L'héritière de Malundis (Autoédition - 2024)

Chapitre 3

— Nous appelons cela le karma, très cher, dit-elle, amusée.

Au coin de ses lèvres, de petites fossettes étaient visibles. Toute sa vie, on lui avait sans cesse répété qu'elle tenait cela de son père, mais qu'elle avait la douce innocence de sa mère lorsqu'elle avait son âge. Cela était forcément plaisant à entendre à l'époque. Toutefois, à présent, elle y repensait avec une pointe de nostalgie dans le cœur. Au fond, Robin était un peu comme son second père, mais il ne remplacerait jamais le sien. Il était un peu la figure à laquelle elle s'était toujours référée lorsque le Roi était occupé avec le Conseil ou avec des déplacements. Elle se souvenait, vaguement, lorsqu'elle était beaucoup plus jeune, les soirs où il venait lui conter des histoires sur les prouesses des chevaliers dans les guerres passés. Il venait le plus souvent lorsqu'elle était chagrinée de ne pas voir son père près de son chevet. Elle avait une relation fusionnelle avec Robin, mais incomparable avec les vrais liens du sang.

Très vite, l'exaltation qui s'était manifestée face à leur maladresse s'estompa dans la nature lorsque des voix se firent entendre au loin. Il ne fallut pas bien longtemps à Robin pour la prendre par les épaules et l'attirer contre un chêne. Son fidèle ami glissa son index sur ses lèvres, lui faisant signe de se taire. Mais sa carrure était bien trop imposante pour pouvoir se cacher derrière un arbre et, très vite, il fut interpellé par les hommes. Sans même daigner lui jeter un dernier regard, il s'éloigna de l'héritière pour aller à leur rencontre. Naïla, inquiète pour sa vie, commença à sortir sa nouvelle épée de son étui. Elle était prête à rejoindre le combat s'il y en avait un. Son palpitant s'accéléra brusquement. Elle pouvait le sang battant contre ses tempes. Son estomac, quant à lui, se contracta un peu plus à chacune des secondes qui passait et qui semblait durer une éternité. Un silence pesant s'était désormais installé. Et si Robin était mort ?

L'héritière allait se risquer à jeter un coup d'œil, mais des rires se firent entendre. De vrais éclats de voix. Pas ceux que font les hommes lorsqu'ils ont commis un acte malveillant. Fronçant les sourcils, elle finit par sortir de sa cachette lorsque Robin l'appela en lui disant qu'il n'y avait rien à craindre. Ce qui se déroula ensuite sous ses yeux ne trouva pas le sens qu'elle s'était imaginé. Dans l'incompréhension la plus totale, elle le vit prendre les deux hommes dans ses bras, offrant quelques tapes sur l'épaule de chacun.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Nous te pensions mort lors de l'attaque de la Capitale.

La jeune brune les regarda avec ignorance. Les arrivants avaient tout l'air de chasseurs. Ils portaient chacun un arc et un carquois de flèche sur leurs épaules et semblaient avoir l'âge de Robin. Elle leur donnait presque la quarantaine, mais elle n'était pas réellement sûre. Définir l'âge de quelqu'un n'avait jamais été son fort. Parmi eux se trouvait un homme d'une demi-tête de moins que Robin, alors que l'autre semblait d'une taille gigantesque. Il était rare de voir quelqu'un d'aussi grand et d'aussi imposant. Il devait mesurer un peu moins de deux mètres, mais elle n'en était pas réellement sûre de là où elle observait.

Le premier était brun et plus petit que son partenaire, quoique légèrement plus fort. Il portait une tunique marron qui paraissait être bien trop étroite pour lui. Sûrement une tenue d'occasion. Mais avec le froid hivernal qui commençait à s'installer, mieux valait-il porter des habits peu plaisants, mais agréablement chauds. Le second avait déjà les cheveux totalement gris et les yeux noisette. Il semblait avoir un peu plus d'argent que son compagnon puisqu'il portait une cape à l'intérieur en poil de bête. Celle-ci semblait être également d'occasion, mais de bien meilleure qualité. Tandis qu'il retirait ses gants noirs, un détail n'échappa à son regard : il lui manquait deux doigts à la main gauche. Une curiosité s'éveilla en elle et elle commença à imaginer l'aventure qui se cachait derrière cette cicatrice.