Une enfant, des soucis, un perturbateur. Un pari.

Start from the beginning
                                        

Ensuite, c'était le trou noir. Quatre heures sans nouvelles. Quatre putains d'heures à se ronger les sangs, le temps qu'Harlock avait mis pour rejoindre l'Arcadia et lui ramener Lydia.

La fillette n'avait pas été blessée. Harlock, si, mais pas assez pour que le médecin ne parvienne à le coincer à l'infirmerie. Il en fallait beaucoup plus que « c'est juste une éraflure, doc, ne vous inquiétez pas » pour immobiliser le capitaine pirate.

Lydia n'avait cessé de trembler compulsivement que le surlendemain. Harlock avait fini par venir réclamer des points de suture. Blessure à l'arme blanche. Lame crantée, entaille de quinze centimètres, en partie haute de l'os iliaque. « Juste » une éraflure. Tout ce que Zero pouvait en déduire, c'était qu'il y avait eu combat rapproché. Et que ça n'avait pas dû être joli à voir. Dans quelle mesure, c'était une autre histoire.

Il avait incité Lydia à dessiner ce qu'elle avait vécu et elle avait rougi des pages de petits personnages mutilés.

Il avait évoqué le sujet avec Harlock et avait eu l'impression de se heurter à un mur. Le capitaine considérait l'incident clos. De toute évidence, il n'avait pas la moindre intention d'en parler. Qu'il change d'avis relèverait de l'exploit : Dieu seul savait à quel point ce foutu pirate était têtu !

Le docteur revint à sa lecture avec un reniflement agacé.

« ... tendance à éviter de parler de l'événement traumatisant pour ne pas y être confronté directement, entraînant de facto un émoussement des émotions qui peut aller jusqu'à une insensibilité émotive. L'individu se replie sur lui-même et... »

— Doc, j'ai besoin de vous sur l'Arcadia.

De surprise, Zero manqua de lâcher son livre. Cette voix était bien la dernière qu'il se serait attendu à entendre ici.

— Mais que... bafouilla-t-il.

... et son propriétaire était bien la dernière personne qu'il aurait imaginé voir sur une plage touristique. Harlock détonnait dans le paysage, d'ailleurs. Vêtu de sa tenue noire habituelle, armes ostensibles à la ceinture et Jolly Rogers immaculé sur le torse, il transpirait le guerrier dangereux du bout de ses bottes au revers écarlate de sa cape. Le pirate n'avait même pas pris la peine de faire preuve d'un minimum de discrétion : leur planète d'escale était rattachée au Consortium Marchand des Planètes Unies, lequel se réclamait neutre et surtout, avait clairement indiqué à la Fédération ne pas être tenu d'honorer des avis de recherche ne le concernant pas (en l'occurrence, celui qui courait sur l'Arcadia).

Zero se redressa, soudain paniqué. Un pirate armé. Sur une plage. Putain de merde, rien ne justifiait la présence d'Harlock en ces lieux !

— Nom de Dieu, qu'est-ce que vous foutez ici ? termina le médecin sur une note accusatrice.

Le reproche implicite se perdit largement au-dessus de la tête d'Harlock. Le capitaine de l'Arcadia était depuis longtemps passé maître dans l'art d'ignorer les critiques quant à son comportement.

— J'ai une urgence médicale sur l'Arcadia, répondit le pirate.

Et il était très doué pour éluder, aussi.

N'importe qui d'autre à bord aurait pu faire le déplacement. Harlock le savait, Zero le savait, Harlock savait que Zero le savait... Le capitaine n'avait probablement choisi cette option que dans l'unique but de faire chier son monde. Il était très doué pour ça également : augmenter le niveau de stress de son entourage, tout en montrant de son côté à peine plus d'expressivité que la barre en bois de son vaisseau.

« ... un émoussement des émotions », songea le doc, « qui peut aller jusqu'à une insensibilité émotive. L'individu se replie sur lui-même et... »

Points de vueWhere stories live. Discover now