Hélène

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J'ai 23 ans. Les jeunes de mon âge sont sensés être candides, heureux, ouverts à la vie, mais ce n'est pas mon cas. Le sort en a décidé autrement.

Je n'oublierai jamais le jour où ma vie a perdu son sens. Je n'arrive pas à le retirer de ma mémoire. Une cinématographie rediffusée en boucle dans ma tête.

J'étais mêlée entre bonheur, panique et excitation. Mon plus gros rêve était sur le point de se réaliser. Je me suis levée à six heures du matin à fin de me perfectionner pour le rendez vous qui suivra. J'ai pris une bonne douche afin de décontracter mes muscles dorénavant tendus, puis j'ai enfilé les vêtements que j'avais préparés la veille : une mini robe blanche sans manches qui met en valeur mes jambes élancées. J'ai pris soin de me maquiller correctement et je suis sortie après avoir embrassé ma mère. J'ai refusé qu'on m'accompagne, et ma famille a accepté ma décision de faire face à ce jour toute seule.

J'ai directement emprunté l'autoroute, ne voulant être en retard. C'était un rendez-vous avec madame Cynthia Jones, la femme la plus célèbre dans le monde du mannequinat. Je me suis présentée sur internet, et il m'a fallu envoyer beaucoup de précisions sur mon physique à fin d'être acceptée. Entre cinquante filles, j'étais classée parmi les trois acceptées. 

Il y'avait plein de questions qui n'ont cessé de torturer mon esprit : serai-je acceptée ? Deviendrai-je réellement un mannequin? Est-ce que ma robe est à la hauteur ou aurai-je du porter une couleur plus obscure? Mes cheveux sont-ils bien coiffés ? Madame Cynthia sera-t-elle ravie ?

Un bruit strident m'arracha de ma petite bulle. J'ai levé instinctivement la tête et j'ai entendu un cri perçant, peut-être le mien. Puis, il n'y eut rien. Juste le silence.. et cet étrange voile noire qui handicapait ma vue.

Je me suis levée, un jour, dans une chambre bien décorée mais à l'odeur étrange. Il y avait beaucoup de machines branchées à différentes parties de mon corps. Je pouvais sentir la nudité de mes jambes, abritées sous une fine couverture bleue. Aucun bruit n'a pu sortir de ma gorge sèche. Qu'est-ce que je fous ici? ai-je nerveusement songé, bien que la réponse se dessinait déjà dans mon esprit. Les souvenirs ont ensuite commencé à défiler dans ma mémoire et je me suis rappelée de ce fameux accident. Des lumières blanches braquées droit sur la vitre de la voiture, un klaxon infernal et une collision brutale.

Une infirmière est venue me voir après un bon temps et m'a dit que j'étais la depuis deux semaines. Deux semaines sans bouger le petit pouce ! Un frisson parcourut mon échine. J'ai senti à quelle point elle était désolée en m'informant d'une voix hésitante que je suis devenue handicapée suite à ce grave accident. Une paraplégie, qu'elle disait. Mon cœur s'arrête de battre à chaque fois que je re-songe à cette effroyable scène. Je n'ai pas pu contrôler ces larmes qui ont abondamment couler sur mes joues, tandis que ma mère était rentrée au même moment, aussi déchirée que moi pour me consoler.

J'ai passé un bon moment dans cette horrible chambre. J'étais tellement déprimée que j'ai refusé de manger et de boire, chose qui a empiré ma santé et celle de ma mère.

Vingt trois ans. C'est encore trop frais, trop nouveau pour subir un tel handicape. C'était plutôt que déplorable.

En revenant à la maison, assise sur mon fauteuil roulant je me suis enfermée dans ma chambre. Je passais mes jours et mes nuits à regarder envieusement des défilés de mannequins sur internet. Ça me blessait à chaque fois, mais j'avais l'impression voir même la certitude que c'était un besoin vital pour moi.

Un an s'est écoulé et j'étais encore dans le même état.

Un jour, j'ai lu un article sur internet. Il y'avait un mannequin paraplégique. Oui; Je n'ai pas cru mes yeux. C'était une très bonne nouvelle pour moi.. tellement que je me suis effondrée en larmes, plus joyeuse que jamais. Une soudaine flamme s'est embrasée dans mon cœur, brûlant le restant de mon chagrin et attisant à nouveau la joie de vivre qui s'était éteinte. Je me suis sentie forte et surtout, plus audacieuse de défier mon handicap.

HélèneWhere stories live. Discover now