Chapitre premier: les sous entendus

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 Décembre 1941, Bourdun. 



  -"Louise? Tu vas être en retard!" Hurle ma tante en bas des escaliers.

 -"J'arrive!" Criais-je de ma chambre. J'attrape rapidement mon gilet et l'enfile. Comme presque chaque matin, me voilà en retard. Ma tante est là à m'attendre ma pochette de dessin à la main. J'attrape le petit carton et le place sous mon bras en souriant à ma tante.

-"Merci." Je lui sourit et m'arrête sur la broche qu'elle porte sur sa veste de soie rose. Cette broche me faisait penser à ma mère. C'était un bijou plutôt petit, qui reprenait une fleur comme il était possible d'en voir dans les prairies, en été.

 -" Cette broche est magnifique, ma tante." Elle me sourit en posant délicatement ma main sur le bijou qu'elle portrait. Ma tante est une personne très coquette qui aime ce qu'elle qualifie couramment de beaux objets. Malgré son attrait pour la beauté, elle n'en reste pas moins une personne généreuse et profondément humaine. Ce sont des qualités qui sont, à mon sens, indispensable dans les temps qui courent. Ma tante relève ensuite son visage vers le mien et se concentre quelques secondes sur la montre autour de son poignet. 

-" Claudie est-elle réveillée ? Elle doit aller au collège n'est-ce pas?" Inquiète de ne voir sa fille descendre, ma tante monte les escaliers en espérant que Claudie soit levée. Claudie est ma cousine. C'est une jeune femme très enjouée, presque extravertie. Elle est d'une joie de vivre extraordinaire. Jamais je n'avais vu une jeune fille aussi rayonnante, surtout maintenant que Bourdun était aussi occupée par l'armée Allemande. Malgré la joie de ma jeune cousine, elle n'en reste pas moins une toute jeune femme encore bien insouciante. Elle fait mouche après de la gente masculine, ce qui, avouons le, ne lui déplaît pas.

- "Dieu du ciel ! Claudie ! Tu as utilisé mon maquillage !" Criait ma tante du haut des escaliers. Une fois de plus, ma cousine avait emprunté quelques atours à sa mère.

- " Oui oui ! Mais j'ai 16 ans maman ! Je peux tout de même mettre un peu de fard et de rouge. Mes amies le font !" Ma cousine s'indignait en descendant les marches de la maison deux par deux. A l'entente de ces mots, je souriais. J'aimais profondément ma cousine, ma tante et mon oncle. Ils étaient ma seule famille, depuis ces derniers mois. Mes parents doivent gérer leurs entreprises en Suisse et ils ont tenu à ce que je sois la plus éloignée possible de la guerre. Alors, me voilà ici. Me sortant de ma rêverie, Claudie attrapait mon bras et me souriait. 

- " Allons-y chère cousine !" Elle riait et me tirait à l'extérieur. L'air était frais, nous étions au mois de décembre après tout. Malgré cela, l'air n'était pas trop frais et le soleil dominait le ciel.

- "Alors ? Cette fois pour qui portes-tu ce beau rouge à lèvre ?" Je lui souriais et lui donnais un très léger coup d'épaule en observant attentivement ses réactions.

- "Mais, voyons Louise ! N'as-tu pas pu constater la présence de tous ces beaux officiers dans les rues ? Ces beaux soldats!" 

Je me stoppais et la regardais, interloquée. 

- "Mais, Claudie... Ce sont des occupants..." A vrai dire, je ne savais que penser de tout ceci : la guerre, l'occupation, la présence des soldats dans le village... Très clairement, je n'aimais pas qu'ils soient ici. Je voulais simplement que tout ceci cesse, pour que nous soyons en paix. Mais je crains de n'avoir une vision beaucoup trop idyllique de la vie. 

- "Oui et ? Ils restent des hommes. Puis tu sais, tous ne sont pas forcément mauvais ! Certains sont aussi là parce qu'ils n'ont pas le choix. Et puis toutes les filles de classes sont comme moi : charmé !" Elle riait en me tirant plus fort. Je ne voulais pas briser les espoirs ou les joies de ma cousine mais je peinais réellement à me rejouir de leurs présences ici. Je ne savais ce que pourrait penser son père de telles paroles. Le père de Claudie, mon oncle, se nommait Bernard. Il était le maire du village et était un homme extrêmement doux et gentil. Il faisait tout pour que les villageois se sentent bien, malgré la présence des Allemands. Il tentait également de conciler à la fois la vie quotidienne, qui est celle de la guerre, et la présence des ennemis, dans son village. Une nouvelle fois perdue dans mes pensées, Claudie s'arrête brutalement tandis que nous marchions. Cette pause m'arrête également et je tente de comprendre ce qui se passe.

Les Corbeaux dans le ciel, Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant