C'était la dernière phrase qu'il avait lue. Les syndromes concernaient Lydia. Tout bien considéré cela s'appliquait aussi parfaitement à Harlock, constata Zero, et ce n'était pas la première fois qu'il se faisait ce genre de remarque. La guerre laissait des cicatrices visibles, mais les plus dévastatrices d'entre elles étaient souvent invisibles. Et ses ravages n'épargnaient personne.
Le médecin serra involontairement les mâchoires. La piraterie n'épargnait personne non plus, pas même sur une planète neutre.
— Que s'est-il passé ? demanda-t-il.
— Ted le Rouge a fait une mauvaise chute lors de la maintenance du réacteur. Fracture ouverte, probable traumatisme crânien, et j'ai dit aux gars de ne pas le déplacer avant d'avoir votre diagnostic, de façon à éviter d'éventuelles lésions au niveau de la colonne vertébrale.
Zero sentit ses traits s'assombrir. À cause des blessures du gros Ted, bien sûr, mais pas seulement. « ... un émoussement des émotions... jusqu'à une insensibilité émotive. » Bonjour docteur, un de mes hommes risque de finir tétraplégique. Tu n'as pas l'impression que tu manques légèrement d'empathie, capitaine ?
Tout dans la gestuelle d'Harlock indiquait qu'il attendait de sa part un « j'arrive tout de suite, capitaine ». Ce que Zero allait faire, évidemment (le boulot avant tout), mais pas avant de s'être occupé d'une priorité plus... familiale, dira-t-on.
— Oui mais... Et Lydia ?
Le sourcil d'Harlock se leva de manière imperceptible – un signe d'agacement ou d'impatience, difficile à dire, mais en tout cas c'était peu ou prou la première expression du pirate depuis son arrivée.
— Quoi, Lydia ?
Zero n'était pas dupe, le capitaine ne s'étonnait pas de la présence de Lydia (sur l'Arcadia, le médecin avait suffisamment rabâché qu'il allait profiter de leur relâche à proximité de la cité balnéaire pour emmener la petite fille s'amuser à la plage et, il avait insisté, qu'elle se change les idées loin de tout ce qui pouvait ressembler à un pirate). Non... Probablement Harlock estimait-il que la gamine pouvait se débrouiller toute seule pour la fin de l'après-midi.
Le doc tendit sèchement la main vers la fillette. Toute seule. À six ans. Et pour assurer sa sécurité on lui laisse un pistolaser et trois ou quatre grenades, capitaine ? Zero préféra ne pas tenter le trait d'humour à haute voix. Harlock l'aurait pris au sérieux.
— Elle fait un château de sable, lâcha-t-il plutôt. Lydia !
Accroupie quelques mètres plus loin, la fillette traçait avec application des lignes successives de traits ondulés sur un monticule de sable. À l'appel de son nom, elle leur jeta un regard perplexe. Elle avait l'air d'un petit animal apeuré, songea Zero, le cœur serré. Il aurait aimé qu'elle coure partout comme les autres enfants de cette plage, mais bon... Au moins elle jouait au lieu de rester prostrée comme au début de leur séjour, c'était toujours mieux que rien.
Le médecin posa les yeux sur le livre qu'il tenait toujours ouvert. « ... les activités ludiques représentent la principale approche thérapeutique auprès des patients. Elles sont le moyen d'expression de soi le plus fort et le plus primitif qui facilite la communication chez le sujet et qui permet la relâche cathartique des émotions. Le jeu peut être régénérateur et... »
Zero se crispa. Au moins elle jouait. Hors de question qu'il laisse la petite fille seule, et hors de question qu'il lui fasse remballer ses affaires et qu'il la ramène sur l'Arcadia le temps de soigner Ted. Des pensées contradictoires se bousculèrent sous son crâne. Une urgence. Lydia. La priorité. Une solution, vite. Et Harlock n'avait aucune putain d'idée du dilemme, c'était certain.
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Points de vue
FanfictionSur une planète, une plage. Une petite fille. Un pirate. Et quelques instants d'éternité.
Une enfant, des soucis, un perturbateur. Un pari.
Depuis le début
