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— Mange, je te dis !

— Mais maman, je te dis que je n'ai plus faim !

— T'as rien mangé ! dit-elle en levant des yeux suppliants vers moi.

Visiblement, deux assiettes de paella, trois bouts de fromage et une part de tarte ne sont rien pour ma mère.

— Grand et fort comme tu es, tu as besoin de te nourrir ! Et je suis sûre que tu ne prends pas le temps de le faire correctement. Regarde-moi ça, une semaine en Espagne et tu as les joues toutes creusées !

— M'man, j'ai trente-deux ans et je sais très bien cuisiner, tu le sais très bien c'est toi qui m'a appris. Je suis assez grand pour savoir quand et comment me nourrir et là je t'assure que j'ai suffisamment mangé. Largement même ! C'est plutôt toi qui as bien besoin de te remplumer !

La maladie et les traitements lui ont fait perdre beaucoup de poids. Elle qui a toujours été une force de la nature, elle semble si fragile maintenant. On dirait qu'un simple courant d'air pourrait avoir raison d'elle. Et ça me fait tellement mal de la voir comme ça...

— Je mange suffisamment, ne t'inquiète pas. Et je me sens très bien, si c'est ça qui te tracasse, élude-t-elle en commençant à débarrasser.

— Tu as une petite mine, je trouve, insisté-je en mettant les couverts dans le lave-vaisselle. La semaine prochaine, c'est moi qui t'invite ! Je vais te préparer mon petit risotto aux...

— Léo, tu es un amour et je suis certaine que ton risotto est délicieux mais tu ne vas pas passer deux dimanches d'affilée avec ta vieille mère.

— Et si j'ai envie, moi, de passer mes dimanches avec toi ?

— Et bien tu ne devrais pas ! Tu ferais mieux de les passer avec tes amis ou, encore mieux, avec une femme !

— J'te rassure, m'man, je passe suffisamment de temps avec les femmes ! Je n'ai pas vraiment de problème à ce niveau-là ! m'exclamé-je en rigolant.

— Oh, je ne te parle pas de ça, grand couillon ! Je te parle de la femme. Celle avec qui tu pourrais partager ta vie, tes rêves ! Parcourir le monde, comme avant. Et peut-être même me faire des petits enfants, ajoute-t-elle avec un clin d'œil.

Et voilà, c'est reparti ! Ma mère rêve de me voir marié et père de famille. Pour elle, je perds mon temps. Sauf que moi, je n'ai absolument pas envie d'avoir des gosses ! Ça n'a jamais été un de mes objectifs dans la vie. Je souffle un bon coup et tente de lui expliquer ma vision des choses sans la braquer.

— Écoute maman, j'adore ma vie telle qu'elle est. J'aime mon indépendance, ma liberté. Et j'aime les femmes. Toutes les femmes.

— Tu dis ça parce que tu n'as pas encore trouvé la femme ! Ton père était comme toi, dans sa jeunesse. Et oui, jeune homme, continue-t-elle devant mon regard interloqué. Lui aussi aimait butiner plusieurs fleurs à la fois.

Ma mère et ses métaphores. Je rigole encore en pensant à la fois où elle a voulu m'expliquer l'importance d'utiliser un moyen de contraception.

— Oh, j'ai moi aussi profité de ma jeunesse, rassure-toi !

Euh, pas sûr que ça me rassure...

— Mais quand on s'est rencontré, nous avons su que nous n'avions plus besoin de chercher ailleurs un bonheur illusoire et passager. Nous nous étions trouvés. Et ça ne nous a pas empêchés de continuer à vivre nos rêves ! Tu as l'impression que nous menions une vie calme et sans surprises ? me demande-t-elle d'un air malicieux.

— Pas vraiment, non.

— Tu vois ! Toi aussi quand tu auras trouvé celle qui te faut, tu te demanderas comment tu faisais pour vivre sans elle jusque-là !

— Mouais, si tu le dis ... Bon, allez va t'asseoir dans le salon, je vais préparer le café.

— Pas question ! C'est toi qui va aller te poser sur le canapé pendant que je le prépare. Tu ressembles à un panda avec les cernes que tu te traînes ! Allez, file ! Pas de discussion.

J'obtempère car je sais que lorsqu'elle emploie ce ton-là, ce n'est même pas la peine d'essayer de la faire changer d'avis. Je m'installe confortablement sur le canapé et sors mon smartphone. Je dois envoyer un SMS à Noé qui m'a proposé une sortie à l' Irish Pub jeudi prochain. J'ai hésité avant d'accepter par peur de tomber sur l'autre dingo de Gilda. Pas envie qu'il lui prenne l'envie de me sauter dessus. Je tremble encore au souvenir de notre nuit ensemble ... Heureusement, il semblerait qu'elle soit retournée avec son Brandon.

J'ai à peine le temps d'envoyer un message à mon meilleur pote que mon téléphone vibre, m'avertissant d'une nouvelle notification Facebook. Je sais pas pourquoi mais je crois que je sais de qui il s'agit. Bingo ! « Cam SexyTeacher » a vu les quelques photos de mon escapade madrilène que j'ai postées sur mon mur.

« Le soleil te réussit, mon Léo »

Elle est sérieuse ? Mon Léo ?

« Humm, moi aussi j'adore manger de la glace ... ;-) »

Au secours ! Putain mais pourquoi je lui ai dit que j'avais un compte Facebook ? Je ne pouvais pas me la jouer rebelle asocial, pour une fois ? Je sais vraiment pas comment je vais me débarrasser de cette quinqua nympho ! Non pas que je fuis ce genre de femmes d'habitude. Ni les quinquagénaires, et encore moins les nymphos ! Mais elle, je ne peux pas. J'aurais l'impression de me taper la petite sœur des Bogdanoff !

Je pose mon téléphone, bien décidé à ignorer cette folle, et ferme les yeux quelques instants. Ma mère a raison, je suis crevé. La semaine a été intense, autant en journée pour le travail, que la nuit pour le plaisir. J'ai fait la connaissance d'une petite guide touristique charmante qui m'a fait découvrir les charmes de Madrid de multiples façons. Pas vraiment mon style de nana à la base, avec ses longs cheveux blonds et ses grands yeux verts, mais elle a su se montrer convaincante. Quand je repense à cette visite privilégiée de ...

— Tu dors, mon chéri ? murmure ma mère en entrant dans le salon.

— Nan, t'inquiète, je réfléchissais, c'est tout, fais-je en me redressant.

Tandis qu'elle pose le petit plateau contenant les tasses et le sucre sur la table basse et qu'elle s'installe à mes côtés, elle ne peut pas s'empêcher de revenir à la charge.

— J'ai vu Sophie, avant-hier.

— Ah oui ? Elle va bien ?

— Ça va, ça va ... Elle m'a dit qu'elle t'avait vu il n'y a pas très longtemps au restaurant de sushi, près du port.

Ah tiens, oui c'est vrai. J'avais complètement oublié que j'avais vu les parents de Noé ce soir-là. Faut dire que Zoé a pas mal accaparé mon attention durant cette soirée ...

— Elle m'a dit que tu étais avec la petite Zoé.

Et merde ! J'en étais sûr.

— Je ne savais pas que vous vous fréquentiez à nouveau, tous les deux. Je l'aime bien, cette petite.

— M'man, Zoé et moi on ne se ... « fréquente » pas. Pas vraiment.

Comment expliquer à ma mère le concept de sexfriends ?

— Vous aviez l'air plutôt proches, à ce que m'a dit Sophie.

— On n'est pas en couple, en tout cas.

— Vous devriez ! Vous alliez tellement bien ensemble, à l'époque. Cette petite est tellement jolie ! Et intelligente !

— M'man, arrête s'il te plaît. J'adore Zoé mais c'est une amie. Point.

— Et bien, tu devrais songer à la regarder autrement que comme une amie, à mon avis. Avant qu'un autre ne te la pique !

— Ok, ok, j'y penserai ..., capitulé-je sans y croire.

Non, Zoé et moi on n'est pas fait pour être en couple. Je ne suis pas fait pour être en couple. Et c'est très bien comme ça.

Wild&Free [Sous Contrat D'édition] Where stories live. Discover now