1- Avant j'étais invisible...

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Avant j'étais invisible. L'invisible fille, Alexis Harry (portant un prénom de garçon). Je n'étais ni dans les populaires, comme tous ces jeunes qu'on admire ; ni la ratée de service, celle qu'on place sur notre liste noire. J'étais simplement une fille banale qui se fondait dans la masse. Et, c'était parfait ! Honnêtement, je m'en contentais parfaitement. Mais ça, c'était avant que je ne mette les pieds à Blueberry. Avant que je ne fasse la rencontre de Caleb, qui allait bouleverser mon quotidien si rassurant.

Quitter Paris n'était pas si aisé. Non pas que j'avais un petit ami qui me retenait, mais là-bas, j'appréciais que les gens ne se souciaient pas de moi. Là-bas, je me fondais dans le décor, je passais inaperçue, j'étais transparente. Les passants ne s'arrêtent pas pour vous détailler de la tête aux pieds, ils n'émettent pas de commentaire sur votre tenue vestimentaire. À Paris, je pouvais acheter ma baguette sans avoir à faire la conversation à un parfait inconnu. C'était peut-être idiot, mais c'est cette partie-là qui allait me manquer le plus. Comprenez, je suis timide, prisonnière de mon corps, mal dans ma peau, prête à déguerpir aux moindres jugements et remarques des autres. Dans le cœur de Paris, je me terrai sans difficulté. Alors qu'à Blueberry, c'est différent !

Blueberry, la ville de mon enfance. Un coin paradisiaque, à ce qu'il parait, sur la côte ouest de la Floride. Moi tout ce dont je me souviens, ce sont les moqueries des enfants à mon égard. Un coin que nous avions quitté lorsque mon père fut mandaté par mon grand-père pour installer l'entreprise familiale en France. Ce qui n'était pas pour déplaire à ma mère, née là-bas. J'avais alors 5 ans et depuis mon quotidien se résumait aux croissants trempés dans mon cappuccino bien crémeux, un roman posé devant les yeux et des livres pour m'évader de la vérité. En somme, pas grand chose, mais une routine rassurante.

Une routine qui cessa depuis une semaine. Me voilà de nouveau à Blueberry, peuplée de 22 345 habitants, avec ses plages de sable blanc, ses rues fréquentées de papi et mamie promenant leur chien, sa ville située à la 5 ième avenue. Ici j'ai l'impression que tous les habitants se côtoient, se saluent au supermarché, se sourient niaisement. Alors forcément, une nouvelle tête comme la mienne, ça ne passe pas inaperçu !

À Paris, j'étais scolarisée à la maison avec ma meilleure amie, Lyne. Une fille des îles, sportive, rayonnante, intelligente et qui n'a pas la langue dans sa poche.

Que dire donc de la rentrée au lycée de Blueberry ? Un désastre ! Pour ne pas arranger les choses, les cours ont déjà débuté il y a une semaine.

J'avance donc jusque devant ma classe, papier en main, les yeux rivés sur mes mocassins noirs brillants. Je soupire bruyamment, cherchant en moi un soupçon de courage et tire sur ma jupe plissée de couleur grise. Pas le temps de toquer à la porte, un garçon m'ouvre la porte galamment.

— Hi, moi c'est Jules ! dit-il tout sourire

— Hummmm...Al...Alexis, bredouillé-je maladroitement.

Nous rentrons dans la salle et les regards convergent sur nous les intrus, en retard au cours de Littérature. Ne sachant pas où m'asseoir, je suis Jules jusqu'au fond, mais hélas, pas de place de libre. Des rires fusent de toute part, je sens le rouge me monter aux joues. Le professeur, un moustachu, m'invite à m'installer devant lui. Pas d'échappatoire possible donc ! Les cours se succèdent dans un rythme décousu où je demeure seule, enfermée dans ma bulle, sentant les autres me dévisager malgré tout.

À la pause déjeuner, je me perds dans les couloirs, avant de trouver la cafétéria. Des groupes formés aux diverses tables discutent. Je reconnais Jules qui me hèle, m'invitant à le joindre à sa table. Malgré ma timidité, je suis soulagée de mettre fait un allié. Il est attablé avec une sublime rousse, les yeux en amande.

— Bon...bonjour, je suis Alexis, dis-je, les yeux rivés sur mes chaussures.

— Salut ! Moi c'est Évangéline, ou Eva pour faire court. Tu es la nouvelle ?

— Il parait !

Les mains moites, je dépose mon plateau avant qu'il ne tombe, essuyant mes paumes sur ma jupe.

— Attends...minute ! On se connait, enfin d'une certaine façon, je crois que nous étions dans ensemble en maternelle.

— Waouh ! Quelle mémoire ! dis-je

Évangéline...Euh...J'ai un vague souvenir de mes années de la petite enfance, mais je me rappelle d'une rouquine avec qui je jouais de temps à autre. Ça remonte à loin !

Je mange les pommes de terre sans grande conviction, les yeux rivés sur mon assiette. Malgré tous mes efforts pour me faire discrète, je sens la centaine de paire d'yeux rivés sur moi.

Tout cela n'est pas évident ! Changer de pays, quitter sa routine pour s'immerger dans un tout autre monde, qui n'est plus tout à fait le mien. Difficile de passer du stade de la fille invisible à celle qu'on dévisage en permanence. Je sens le rouge me monter aux joues. Au bout de quelques minutes, je lève la tête et regarde ceux qui partagent ma tablée. À côtés de moi, Évangéline est tout le contraire. Si ma posture est celle d'une fille en mal de vivre, elle, est tout l'inverse. Ses épaules ne sont pas avachies, son regard n'est pas fuyant, son sourire n'est pas distant. Comment ne pas l'être ? Cette fille est sublime ! Jules, lui, un blagueur aux yeux bleu turquoise, fait des louables efforts pour me mettre à l'aise jusqu'à notre retour en classe.

La journée se termine enfin et je regagne ma voiture, seule. Le trajet jusqu'à chez moi est rapide. Ainsi que je m'y attendais, mes parents ne sont pas à la maison. Je me précipite dans la cuisine. Comme je le fais dans les moments de stress, je me réfugie dans la nourriture. J'ouvre le placard et prends le premier paquet de chips tombé sous la main. Le papier crispe sous mes doigts. J'enfourne le maximum de chips dans ma bouche, sans prendre le temps réellement d'apprécier la saveur salé. Je réitère la chose jusqu'à écœurement.

Manger est un le seul moyen trouvé pour combler un vide, un manque cruel d'amour. Tel un placebo, parfaitement inutile, je remplis mon coeur d'un remède passager. J'avale goulûment un soda, m'affale dans le luxueux canapé, assise dans notre somptueuse salon face à la mer. Je me sens dépeuplée. J'aimerai retourner à Paris, me terrer parmi la foule, à l'écart de tous ces regards perçants du lycée. Redevenir invisible tout simplement.


Mes loulous, je ne vous oublie pas pour le roman LOVED, je vais l'inscrire sur FYCTIA pour le concours New Romance, mais me revoilà avec un autre roman...Venez sur Fyctia pour voter pour moi, sous le nom de Marie GUFFLET, concours Popul

Secondes chances -- publié sur AmazonWhere stories live. Discover now