de te mettre en retenue chaque samedi.

Charmante manière de commencer le cours. Je me laisse tomber à la table désignée, pendant que Céline m’adresse une grimace dépitée. Le cours passe, lentement. Les mots du prof glissent sur moi, incapables de m’atteindre. Je dois vraiment faire une allergie à cette matière. Au bout de deux longues heures, la cloche sonne, et je suis la première dehors. Céline me suit.

- Tu vas chez M. Stevan ?
- Ouaip. Je sais même pas dans quelle salle il est, sans doute celle d’hier, mais dans le doute de je vais me dépêcher... A tout à l’heure !

Je monte les escaliers jusqu’au deuxième étage, et arrive devant la salle. Qui est vide.

Chouette, j’ai perdu mon prof.

Je commence à regarder dans chaque salle, mais ce n’est jamais lui. Après avoir fait le tour de l’étage, j’abandonne et me dirige vers les escaliers. Tant pis, j’expliquerai au personnel de la cantine mon problème de carte, et ça devrait…

- Aïe !

Je me suis pris quelqu’un de plein fouet en tournant pour aller prendre les escaliers.

- Désolé, je t’avais pas… Ah, c’est toi Joy, je te cherchais !

Evidemment, c’est M. Stevan qui arrive au moment où je ne l’attendais plus.

- Tant mieux, moi aussi… Désolée, j’étais perdue dans mes pensées et je ne vous avais pas vu.
- C’est ma faute. Mais pour me faire pardonner, tiens !

Il me tend ma carte avec un sourire.

- Je me suis rendu compte que je ne t’avais pas dit dans quelle salle je serai, alors j’ai voulu aller dans ta salle de cours, mais tu étais déjà partie, comme me l’a confirmé ton prof de maths. Il a l’air de bien t’aimer dis moi !

L’ironie perce dans sa voix, et il se met alors à imiter mon prof.

- « Joy.. Hmm, une élève agaçante, ne trouvez-vous pas ? Incapable de se concentrer, de faire des efforts, de réfléchir une demi-seconde ! »

Je suis étonnée qu’il se moque ainsi d’un de ses collègues. Pour moi, les profs forment un petit clan et sont soudés… Visiblement, M. Stevan s’en fiche, et n’apprécie pas plus que moi mon prof de maths.

- Oui, il ne m’aime pas beaucoup. Mais ça peut se comprendre vu les notes que j’avais l’an dernier…
- Tu veux savoir quelque chose ?
- Oui ?
- J’ai eu 6 à mon bac de maths.

Il rigole, et moi aussi.

- Sérieusement ?
- Eh ouais… J’étais nul ! Déjà, avoir eu 6 était un exploit pour moi. Je tournais autour de 3 durant l’année.
- … Et ensuite ça veut être prof…
- Tu comprends pourquoi j’ai pas choisi de devenir prof de maths. Enfin, je suis pas sûr d’être meilleur en tant que prof d’histoire, donc bon.
- Je vous dirai ça demain !
- Eh ben, tu vas te transformer en inspectrice ?
- Pourquoi pas ?

On se répond du tac au tac, c’est assez fun. Je l’apprécie de plus en plus, ce prof. Même si c’est vrai que ses yeux bleus sont assez troublants quand je les regarde bien…

Non, Joy, reprends-toi, c’est ton prof ! Commence pas à baver sur ses yeux ! Et même si c’est vrai qu’il est très mignon, c’est pas une raison pour…

- Tu veux faire quoi plus tard ? me demande-t-il soudain.

Déstabilisée, je ne sais pas quoi lui répondre. Je ne m’attendais pas à cette question du tout. Il a l’air de s’en apercevoir car il se justifie :

- Non mais c’est t’imaginer en inspectrice, c’était bizarre, alors je me demandais ce que tu voulais vraiment faire, c’est tout.
- Franchement, j’en ai aucune idée. Je sais pas du tout ce que je ferai l’an prochain. Enfin, je sais que je ne ferai pas de maths par contre !
- Ca vaut mieux pour tout le monde ! Mais t’as aucun rêve, aucune véritable passion qui pourrait devenir ton métier ?

J’hésite. Il paraît vraiment intéressé par ce que je lui dis, mais de là à lui raconter mon rêve de gamine… Un rêve irréalisable en plus. Mais il ne me lâche pas du regard, et je finis par répondre.

- Je crois que… Que j’aimerais écrire. C’est quelque chose qui m’a toujours passionnée. L’écriture, c’est quelque chose de magique. Ca permet de… De se sentir moins seul je crois. D’être dans son propre monde, d’oublier tout ce qui craint à côté. Mais j’ai pas le talent nécessaire pour devenir auteur, alors bon. C’est pas grave, je trouverai autre chose.
- C’est vraiment ton rêve ?

Je le regarde droit dans les yeux. Il a cessé de sourire, sans que je sache vraiment pourquoi.

- Oui.

Il hoche la tête, et laisse passer un silence avant de reprendre la parole.

- Je crois en toi. Si c’est vraiment ce que tu veux, il faut te battre pour. Peu importe les conséquences, on doit se battre pour ses rêves. Tu risquerais d’avoir des regrets sinon, et crois-moi, j’en sais quelque chose, les regrets font mal.

Il s’arrête, comme s’il pense en avoir trop dit, et soupire, le regard dans le vague. J’ouvre la bouche.

- Qu’est-ce que vous voulez di…

La cloche sonne la fin de la récré et m’interrompt. Cela semble sortir M. Stevan de ses pensées, qui secoue la tête.

- Rien, pardon. J’espère juste que tu y arriveras. On se voit demain, en cours ?
- Euh, oui…
- Salut alors.
- Au revoir.

Il me sourit, mais son sourire semble un peu triste, et sans savoir pourquoi, je me sens mal. J’aurais voulu continuer cette conversation. Il tourne les talons, mais je l’appelle :

- Monsieur !

Il se tourne à nouveau vers moi.

- Oui ?
- Merci.

Son sourire s’illumine un peu, et je sais que j’ai trouvé le seul mot qui pouvait avoir de la valeur en cet instant précis.

Déchirure -Relation prof-élève-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant